Vilnius estime que le paquet Mobilité discrimine les transporteurs lituaniens, notamment du fait de l’obligation pour les camions de retourner dans leur pays d’immatriculation toutes les huit semaines, de la réglementation stricte sur le cabotage et de l’obligation faite aux conducteurs de passer une partie de leurs pauses à l’hôtel plutôt que dans leur cabine. Le paquet Mobilité coûterait 35 000 emplois à la seule Lituanie, selon les estimations de Vilnius, qui évalue les coûts consécutifs à 111 M€ d’indemnités chômage et 102 M€ de pertes fiscales pour le budget de l’État. « Cela représente une chute du PIB de 1,6 % », souligne le ministre lituanien des Transports, Jaroslavas Narkevicius. Près de 40 000 camions sont immatriculés en Lituanie, circulant à 91,8 % hors des frontières du pays (plus haut pourcentage d’Europe). Le secteur emploie 160 000 conducteurs dans le pays. « Nous étudions en ce moment même la possibilité de nous joindre à la plainte de la Lituanie », précise de son côté le ministre de l’Économie estonien, Taavi Aas. Les pays membres ont jusqu’au 24 octobre pour se joindre à l’initiative lituanienne contre le texte voté le 7 juillet par le Parlement européen.
Dès l’adoption du paquet Mobilité, qui doit entrer en vigueur par étapes, plusieurs pays d’Europe de l’Est – Pays Baltes, Pologne, Hongrie, Roumanie, Bulgarie – ainsi que Chypre et Malte, avaient annoncé envisager de se tourner vers la justice européenne pour entrave à la libre concurrence. Depuis le 20 août, les conducteurs doivent passer leur pause hebdomadaire de 45 heures à l’hôtel et non plus dans leur cabine, rentrer chez eux toutes les quatre semaines (toutes les huit semaines pour les véhicules). Ces nouvelles règles représentent un surcoût pour les transporteurs d’Europe de l’Est. Mais leur principale revendication porte sur la nouvelle réglementation sur le cabotage. Selon les estimations de l’Union européenne, la moitié des camions sur les routes en Allemagne en 2017 circulaient dans le cadre du cabotage et 40 % des trajets de cabotage effectués au sein de l’Union seraient le fait de transporteurs polonais.
Le paquet Mobilité réduit le nombre de trajets de cabotage autorisés à trois sur une période de sept jours pour les véhicules venant d’entrer sur un territoire étranger. Mais contrairement aux exigences des syndicats d’Europe de l’Ouest, notamment du syndicat allemand VerDi, les salaires versés pendant les missions de cabotage ne sont pas ceux du pays de transit, mais ceux du pays de chargement. L’écart entre le salaire minimum allemand (9,35 € de l’heure) et celui des pays d’Europe de l’Est (3,72 € en Lituanie ; 3,50 € en Pologne ; 1,87 € en Bulgarie) « ne mettra donc pas fin à l’exploitation du précariat roulant », déplore Anja Piel, membre de la Direction de la confédération syndicale allemande DGB. Les transporteurs allemands jugent insuffisants le nombre de contrôles anti-cabotage effectués sur les routes du pays.