Des assureurs ébranlés mais présents

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Sollicitées par certaines entreprises pour couvrir les pertes d’exploitation liées à la crise sanitaire, les compagnies d’assurance ont levé le drapeau blanc : impossible pour elles de prendre en charge ce qui relève d’un nouveau risque. Cela ne les a pas empêchées de répondre présentes auprès de leurs clients, notamment transporteurs, en complément de l’État.

Avec la crise du Covid-19, on a atteint la limite de notre système assurantiel actuel : il faudrait que les contrats d’assurance puissent couvrir les pertes d’exploitation dues à une telle situation, c’est-à-dire non pas liées à un dommage (comme l’incendie d’un entrepôt) mais à une décision administrative (le confinement). Mais cette couverture n’existe pas et les pertes dépassent largement le montant des fonds propres des compagnies d’assurance françaises ». Observateur averti, Patrick Ginet, P-dg d’Antinea Courtage, résume là parfaitement la quadrature du cercle dans laquelle la crise sanitaire a placé la sphère des assurances… clients inclus : hormis ceux livrant des produits alimentaires à la grande distribution, nombre de transporteurs ont connu un arrêt partiel important de leur activité, voire parfois total selon l’enquête publiée par le CNR en juin. Aussi, ils se sont naturellement demandé si leur assureur ne pouvait pas les aider…

110 ans de primes pour compenser

Entendue par le Sénat le 28 avril, Florence Lustman, présidente de la Fédération française de l’assurance (FFA), les a tout de suite détrompés, en confirmant la vision de Patrick Ginet : « Les assureurs ont perdu 250 milliards d’euros sur leurs actifs, quasiment le montant des prêts garantis par l’État », a-t-elle pointé. Face à cette somme, le montant estimé des pertes d’exploitation des entreprises françaises pendant le confinement : 60 milliards d’euros. « Il faudrait 110 années de primes pour réparer ces dégâts », a calculé Stéphane Pénet, délégué général adjoint de la FFA, également auditionné au Sénat. C’est pourquoi ce dernier a été chargé de coordonner un groupe de travail sur la création d’un fonds de couverture d’un nouveau risque « pandémies ».

Cela n’a pas empêché les 280 membres de la FFA de décider de mesures exceptionnelles. Sollicitée en ce sens par les organisations patronales – dont celles du transport routier –, elle a conclu un accord avec le ministère de l’Économie et des Finances pour la mise en œuvre d’un programme de réassurance publique des encours d’assurance-crédit et de maintien des lignes assumées, d’abord pour les risques encourus par les TPE-PME, puis pour les plus grandes et celles travaillant à l’export.

Baisse de cotisation

Soucieuse de ne pas avoir à choisir quels secteurs économiques aider, la FFA a abondé le fonds de solidarité créé par le gouvernement, à hauteur de 600 millions d’euros. « Nous qui sommes fortement implantés dans le TRM, qui sommes partenaires de la FNTR et de l’OTRE, explique par exemple Éric Tichet, directeur de la branche transport d’Axa France, nous nous félicitons d’appartenir à un groupe qui a répondu présent : Axa a été le plus gros contributeur de ce fonds de solidarité, à hauteur de 54 millions d’euros. » Comme d’autres de ses confrères, l’assureur a aussi proposé dès mi-mars à ses clients, transporteurs et autres, de mensualiser le paiement de leurs primes afin d’étaler leurs charges. Il a aussi accéléré le règlement des sinistres supérieurs à 10 000 euros et gelé les mises en demeure tout en maintenant les garanties. « Les entreprises de TRM ont généralement bénéficié de réduction de primes pour les véhicules immobilisés, ajoute Éric Tichet. Nous sommes en train de contacter nos clients en difficulté ayant un contrat révisable. Ils pourront obtenir une baisse de cotisation tenant compte de leur baisse d’activité sans attendre la clôture de l’exercice. » Un souffle d’air qui peut se chiffrer à plusieurs centaines ou milliers d’euros selon les cas. Enfin, des baisses de primes ont pu être accordées du fait de l’immobilisation de véhicules, et des entrepôts inutilisés pendant la période de confinement ont été maintenus sous garantie.« Côté chargeurs, nous avons aussi apporté une garantie gratuite pour frais supplémentaires d’expédition, assure Éric Tichet, par exemple si un conducteur devant livrer un lieu de livraison fermé a dû déposer ailleurs. » Pour Patrick Ginet, c’est la base de ce qu’il faut pour « prendre en compte les spécificités du transport routier ». De même, il « ne trouverait pas choquant que l’économie globale faite par les assurances après la baisse de l’accidentologie pendant le confinement soit réinjectée chez leurs clients, par exemple par le remboursement de 8 à 10 % des primes ». Mais chez Axa, Éric Tichet réfute cette hypothèse en s’appuyant sur sa crainte de devoir faire face à « une nouvelle typologie de sinistres » liée au développement des vélos, trottinettes et scooters dans les villes et à l’accroissement observé des très grands excès de vitesse. Mais ce que Stéphane Pénet, à la FFA, voit aussi venir, en matière de sinistralité, ce sont des mises en cause de la responsabilité d’employeurs par leurs salariés. Si un dirigeant n’a pas pris toutes les mesures pour protéger ses employés du risque de contamination au Covid-19, sa faute inexcusable en tant qu’employeur pourra être reconnue. « Nous nous attendons à une vague de sinistres dans l’année qui vient », a prévenu le délégué général adjoint de la FFA devant les sénateurs.

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