« Attendre que le brouillard se dissipe pour hisser les voiles »

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Le groupe de transport exceptionnel n’a pas échappé aux soubresauts provoqués par la crise sanitaire. Pour autant, son dirigeant sait pouvoir capitaliser sur des engagements de moyen-long terme, ce qui tend à limiter les effets contraignants du manque de visibilité actuel. Jean-Daniel Capelle et ses équipes peaufinent l’intégration d’AltéAd, racheté l’an dernier à la barre du tribunal, et entendent dynamiser le développement de Capelle Partners lorsque la conjoncture économique sera moins incertaine.
L’Officiel des transporteurs : comment un groupe comme Capelle traverse-t-il cette période inédite, entre Covid et brouillard ?

Jean-Daniel Capelle : Nos activités ont subi un coup d’arrêt important dès le confinement. J’ai fait le choix rapidement de fermer (partiellement) la société car nous étions désarmés face à cette situation inédite. Nous avons travaillé en avril à 20 % de nos capacités. En mai, nous sommes repartis sur 55 % de notre potentiel pour nous maintenir sur un 90 % en juin, juillet et août. Notre souhait a été de préserver la totalité des collaborateurs. Nous avons déployé des procédures d’astreinte pour certains clients et avons eu recours au chômage partiel. Nous avons maintenu en activité la comptabilité, la finance, les RH, et le service QSSE (qualité, sécurité, santé, environnement) Nous avons profité de cette situation pour retravailler nos budgets et avons établi des projections sur le futur, un exercice compliqué.

Par votre activité de transporteur dans l’exceptionnel, le recours aux autorisations administratives a-t-il constitué un frein supplémentaire ?

J.-D. C. : Non, pas réellement. Les délais se sont arrêtés en même temps que l’activité. En effet, pour les autorisations qui étaient encore valables, leur durée de validité a été repoussée jusqu’à plusieurs semaines après la fin du confinement. De plus, les autorisations permanentes représentent 70 % de nos trafics. Il y a donc eu peu d’incidence sur la catégorie 3 ; nous avons veillé à nous montrer agiles. Le réseau d’autorisation dont nous disposons nous a permis de travailler dans les limites de ce qui était possible.

Votre secteur – comme beaucoup d’autres dans le TRM – a-t-il eu, et encore aujourd’hui, à déplorer une désorganisation des flux de transport ?

J.-D. C. : Nous avons eu effectivement à subir une légère désorganisation, inévitable, liée à la reprise d’activité. Sur un plan plus large, nous avons pu prendre conscience des désordres de la mondialisation illustrés par ces pénuries de pièces que certaines industries ont dû déplorer et qui ont, du coup, rejailli sur notre activité.

On parle beaucoup de pression sur les prix de transport. La subissez-vous également ?

J.-D. C. : La réduction d’activité a forcément comme corollaire une tension sur les prix. C’est un mécanisme que l’on rencontre souvent. Nous restons vigilants sur les tarifs pour ne pas dégrader notre offre. Nous surveillons aussi les délais de règlement avec des process renforcés afin de ne pas exposer outre mesure notre trésorerie.

Le qualificatif qui revient le plus souvent dans l’économie actuellement, c’est le brouillard qui l’entoure. Partagez-vous ce constat ou alors y voyez-vous mieux que d’autres ?

J.-D. C. : Malheureusement, nous n’y voyons pas plus clair que les autres. Nous avons la chance de travailler sur des projets plutôt à moyen-long terme, ce qui nous offre un peu plus de visibilité. Malgré tout, forcément, cette visibilité se réduit petit à petit car il règne encore beaucoup d’incertitudes liées à la reprise de l’épidémie.

Le plan de relance mis en place par le gouvernement est censé redonner confiance aux chefs d’entreprise. Je le trouve bien dimensionné. Simplement, il va se passer un certain temps – entre trois et six mois, de mon point de vue – entre l’annonce de ce plan et le moment où nous pourrons en tirer les bénéfices. Peut-être que ce temps, je l’espère, sera concomitant avec la mise sur le marché d’un vaccin.

Selon les secteurs dans lesquels vous évoluez, certains vous offrent-ils plus de garanties que d’autres ?

J.-D. C. : Je citerais plutôt ceux qui offrent le moins de certitudes comme l’aéronautique. Je dois souligner que nous continuons à accompagner nos clients. Certains secteurs comme l’éolien sont engagés sur le long terme. Avec ceux-ci, nous travaillons déjà sur 2021. Sinon, le BTP est un secteur qui souffre également en raison, notamment, de l’absence de délivrance de permis de construire pour les maisons neuves pendant plusieurs mois. S’il fallait donner un chiffre, je dirais que nous subissons un recul de l’ordre de 15 % en matière d’activité en ce moment.

Vous avez repris l’an dernier les activités de transport exceptionnel d’AltéAd. Comment se déroule son intégration dans le périmètre Capelle ?

J.-D. C. : Notre offre conjointe avec Mediaco a permis de sauver 95 % des emplois. Au cours de notre tour des sites d’AltéAd qui avait pour objet de rassurer les équipes qui avaient eu à subir des mois compliqués, nous avons pu découvrir des personnels motivés, disposant d’un bon savoir-faire. L’intégration d’AltéAd dans nos process industriels, qui sont basés sur une grosse performance opérationnelle, s’est bien déroulée.

Avez-vous conservé l’ensemble du périmètre ?

J.-D. C. : Nous avons conservé l’ensemble du périmètre. Je dirais que, même si la période est compliquée, c’est plutôt une réussite.

Quid des marques transport d’AltéAd ? Que deviennent-elles ?

J.-D. C. : AltéAd Augizeau est devenu Augizeau Transport exceptionnel, AltéAd Transport Services est devenu CATS ; AIE, une filiale industrielle, est devenue Meca Industrie et nous avons conservé une prise de participation dans une société qui s’appelle Infinitrans. Ce choix de créer des marques différentes a notamment été mûri soit par le fait que l’entité jouissait d’une forte renommée dans ses secteurs de prédilection, soit par le fait que les activités étaient éloignées de notre cœur de métier (Meca Industries).

Quelle est la valeur ajoutée AltéAd dans le groupe Capelle, au-delà du simple complément d’activité ?

J.-D. C. : Les activités des filiales Ex-AltéAd nous permettent de renforcer certains secteurs d’activité comme le nautisme, d’entrer dans le secteur du mobile-home et de consolider celui de l’éolien. Nous avons aussi renforcé notre flotte en moyens matériels au travers de remorques spécifiques, de bras de grue.

Comment votre groupe affronte-t-il la crise sur ses marchés d’implantation en Europe ?

J.-D. C. : Nos filiales belge et néerlandaise sortent actuellement mieux de la crise que nous. Le confinement, dans ces deux pays, n’a pas été aussi marqué qu’en France. Elles ont donc pu capitaliser sur le maintien de l’activité.

La crise a-t-elle mis en sommeil vos projets ? Ou alors la vie continue-t-elle normalement chez Capelle ?

J.-D. C. : Je dirais que, compte tenu du peu d’informations dont nous disposons sur l’avenir, c’est plutôt la prudence qui prédomine. Pour autant, je nourris toujours le projet de faire grandir le groupe à l’international tout en continuant à consolider mon secteur. Nous allons attendre que le brouillard se dissipe pour hisser les voiles.

Que devient votre réseau de Capelle Partners ?

J.-D. C. : Nous avons eu à subir un petit coup d’arrêt au développement. Nous sommes dans la reprise progressive de ces liens avec nos partenaires. Ce sujet a vocation à rester sur le haut de la pile et reprendra un peu plus d’ampleur dès lors que les incertitudes économiques seront levées. Cela fera partie de notre cap à trois ans que nous détaillerons à nos équipes d’ici à la fin d’année.

La conjoncture n’est-elle pas favorable à la croissance externe ?

J.-D. C. : Oui, ce levier peut se révéler opportun. Pour autant, au sein du groupe, nous avons mis en place un plan de rigueur – pas un plan d’austérité – lequel n’est pas tout à fait en phase avec une logique de croissance externe. Je pense que, face à une pandémie comme celle que nous devons affronter, la prudence reste de mise.

Quelle perception avez-vous, dans votre secteur d’activité, de la récente réglementation européenne sur les découchés et les prises de repos des conducteurs ?

J.-D. C. : Cette nouvelle réglementation est particulièrement préjudiciable dans le domaine de l’accompagnement au transport exceptionnel. Si le législateur a souhaité mettre un terme au trafic de certains transporteurs étrangers qui ne respectaient en aucune manière la réglementation sociale européenne, les dommages collatéraux que nous subissons constituent un préjudice économique et opérationnel important.

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