En Allemagne, 70 % des marchandises sont transportées par la route. Avec le coronavirus, le modèle se heurte à ses limites, alors que les Allemands continuent à constituer des stocks de nourriture et d’articles d’hygiène, désormais rationnés dans la plupart des magasins. "Nos conducteurs sont à leurs limites, explique la fédération de la branche BGL. Alors que déjà en temps normal, nous somme confrontés à un problème de pénurie en chauffeurs, le comportement des consommateurs et la hausse accrue de la demande en articles tels que papier toilette, conserves et farine induisent les supermarchés à vouloir augmenter la fréquence des livraisons. Nous roulons autant que nous le pouvons, ce qui a pour l’instant permis d’éviter la rupture des chaînes d’approvisionnement. Mais le niveau politique doit réagir, et faire en sorte que les frontières restent ouvertes pour les camions."
Le message semble être passé. Angela Merkel s’est entretenu avec son homologue polonais, alors que des embouteillages monstres de jusqu’à 60 km de camions (47 km sur la A12, 30 km sur la A15, 18 km sur la A11, 60 km sur la A4) s’étaient formés aux points de passage entre les deux pays, obligeant la Croix-Rouge à distribuer des boissons chaudes aux conducteurs prisonniers de leur véhicule pendant plus de 36 heures. Des scènes similaires s’étaient jouées aux frontières avec les Pays Bas, la Suisse et l’Autriche.
Des conditions de travail compliquées
Depuis, la situation est quasiment revenue à la normale. Mais les transporteurs restent inquiets. De nombreux conducteurs italiens ou espagnols ne veulent plus se rendre en Allemagne, de peur de ne pouvoir rentrer chez eux ensuite.
De nombreux conducteurs polonais, 20 % des 500 000 chauffeurs salariés en Allemagne sont étrangers, gardent un souvenir cauchemardesque des journées passées dans leur cabine sur la route ou sur des aires d’autoroute surchargées, dont les magasins étaient pour la plupart déjà fermés à l’exception des stations essence du fait du confinement, sans accès gratuit aux toilettes ou à l’eau potable et avec la peur de voir leur cargaison périmée ou volée.
L'image de la profession bascule
"L’image que l’opinion a des chauffeurs s’est complètement modifiée, de façon positive", se félicite Georg Wittwer, le gérant de la société de transports éponyme, spécialisée dans la desserte de l’Italie. Ses camions livrent des pommes de terre et de la farine vers la Péninsule, et retournent chargés de pâtes vers l’Allemagne. Les 60 à 70 poids-lourds de la société se rendent chaque jour en Italie, traversant parfois des villages désertés.
L’entreprise dépense entre 3 000 et 4 000 euros par semaine en masques, gants et gel désinfectant, une "situation inédite", selon Georg Wittwer, qui craint surtout que la situation puisse se détériorer davantage vers l’Italie.