Inédit. « Le on-off a été aussi violent lors de l’arrêt des affaires le 17 mars qu’au moment de la reprise le 11 mai. On a vécu un grand vide. Les affaires se sont arrêtées », témoigne Axel Dumas, directeur VO de MAN France. « En sortie de crise, le marché est reparti par le VO », explique pour sa part Éric Bonnard, directeur marketing VO France de Renault Trucks.
À propos de la reprise, Jean-Michel Mercier, de l’OVI (Observatoire du véhicule industriel) constate que « le moral est plutôt bon et la reprise est rapide. Il y a eu beaucoup de soutien avec des exonérations, des reports de charges et des reports d’échéance, du chômage partiel. La crainte, c’est l’effet retard lors du retour à la normale avec une activité économique qui dans son ensemble va peiner à retrouver son niveau précédent ». À propos de cet effet retard, Kamal Iznasni, coordinateur VO de Scania France confirme que les reports de loyer peuvent être un piège pour les transporteurs. Concernant la durée du gel des activités, « le ralentissement des affaires a duré moins longtemps que ce que nous pensions. La reprise a été sensible dès mi-avril. Nous avons senti que le marché était à la recherche de solutions disponibles immédiatement. Nous avons accompagné le redémarrage avec la campagne de financement “Partez sans payer”. Dès mai-juin, le marché s’est montré très dynamique et a fait bon accueil à notre offre de financement avec report des premiers loyers ainsi qu’à notre garantie de trois ans sur les VO », indique Aymeric Larcher, directeur VO France de Renault Trucks.
L’activité VO de Volvo Trucks France concerne essentiellement des tracteurs (95 %) et correspond à la revente de 150 à 170 véhicules par mois.
Directeur VO du constructeur suédois, Jean-Philippe Wilmet constate : « Nous avons atteint un minimum historique en mars 2020 avec 35 factures seulement, puis une redémarrage des ventes VO jusqu’à atteindre en juin un maximum historique avec 252 factures. » Jamais le marché n’a connu de tels soubresauts. Les situations des autres constructeurs sont semblables avec des ventes de VO supérieures de 250 % à l’objectif pour Renault Trucks en juin. Malgré des ventes faibles en mars et en avril, les prix des Volvo Trucks n’ont pas baissé pour les ventes de VO en France. « On est sur un marché VO très fort. Nous invitons le réseau à ne pas laisser passer ce contexte favorable, à avoir du matériel et à prospecter. Les transporteurs se tournent vers le VO en lequel il voit une solution crédible de redémarrage », commente Éric Bonnard.
Malgré les retournements récents du marché, celui-ci connaît un déséquilibre constant depuis des années avec trop de tracteurs à vendre, mais une offre toujours insuffisante en porteurs carrossés. Pour les tracteurs non spécifiques, les négociants laissent faire les réseaux des constructeurs. Jacques Rouquette, de Mercedes Trucks France, explique que le Truckstore de Mercedes revend 1 000 à 1 500 véhicules par an dont 10 à 15 % de porteurs. Cette proportion est nettement plus élevée que chez d’autres constructeurs.
Chez Renault Trucks, l’envol des ventes en juin a réduit le risque d’un stock de tracteurs trop important. Tandis que le marché des tracteurs VO concerne maintenant des Euro VI step C, des tracteurs Euro IV peuvent encore être vendus en France à condition de correspondre à des emplois particuliers, par exemple pour la traction de porte-engins.
Alors que la plupart des constructeurs ont des parcs VO remplis de tracteurs revenus dans le cadre d’engagements de reprise, Volvo Trucks manque de tracteurs pour ses clients français. Cette marque doit donc en importer depuis les pays frontaliers de la France, mais aussi depuis la Tchéquie.
Il y a une forte demande en porteurs 6x4 ou 8x4 carrossés en benne ou en bras pour benne déposable. Le marché est également demandeur de frigos. « Les clients préfèrent garder les porteurs qui sont peu concernés par les financements et par les engagements de reprise du constructeur », constate Fréderic Brialy directeur des Ventes VO de DAF Trucks France. Antoine Lainé, directeur de Select poids lourds 49, commente la situation des porteurs en VO : « Le problème n’est pas de les vendre, mais de les acheter. Il y a très peu de porteurs TP Euro VI sur le marché de l’occasion. Quand un tel VO apparaît, il est si convoité que son prix s’approche parfois de celui du neuf. Les délais de carrosserie participent au maintien de prix très élevés pour l’occasion. » Alimentées par les fins de financement, les faillites d’entreprise, les saisies ou les ventes volontaires, les ventes aux enchères sont maintenant fréquentées par un trop grand nombre d’acheteurs. « Avant, les ventes aux enchères étaient animées par des négociants français et par quelques utilisateurs finaux. Aujourd’hui, toute l’Europe y est présente. En conséquence, les prix s’envolent. Les camions s’y vendent beaucoup plus cher que les véhicules simplement présentés sur parc », observe Antoine Lainé qui doit rester sur le qui-vive vis-à-vis des utilisateurs susceptibles d’être vendeurs.
L’importation de porteurs étrangers se heurte à une offre réduite et à des problèmes d’homologation. À terme, le CoC évitera de devoir se justifier auprès du constructeur pour ré-immatriculer un véhicule importé. Avant l’ère Internet, un client appelait son négociant local pour lui faire part de son besoin, charge au négociant de trouver le véhicule correspondant. Aujourd’hui, le même client consulte les sites web et n’appelle plus son négociant, sauf pour lui demander d’acheter le véhicule repéré. Avec Internet, les clients utilisateurs ont cessé d’acheter localement. Le marché du VO n’est plus franco-français. Il est global. En cas d’engorgement ou d’offre insuffisante, la situation ne concerne pas un pays, mais rejaillit sur le marché européen dans son ensemble.
Europe-camions.com demeure l’un des sites les plus actifs dans le monde du VO. Le Bon Coin est également très fréquenté et propose depuis un an le site professionnel Truckscorner spécialisé dans le PL d’occasion. Les constructeurs n’hésitent pas à y présenter leurs VO. Présentant les VO du réseau Renault Trucks, le site Truck Plus déclare réunir la plus vaste offre française en porteurs d’occasion. Chez Volvo Trucks, le site Volvo Trucks Finder a été remanié cet été afin d’être plus convivial. Ces sites court-circuitent l’activité des négociants qui doivent composer avec eux. Ils y présentent leurs véhicules à vendre et en cherchent d’autres à acheter.
Les centres VO des constructeurs re-commercialisent les véhicules en fin de location ou ceux faisant l’objet d’un engagement de reprise (buy back) par le constructeur. Lors des ventes de tracteurs neufs avec engagement de reprise, les constructeurs doivent envisager le marché VO trois ou quatre ans plus tard. C’est indispensable pour éviter une saturation de leurs parcs VO par des engagements de reprise trop nombreux ou surévalués. Actuellement, les ventes importantes des années 2017-2019 commencent à revenir vers les constructeurs. Ces derniers veillent à créer une diversité en incitant les clients à varier à la fois les puissances et les durées de financement de leurs tracteurs.
Afin d’assainir son parc VO, Iveco a interrompu les buy back fin 2017. Résultat, ses grands comptes clients sont passés à la concurrence. Avec l’arrivée du S-Way, Iveco remet en place ses engagements de reprise en les organisant pour qu’ils ne soient pas toxiques et en évitant la constitution d’un parc VO excessivement uniforme.
En raison des risques qu’il implique, le buy back est peu pratiqué par les distributeurs privés d’un réseau. Cet engagement est plutôt pris directement par les filiales d’importations. Localement, le réseau se charge des reprises traditionnelles avec une estimation du véhicule repris réalisée le jour de son retour, ce qui est bien moins risqué qu’un engagement de reprise fondé sur une estimation faite lors de la vente initiale.
Pour les réseaux des marques, l’enjeu consiste à développer le parc roulant et à assurer son entretien. Pour cela, ils cherchent à développer les ventes de VO accompagnées de contrats d’entretien. Seuls les véhicules trop anciens, avec trop de kilomètres ou non éligibles au label VO des constructeurs sont cédés à des tiers sans trop de réticences. Prioritairement, le réseau d’une marque cherche à vendre ses VO à un client final français. À défaut, elle exportera vers un membre étranger du réseau de la marque. Si la demande ne le permet pas, les clients finaux à l’exportation seront privilégiés. Enfin, la « vente à marchands » apparaît comme un ultime recours puisque les prix de cession sont dans ce cas très faibles. Les négociants ressentent clairement que les réseaux des marques ne veulent pas leur vendre de véhicules.
La vente à des négociants est une solution pour se débarrasser de véhicules de marques tierces, à condition de ne pas trop en avoir. Avec ses clients de conquête qui ont accompagné l’augmentation de ses ventes en France, Scania a repris de nombreux véhicules d’autres marques. Le constructeur doit assurer la revente de ces VO d’autres marques à des clients finaux pour éviter de perdre de l’argent. C’est une position inconfortable qui oblige le vendeur VO à vanter le produit de la concurrence.
La Used Trucks Factory de Renault Trucks est en mesure de rendre un tracteur conforme à la norme ADR 2017 pour sa deuxième vie. D’autres constructeurs, dont DAF et Mercedes, ont cessé de réaliser des mises aux normes ADR en raison de la complexité de la réglementation qui a évolué en 2017.