Avant la crise du Covid-19, il était déjà évident que l’utilisation de documents papier entraîne une charge administrative importante pour les opérateurs logistiques et pour l’ensemble de leurs partenaires. De multiples initiatives ont donc été lancées pour dématérialiser l’information, y compris par le DTLF (Digital Transport Logistic Forum). Au niveau européen, Fenix (Federated Network of Information eXchange in logistic) devrait publier le résultat de ses travaux d’ici à 2023. Quant à l’entrée en vigueur de l’eFTI, elle est attendue à l’horizon 2024-2025. Il s’agit d’un règlement européen concernant les informations électroniques relatives au transport de marchandises qui obligera les autorités européennes compétentes à accepter sous forme électronique les informations légalement requises pour le transport de marchandises. L’eFTI doit entraîner la création de spécifications communes pour ces données. Elles garantiront l’interopérabilité et provoqueront la dématérialisation des documents échangés par les entreprises de transport ou de logistique. Ce règlement prévoit l’emploi de plateformes certifiées eFTI pour garantir aux opérateurs économiques l’acceptation de leurs informations réglementaires et fournir aux autorités compétentes un accès fiable et sécurisé à ces informations. L’interopérabilité sera assurée entre les plateformes eFTI. Les prestataires de services eFTI s’assureront que les données sont traitées exclusivement par des utilisateurs autorisés et qu’elles sont sécurisées.
Le seul document de transport qui atteste du contrat de transport entre un expéditeur et un destinataire est la lettre de voiture (CMR). Si l’on exclut ce qui concerne la douane, le chauffeur et le véhicule, les autres documents sont des documents commerciaux. Ces derniers sont aujourd’hui dématérialisables à travers des systèmes EDI, mais peu d’entreprises de transport utilisent ces systèmes. Celles qui y ont recours les utilisent par obligation. UN/ CEFACT a établi une norme pour la lettre de voiture électronique (eCMR). Responsable de la filière transport et logistique pour GS1 France, Thierry Grumiaux prévient : « Si on ne dématérialise que la CMR sans prendre en considération les autres documents, ça ne sert à rien. Le problème actuel de l’eCMR est l’incapacité des différentes solutions du marché à communiquer entre elles. » Pour que les événements (enlèvements, livraisons) et réserves émises soient partagés par l’ensemble des acteurs concernés par un transport, il est aujourd’hui nécessaire qu’ils utilisent tous la même solution. En pratique, cela oblige tous les chargeurs, transporteurs et destinataires à s’équiper de l’ensemble des solutions d’eCMR disponibles. Elles sont actuellement au nombre d’une quinzaine. L’enjeu réside donc dans l’interopérabilité de la validation des événements. La norme UN/CEFACT ne prévoit pas ce point.
Faisant un pas vers cette interopérabilité, TransFollow rejoignait en juin 2020 le programme iSHARE lancé en 2018 par les principaux acteurs néerlandais du secteur logistique afin de développer le partage de données dans le transport et la logistique. À travers un ensemble d’accords permettant aux organisations de se donner mutuellement accès à leurs données, iSHARE certifie qu’elles utilisent les mêmes méthodes d’identification, d’authentification et d’autorisation. Dans ce but, iSHARE leur fournit une signature unique « iSHARE Single Sign-On ». Les entreprises n’ont donc plus besoin de conclure de nouveaux accords chaque fois qu’elles souhaitent partager des données. Dans le cadre de l’adhésion de TransFollow au programme iSHARE, ses clients peuvent utiliser iSHARE Single Sign-On pour se connecter à toutes les plateformes eCMR membres d’iSHARE grâce à une seule identité. Ils accèdent ainsi à différents types de données opérationnelles.
Ce que l’on entend par « documents de transport » correspond à un ensemble aux limites floues. Bon de livraison, liste de colisage, documents liés à un type particulier de marchandises (matières dangereuses, produits frais, etc.) ou certificat de nettoyage des citernes comptent parmi la cinquantaine de documents liés au transport. Pour les dématérialiser, il est nécessaire de s’accorder sur un modèle de données. Le modèle MMTRDM (Multi Modal Transport Reference Data Model), de l’UN/CEFACT, est l’un d’eux. Il se fonde sur les étapes achat, acheminement et paiement d’un transport. Et il réunit les messages qui permettent de traiter la dématérialisation. Il faut ensuite faire communiquer les systèmes entre eux, soit à l’aide de messages standardisés, soit au moyen d’API. « Nous n’avons pas forcément besoin de normes pour encadrer les diverses solutions de dématérialisation appliquées aux documents les plus divers, ajoute Thierry Grumiaux. En revanche, il faut évidemment établir des connexions avec ces solutions pour que les données créées par une application puissent être exploitées par un autre système. »
« Le problème est que l’on remet au transporteur des documents papier lors du chargement, rappelle Benoît Joncquez, cofondateur et CEO de Dashdoc. La dématérialisation permet au transporteur de facturer plus vite et de réunir l’ensemble des documents et justificatifs dans un même dossier. Nous ne faisons pas exclusivement de la dématérialisation des documents du transport. Notre but est d’accélérer la facturation par le transporteur et de lui permettre d’offrir un meilleur service client qui lui fera gagner des marchés. Le portail Dashdoc apporte de la traçabilité et réunit les documents utiles. » Le système permet de comparer le transport prévu à ce qui a été effectivement chargé et livré. Interfacé par Webservice API avec les TMS (Akanea, Ansoft, Cofisoft, OMP, etc.) ainsi qu’avec des TMS maison, Dashdoc a intégré les spécificités métier. Tous les métiers de la palette, du colis, du vrac liquide ou solide, de la location sont traités, ainsi que les contraintes ADR et Qualimat. Déjà déployé par les groupes Mauffrey et Mousset, Dashdoc arrive maintenant chez Delisle. En septembre 2020, cette solution a été utilisée pour 120 000 transports, un score multiplié par six en un an.
La connexion des systèmes est essentielle. Début septembre, Simacan et TransFollow ont officialisé leur partenariat en interconnectant leurs plateformes logistiques européennes pour la réalisation des transports. Leur but est d’améliorer l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement en fournissant aux utilisateurs des informations plus précises sur leurs processus logistiques. Simacan intégrera l’e-CMR TransFollow sur sa plateforme tandis que les heures d’arrivée estimées (ETA) par Simacan seront visibles dans l’environnement TransFollow. Pour aboutir à une dématérialisation complète, il faut également dématérialiser les documents du chauffeur et ceux du camion. En 2016, Thales cédait au Groupe Imprimerie Nationale son activité de gestion d’identité, qui générait à l’époque un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros. L’Imprimerie nationale développe ainsi un portefeuille numérique qui rassemble tous les documents du chauffeur sur un smartphone. Paradoxe de l’ère de la dématérialisation, celle-ci va rendre incontournable des appareils comme les smartphones et les tablettes. Ils devront prouver à l’usage qu’ils sont moins fragiles que le papier.