Ils roulent vers une mobilité verte

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Voici le regard croisé de transporteurs qui ont fait le pari de la mobilité verte autour de quatre axes de progrès : les véhicules, le carburant, les conducteurs et l’organisation des transports.

Dans cette volonté de réduire leur impact sur l’environnement, les transporteurs enclenchent la première pour mettre en œuvre des actions sur leurs véhicules, leur carburant ou leur organisation de transport, en impliquant aussi leurs conducteurs. Cela peut passer par des pneumatiques économes en carburant, le remplissage des camions, un management de la performance écoconduite ou encore par des énergies alternatives. Exemple avec GSET, regroupant cinq entités (E.U.R.O, U.L.S, U.L.S Line, A.O.G Fret, A.R.T). En 2015, le groupe implanté près de Rouen décide de s’engager sur la voie du gaz naturel, « une vraie solution alternative » selon le gérant Frédéric Pigassou, qui investit dès l’année suivante dans un premier véhicule bioGNC. Engagé depuis cet été dans la charte Objectif CO2, il possède à présent une quarantaine de véhicules (sur une flotte de 160 unités) : une dizaine d’utilitaires Fiat Ducato, une vingtaine de porteurs 12 tonnes, six 19 tonnes, trois 26 tonnes et cinq tracteurs semi– remorques. À la clé, des avantages : une baisse des consommations « de l’ordre de 10 % », pas d’odeur, moins de bruit (– 35 %), une technologie « ultra-simple », « la fiabilité des véhicules » ou encore la réduction des émissions de CO2 (gain de 17 549 kg). 2021 annonçant « un gros renouvellement » du parc, une dizaine de nouveaux poids lourds à carburation GNV vont venir compléter la flotte. Frédéric Pigassou souhaiterait aussi développer la partie linehaul, les lignes de nuit, avec des véhicules en caisse mobile 19 tonnes qui puissent passer au gaz.

Engagement RSE oblige, les donneurs d’ordre privilégient les transporteurs engagés dans le développement durable. C’est du moins l’avis de Mickael Bouchendhomme, gérant de l’entreprise de transport New Log (49 salariés – 44 véhicules, 6,5 M€ de CA en 2019) spécialisée dans les marchandises générales (alimentaire sec, métallurgie, textile…). Encouragé par ses clients, lui a opté pour l’Oleo100, une énergie fabriquée à partir de colza français par le groupe Avril. Un biocarburant choisi par près de 120 transporteurs (à fin septembre), soit près de 700 véhicules. Il chiffre ainsi à 60 % la réduction de ses émissions de GES par rapport au gazole. Réduire son empreinte écologique est d’ailleurs une motivation, comme celle de « redorer le blason des transporteurs ». Aujourd’hui, cinq véhicules équipés de réservoirs d’une capacité de 1 000 à 1 500 litres roulent à l’Oleo100, complétés par quatre autres d’ici à la fin de l’année. Ce qui vaut à la PME de remporter de nouveaux contrats suite à des appels d’offre (Auchan, OVHcloud et Boulanger). Et si le patron observe une légère surconsommation, il n’y voit que des avantages. « Je n’ai pas attendu le remboursement d’une partie de la taxe TICPE, qui est inclus dans le prix de l’Oleo100 », cite Mickael Bouchendhomme. Lequel reste aussi à l’écoute d’autres choix, comme l’hydrogène.

Un sujet sur lequel s’est déjà penché Damien Derocq des transports éponymes (70 salariés – 58 véhicules – 7 M€ de CA). Alors qu’il ne croit pas vraiment à l’intérêt de la propulsion au gaz – « trop coûteux, trop dangereux, un process trop compliqué », il mise sur le rétrofit électrique et hydrogène, avec dans l’idée de se placer comme précurseur et participer à la dynamique régionale autour de l’hydrogène 100 % vert (projet H2Ouest en Vendée). Et ce n’est pas le seul ! À 10 kilomètres de cette PME vendéenne, un confrère a lui aussi décidé de donner une seconde vie à ses camions : Sébastien Gariou. Tous deux ont ainsi confié à l’entreprise voisine e-Néo la conversion d’un Scania G440 et d’un DAF XF 105.460, en fin de vie, de sorte à doubler leur durée de possession pour les amener à quinze ans maximum. Les véhicules seront équipés de batteries de 100 kWh et de réservoirs pouvant embarquer 40 kg d’hydrogène. Dans leur version électrique, ils pourraient ainsi disposer d’une autonomie estimée à 450 km. Prochaine étape : l’homologation au cours du premier semestre 2021. Avec ce camion, Damien Derocq souhaiterait se positionner avec deux de ses clients, pour de courtes distances. « S’ils me suivent, je suis prêt à en convertir d’autres », lance le transporteur.

Quand la conduite est économique

Le respect de l’environnement et la réduction des gaz à effet de serre font également partie de la politique d’entreprise pilotée par Manuel Gomes au sein des Transports Montbrisonnais (42) et de Transablis (78). Ce dernier fait partie des transporteurs ayant obtenu le précieux Label CO2 en 2016, par ailleurs récompensé par l’Ademe en 2019 pour sa performance environnementale. Une démarche dans laquelle le patron embarque ses 35 conducteurs. Formés à l’écoconduite, ces derniers disposent entre autres d’un objectif personnel de réduction de consommation de carburant en fonction du véhicule utilisé et des trajets effectués. Cet objectif est mesuré tous les mois via un logiciel « fait maison ». Une prime incitative mensuelle, entre 40 et 70 euros, est alors versée en fonction du résultat obtenu, en sus d’une « récompense » annuelle. Manuel Gomes assure que les objectifs sont atteints « en majorité » (en moyenne 30 primes par mois) et que les résultats sont là. Notamment si l’on regarde de plus près les consommations qui ont baissé de 5,5 % en 2018 et 9,5 % en 2019, en sachant que le transporteur a aussi investi dans trois véhicules gaz (deux supplémentaires d’ici à fin 2020). Analyser les consommations, c’est aussi un moyen pour lui de déceler d’autres problèmes (sécurité, bien-être des salariés) et « de les corriger avant l’accident ».

Les actions au niveau des véhicules

Et si l’une des solutions pour économiser du carburant venait aussi des pneus ? En témoigne l’expérience des Transport Bray (62) chez qui l’écologie est « une priorité », souligne David Bray, le président. Alors qu’ici les premières primes pour inciter les chauffeurs à réduire leurs consommations datent du début des années 1990, cette PME de 145 personnes (dont 117 conducteurs) a choisi des pneumatiques économes en carburant et teste depuis trois ans la gamme Conti EfficientPro, moyennant un investissement de 60 000 euros. Aujourd’hui, les deux tiers de la flotte (110 véhicules et 157 remorques en tout) sont équipés. « Si ces pneus s’usent plus vite, le gain est là : entre 3 et 5 % sur la consommation. » Encore faut-il avoir une conduite économe. « Quand le véhicule est bien utilisé, on s’y retrouve économiquement parlant », souligne David Bray. Alors, ici tous les conducteurs suivent une formation en continu à l’éco-conduite sous la houlette d’Emmanuel Fresier. La modernisation de la flotte passe aussi par un renouvellement constant des véhicules. « Entre 2008 et 2018, nous avons investi 2 à 3 millions d’euros par an pour passer d’une flotte qui avait entre cinq et sept ans d’âge à deux ans ou deux ans et demi aujourd’hui. » Engagés dans la charte Objectif CO2 depuis 2008, les Transports Bray vont également intégrer, avant la fin de l’année, un cinquième camion au gaz. « Aujourd’hui, c’est 15 % de la flotte. D’ici deux ans, nous visons les 20 %. »

Dernier volet de notre série sur les actions engagées en faveur de la mobilité verte : l’organisation des transports.

Des tournées optimisées

Pour cela, poussons les portes de la STB (Société de Transports Biocoop) qui livre l’ensemble du réseau de magasins bio (plus de 650 en France). Ici, la flotte compte 70 camions qui parcourent chaque année environ 8 millions de kilomètres. Parmi eux, 23 camions au biogaz livrent l’ensemble des magasins situés en Île-de-France. Objectif : atteindre 36 % de la flotte cette année et 45 % du parc d’ici à fin 2021. Partant du principe que « rouler moins, c’est réduire les émissions de CO2 », la STB a intégré, en 2014, une solution de planification et d’optimisation de tournées (logiciel WinRoute). De quoi revoir de façon bi-annuelle les plans de transport de ses quatre plateformes logistiques (Ollainville, Tinténiac, Damazan, Noves). « Chaque année, nous réduisons les distances parcourues de 3 à 4 % », indique le directeur Ouadie Benaissa. Aussi, depuis 2010, Biocoop pratique le rail-route entre sa plateforme parisienne et celle du sud de la France, à raison de deux navettes quotidiennes aller-retour (70 palettes par jour). « Nous avons été les premières à mettre sur le rail des caisses bi-température qui permettent de séparer les fruits et légumes des produits frais », poursuit-il. En dix ans, la STB a économisé 532 tonnes de CO2 grâce à 983 trajets rail-route et 5 014 voyages en camion. Et, par souci d’optimisation du remplissage des camions, Biocoop utilise depuis 2017 des semi-remorques double étage. De quoi passer de 33 palettes à 42 palettes.

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