La gestion et l’organisation des transports sont soumis à un environnement concurrentiel de plus en plus complexe avec l’arrivée d’acteurs digitaux et géants du Web comme Amazon. « Cette nouvelle concurrence est disruptive. Elle repense l’expérience client, bouscule nos offres et nos métiers », constate Frédéric Vallet. Aussi le président de DB Schenker France évoque-t-il la nécessité « d’anticiper, de comprendre et d’intégrer » ces modèles stimulés par de nouvelles exigences et attentes sociales et environnementales. Synonymes de survie pour de nombreux acteurs « historiques » de la prestation de services et spécialisés dans la mise en relation entre l’offre et la demande, plusieurs stratégies se déploient dans les transports et la logistique pour relever ces défis.
Défensives et offensives, ces stratégies « offrent des opportunités de croissance à nos entreprises », assure Ludovic Lamaud, d’ID Logistics. En plus d’encourager la stimulation interne et les dispositifs de veille technologique, elles couvrent « les initiatives d’open innovation pour susciter l’émergence de nouvelles solutions », évoque le directeur général adjoint chargé du développement et de l’innovation chez le logisticien. Autour d’un « écosystème étendu composé de start-up, partenaires historiques, grandes écoles et clients », cette approche a motivé ID Logistics à lancer un premier appel à projets innovants en 2017. Ouverts aux start-up, les thèmes de cette API (application programming interface, interface de programmation) étaient la cobotique, la robotique et la mécanisation, l’amélioration des services et des process, les nouvelles technologies et la digitalisation. « Ils croisent l’ensemble de nos métiers en logistique contractuelle, supply, d’organisation et de pilotage des transports, dernier kilomètre inclus, précise Ludovic Lamaud. Cette API, qui sera suivie d’autres plus ciblées, a permis de réunir près de 150 partenaires et start-up pour constituer un réservoir d’idées et développer de nouveaux concepts aujourd’hui opérationnels ou en cours de finalisation. » Tracteur de cours électrique avec Blyyd, traçabilité des actifs circulants à l’aide de capteurs IoT avec Everysens ou modélisation des réseaux grâce à l’intelligence artificielle avec DCBrain sont quelques concrétisations. À ces exemples, Ludovic Lamaud valorise aussi la collaboration avec LiveJourney pour affiner les prévisions d’activités à la semaine, au jour et en plages horaires, et celle avec Factoriz à l’origine d’une aide à la décision automatisée dédiée au partage des ressources humaines et matérielles entre ses sites nationaux. « Cette dernière s’est avérée très utile lors de la crise sanitaire de la Covid-19. » En cours également des tests de livraison urbaine de produits frais avec les vélos à assistance électrique Freegones développés par Kleuster.
Chez Heppner, la démarche d’open innovation avec les start-up s’inscrit dans le programme de transformation digitale Magellan. Sous le mot d’ordre « Anticiper les besoins, accélérer les flux » rappelé par son directeur Innovation digitale et Systèmes d’information Philippe Bosquier, quatre thèmes y sont poursuivis : « L’expérience clients, l’expérience collaborateurs, l’excellence opérationnelle et la disruption. Chacun se décline en une vingtaine de projets prévue jusqu’en 2022 et cinq chantiers structurants nécessaires à leur mise en œuvre : l’organisation de la donnée, l’approche d’innovation, la méthodologie du digital, la cybersécurité et l’étude d’un éventuel appel à projets innovants. »
Dans ce cadre, plusieurs actions sont menées. Baptisée « Learning Expedition », la première en partenariat avec Collaboration Capital consiste à promouvoir des rencontres et le partage d’idées entre le top management de l’entreprise et des start-up. « En 2019, deux ont été organisées avec la participation de 12 start-up très variées maîtrisant diverses technologies. » L’objectif était de sensibiliser et d’acculturer les principaux dirigeants de Heppner à de nouvelles approches, modèles et technologies. Après une pause due à la crise sanitaire, le groupe entend relancer ces rencontres déclinées auprès de son management intermédiaire au travers de Digidays. « Quatre ont déjà été tenus rassemblant 150 membres de l’entreprise et des start-up. Ils facilitent aussi la remontée des besoins du terrain. »
Pour mobiliser les start-up à ces événements, Heppner s’appuie notamment sur sa collaboration avec la chaire « Sciences des données et intelligence artificielle » de l’Université de Strasbourg, le Club ETI d’Île-de-France et l’incubateur Creative Valley. « Ces deux dernières structures mutualisent leurs compétences pour identifier les start-up susceptibles de répondre aux besoins d’entreprises et ETI comme nous. » Plusieurs pilotes et « preuves de concept » (proofs of concept – POC) sont ainsi en cours. Lancé avec la start-up Feedier, l’un d’eux vise à mesurer la satisfaction des destinataires, « clients de nos clients à l’appui d’une application web inspirée de la gamification. En quelques questions, elle permet de faire remonter en temps réel les informations pour donner une vision de la qualité de livraison », confie Philippe Bosquier. Pionnier dans la mutualisation et le pooling des flux notamment, FM Logistic a également structuré et professionnalisé sa démarche open innovation. « Ouverte aux start-up, elle se veut pragmatique et opérationnelle. De plus en plus développée au sein des 14 pays où FM Logistic est présent, elle cible les innovations et technologies susceptibles d’améliorer notre performance et notre productivité, la qualité de nos prestations et les conditions de travail de nos collaborateurs dans un souci d’enrichissement continu de nos offres à valeur ajoutée », explique Arthur Giavitto, directeur Open Innovation de FM Group.
En sus de candidatures spontanées et de recherches ciblées selon les besoins identifiés, le choix des start-up repose sur plusieurs écosystèmes complémentaires. Elle rassemble des entreprises et associations facilitant les mises en relation avec des groupes transport et logistique tels que SprintProject et Club Demeter, des partenariats avec des pôles universitaires de recherche comme l’Université de technologie de Compiègne (UTC), et des incubateurs à l’image de Plug and Play. Ce dernier « permet à FM de travailler avec des start-up mondiales spécialisées dans la supply en les aidant à tester leurs solutions en conditions réelles dans des domaines variés dont la logistique omnicanale et de l’e-commerce ».
À travers sa filiale FM Logistic Central Europe (CE) présente en Pologne, République tchèque, Slovaquie et Hongrie, FM Logistic est à l’initiative d’un programme stimulant ses liens avec les start-up. Lancé au premier trimestre 2020 et baptisé FM Open Lab, il couvre plusieurs enjeux : logistique urbaine, gestion et pilotage des transports, chaînes d’approvisionnement « vertes », robotisation et automatisation, valorisation des données et blockchain. Sous la devise « Transformez vos idées en réalité », la recherche de financement, le savoir-faire et le mentorat avec la conduite de tests et de POC en conditions réelles sont les trois piliers de ce programme. En Russie aussi FM Logistic mène des collaborations avec des start-up autour notamment de l’intelligence artificielle.
Avec iVariant, Dasha ou Prédictive Technologies, elles sont à l’origine d’un simulateur pour former les personnels et tester les nouvelles recrues, d’un robot à voix artificielle pour suivre et dialoguer avec les conducteurs routiers, et d’algorithmes dédiés à l’optimisation des schémas de transport. Ces écosystèmes complémentaires ouverts aux start-up ont permis à FM Logistic de mettre en œuvre également d’autres solutions aujourd’hui opérationnelles sur ses sites français et étrangers : exosquelettes, drones inventaires, réalité virtuelle et automates en entrepôts, capteurs de volume pour optimiser le remplissage des remorques ou encore en logistique urbaine avec You2You et Delivening.