La deuxième table-ronde du « webinaire » sur la transition énergétique du fluvial organisé par Voies navigables de France le 31 mars 2021 a rappelé les normes de réduction des émissions polluantes du règlement européen EMNR (engin mobile non routier) pour les moteurs fluviaux et présenté les solutions actuellement disponibles « sur étagère » pour s’y conformer. NPI a publié un compte-rendu de la première table-ronde.
Le règlement EMNR (2016/1628) détermine les limites d’émissions polluantes des moteurs fluviaux « stage V » en matière d’oxydes d’azote (Nox), d’hydrocarbures, de monoxyde de carbone, de particules fines, a rappelé Justine Godard, chargée des performances environnementales du transport fluvial à la DGITM.
Par rapport aux normes précédentes, les émissions de Nox sont au moins réduites par deux, la masse de particules fines (PM) est diminuée pour tous les moteurs, la limitation du nombre de particules fines (PN) par kW est introduite pour l’ensemble des moteurs de plus de 300 kW.
Ce règlement est entrée en vigueur le 1 janvier 2017 mais son application est progressive jusqu’au 31 décembre 2021.
Pendant cette période de transition, il reste possible d’installer des moteurs aux normes précédentes (CCNRII, étape ou stage IIIA, IIIB et IV) sous conditions :
- Pour des puissances inférieures ou égales à 300 kW : le moteur doit avoir été mis sur le marché avant le 1 janvier 2019,
- Pour des puissances supérieures à 300 kW : le moteur doit avoir été mis sur le marché avant le 1 janvier 2020,
- Le moteur peut être installé jusqu’au 30 juin 2021 (bateau neuf) ou 31 décembre 2021 (remplacement d’un moteur sur un bateau existant).
Pendant la période de transition, il est possible d’installer des moteurs stage V. A partir du 1er janvier 2022 : seule la commercialisation et l’installation de moteurs stage V sont autorisées.
Depuis l’entrée en vigueur du règlement, des moteurs ont été mis au point et homologués au niveau européen par le CESNI comme étant conformes aux normes « stage V ».
Au total, la liste compte 30 moteurs disponibles et qui ont été classés selon des catégories, IWP et IWA désignent des moteurs développés spécifiquement pour le fluvial (P pour propulsion, A pour auxiliaire), NRE des moteurs industriels transformés et « marinisés/fluvialisés », Euro VI des moteurs de poids lourd eux aussi « marinisés/fluvialisés » :
- IWP : 9 moteurs homologués (Beta Marine, FPT, MAN Truck & Bus, Perkins Engines)
- IWA : 6 moteurs homologués (Hatz, JCB Power Systems, JCB Power Systems, John Deere)
- NRE : 10 moteurs (Deutz, Hatz, Lombardini, Scania)
- Euro VI : 5 moteurs (DAF/Paccar)
« Ces moteurs disponibles concernent toutes les catégories de puissance inférieures à 400 kW. D’autres moteurs vont être agréés. Il faut aussi tenir compte des solutions innovantes de propulsion décarbonée qui vont arriver », a indiqué Justine Godard.
Interrogée sur les exigences pour les homologations sur les moteurs modifiés, elle a rappelé qu’il s’agit de s’assurer du respect des objectifs de réduction de toutes les émissions polluantes prévus par le règlement européen. Il en va du respect de la réglementation et de la prise en compte des enjeux du défi climatique et environnemental. « C’est contraignant mais c’est une question de performance environnementale de ces moteurs. Nous accompagnons les motoristes français qui travaillent sur des homologations ».
Solutions avec des moteurs routiers (EuroVI) et industriels (NRE)
Mickaël Riou, responsable pôle technique NPS Diesel, a présenté l’utilisation d’un moteur Daf Euro VI qui a été « fluvialisé ». Il est homologué depuis janvier 2020 et équipe une vingtaine de bateaux aux Pays-Bas pour des puissances comprises entre 220 et 390 kw. « C’est une solution sur étagère que nos collègue de Vink Diesel ont adapté au fluvial ».
C’est à NPS que VNF a fait appel pour équiper le bateau Val Saôna sur le bassin Rhône-Saône en partant de moteurs industriels John Deere, avec filtre à particules et SCR, eux aussi adaptés au fluvial. L’homologation est en cours.
Selon Mickaël Riou : « Pour nous, le projet Val Saôna a été assez simple, le moteur était déjà adapté à l’application, d’une technologie robuste et connue, utilisé depuis 2014 par John Deere. Nous n’avons pas eu de difficulté de mise au point. En termes d’implantation, la partie post-traitement reste maîtrisé en volume ».
Il a ajouté : « Ces moteurs industriels et routiers sont déjà bien supérieurs en termes de dépollution à ce qu’impose la norme. Pour être plus réactif et gagner en terme de prix sur le marché et être compétitif, il faut prendre en compte que ces moteurs sont déjà utilisables en tant que tels. La norme impose énormément d’essais, de mises au point qui sont redondantes par rapport à ce qui a déjà été fait pour répondre à la norme d’origine du moteur. Cela reste un frein pour rendre disponible ces moteurs sur le marché ».
Solution de moteurs marins et groupes électrogène Volvo Penta
Les solutions de Volvo Penta à partir de moteurs marins de moins de 300 kw ont ensuite été détaillées. Selon Joël Haver, spécialiste produits marine professionnelle de Volvo Penta : « Le choix a été fait d’utiliser des technologies qu’on a développé pour les moteurs marins IMO 3 avec un système SCR, un système d’injection d’urée relativement simple, pour les adapter au stage V. C’est un travail mené sur deux blocs, un 8 litres et un 13 litres. C’est du matériel éprouvé. Nous avons une offre en propulsion mais aussi en groupe électrogène ».
Pour ces deux blocs, Volvo Penta vient d’obtenir les homologations du Cesni après un an et demi de travail. Ils vont être ajouté dans la liste prochainement.
Joël Haver a précisé : « Le système est relativement simple et compact, modulable. Entre maritime et fluvial, les contraintes en volume sont les mêmes dans la salle des machines. Le fait de rester en dessous de 300 kw est plus facile au niveau des adaptations. Au-delà de 300 kw, les évolutions pour stage V sont plus spécifiques ».
Volvo travaille à un moteur NRE (moteurs industriels transformés et « marinisés/fluvialisés ») de 405 kw et 1 700 tours/mn avec filtre à particule et dépollution complète ainsi que sur un moteur (D16) avec là aussi un système de dépollution complet (SCR et filtre à particule) en version propulsion et groupe électrogène.
« La vision de Volvo est d’aller étape par étape vers le zéro émission. Avec des groupe électrogène et des propulsions actuellement diesel-électrique, avec des carburants plus ou moins verts, on est prêt pour des ouvertures vers les nouvelles technologies à venir », a relevé Joël Haver.
Cécile Cohas a tenu à souligner : « Il faut noter la différence entre les trois moteurs, Daf, Volvo, John Deere. Le Volvo est un moteur marin, le John Deere est un moteur de tracteur marinisé, le Daf est un moteur routier marinisé. La différence, c’est que dans les deux moteurs Daf et John Deere, il y a un filtre à particule et une vanne EGR en plus du SCR. On est sur des niveaux de performances d’émissions différentes d’un moteur à un autre même si avec les trois, on atteint les normes demandée par l’Union européenne ».