Un ECV pour la valorisation des sédiments à terre

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Un engagement pour la croissance verte (ECV) « en faveur de la valorisation à terre des sédiments de dragage et de curage » vient d’être signé. Comme tout ECV, il engage de manière réciproque de nombreux acteurs (économiques, scientifiques, collectivités, gestionnaires fluviaux, portuaires…) et l’Etat afin de faciliter des projets innovants pour valoriser les sédiments et parvenir, à terme, à un développement industriel des solutions au sein des territoires.
Un engagement pour la croissance verte (ECV) « en faveur de la valorisation à terre des sédiments de dragage et de curage » a été signé lors des Assises nationales des sédiments, le 15 novembre 2022 à Lille. D’une durée de trois ans, cet ECV compte 18 premiers signataires (industriels, institutionnels, scientifiques, gestionnaires fluviaux et portuaires, collectivités territoriales, Etat) auxquels vont s’ajouter trois autres (des industriels) qui ont annoncé leur volonté de parapher eux aussi le document lors de l’événement. Comme tout ECV, il engage de manière réciproque ces nombreux acteurs et l’Etat afin de faciliter et d’accélérer des projets innovants, dans le cas présent la valorisation des sédiments. En signant un ECV, un dispositif instauré par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, l’Etat (représenté ici par les ministres de la transition écologique et de l’économie) se veut « facilitateur et entend créer un cadre ouvert pour les initiatives et, là où les projets rencontrent des freins apporter des solutions ».

Dans la suite de la démarche « SédiMatériaux »

La signature de cet ECV en novembre 2022 est l’aboutissement d’un long travail, « freiné par la pandémie et par les périodes d’élections », mené par le pôle régional pour la création et le développement des éco-entreprises (CD2E) basé dans les Hauts-de-France et les différentes parties prenantes. C’est d’ailleurs le CD2E qui va assurer « la coordination » de la mise en œuvre de cet ECV spécifique aux sédiments. « L’objectif est de contribuer à l’émergence rapide d’une filière industrielle au niveau national, en utilisant les Hauts-de-France comme laboratoire », a indiqué la directrice générale du CD2E, ajoutant que les retombées économiques attendues pourraient atteindre 140 millions d’euros par an, et favoriser la création d’emplois (estimation à 400) dans les 10 ans. Pour elle, « c’est aussi un soutien indirect au développement du transport fluvial et des ports » qui sont en première ligne pour la gestion des sédiments pour leurs infrastructures respectives. Cette responsable a rappelé que la recherche et le développement pour une valorisation des sédiments fait l’objet d’une mobilisation et d’investissements dans cette région depuis plusieurs années, en particulier avec la démarche « SédiMatériaux » à laquelle de nombreux acteurs ont participé et dont la plupart sont signataires de l’ECV. « SédiMatériaux » a notamment permis de démontrer la faisabilité de réemploi des sédiments en substitution de ressources naturelles (en remplacement de granulat pour de l’asphalte, de cru de cimenterie, en incorporation dans du béton, dans les couches de base et de fondation de routes…) mais aussi en étant intégré dans la fabrication de mobilier urbain… Sans oublier, leur utilisation dans la reconstitution de sols (valorisation agricole, réhabilitation de friches urbaines), l’aménagement paysager, la restauration et la stabilisation de berge… Dans le cadre de la démarche SédiMatériaux, Voies navigables de France (VNF) a conduit le projet « Alluvio », la gestion et la valorisation des sédiments étant un enjeu crucial pour cet établissement, comme l’ont montré des interventions de la direction territoriale du Nord-Pas-de-Calais (voir article de NPI) lors des Assises.

Passer des expérimentations à l’industrialisation

L’ECV va prioritairement travailler à avancer sur « des applications à forte valeur ajoutée d’un point de vue industriel pour la valorisation des sédiments : asphalte, béton, ciment, matrices composites, granulats ». Il s’agit de passer à l’industrialisation après plusieurs années d’expérimentations et de démonstrateurs. En signant l’ECV, les porteurs de projets (dont des industriels comme Eqiom, Nord Asphalte, à venir Cemex, Baudelet, Ecocem) s’engagent à utiliser des sédiments fluviaux et portuaires, ayant le statut déchets, soit dans leurs produits existants soit pour la création de nouveaux, à développer de nouvelles voies de valorisation, dans le cadre d’une démarche d’économie circulaire, dans le contexte des transitions énergétique et écologique (sobriété, moindre recours aux ressources naturelles, réduction de l’empreinte carbone des activités…), de l’envolée des prix des matières premières… Pour Francis Grenier, président de Nord Asphalte : « En signant l’ECV, nous voulons montrer que l’avenir s’écrit avec des cahiers des charges prenant en compte la valorisation des sédiments. La ressource en matériaux est essentielle pour une entreprise indépendante comme Nord Asphalte, encore plus dans le contexte actuel d’envolée des prix, de difficultés éventuelles d’approvisionnements que nous voulons sécuriser. L’ECV favorise également le déploiement d’une chaine de valeur sur le territoire dont nous voulons être l’un des maillons en nous inscrivant dans les marchés de la croissance verte ». Ce responsable a rappelé que Nord Asphalte est un acteur dans la démarche SédiMatériaux, en participant à « SédiAsphalte » pour évaluer et démontrer le potentiel de valorisation des sédiments (à la place de granulats) dans différentes formulations d’asphaltes pour diverses applications : « Nous avons confirmé que les solutions sont possibles techniquement, utiles, et pertinentes d’un point de vue économique. Avec les sédiments, les voies d’eau sont des carrières à ciel ouvert ». Dans l’expérimentation SédiAsphalte, cette entreprise est parvenue à intégrer 18 à 20 % de sédiments fluviaux dans ses formulations de produits. Il a d’abord fallu traiter les sédiments pour en retirer la matière organique. « 18 à 20 %, c’est un premier pallier. La performance à venir est d’augmenter ce pourcentage pour ne pas avoir à utiliser de ressources naturelles qui se raréfient et dont les prix augmentent, ce qui rend plus intéressant le réemploi des sédiments », a ajouté Francis Grenier.

Veiller à l’innocuité environnementale

Eqiom a participé au projet « SediCim » avec l’IMT Nord Europe et le cabinet d’ingénierie NéoEco pour substituer le cru de cimenterie (aujourd’hui constitué de matériaux provenant de carrières) ou les additions minérales pour la fabrication de ciments, liants hydrauliques routiers ou de bétons, par des sédiments. « Avec le laboratoire de NéoEco, nous avons validé l’innocuité environnementale de l’utilisation de sédiments pour remplacer l’argile et le ciment a les mêmes qualités. Pour un industriel comme Eqiom, l’expérimentation nous a permis de tester concrètement les process, les contraintes, les limites, de déterminer les adaptations pour un développement plus large. La rentabilité économique est à l’étude ». Baudelet, spécialiste du traitement et de la valorisation des déchets (dont font partie les sédiments), va signer l’ECV, précisant que « cette activité nécessite des investissements mais permet de faire des économies en matières premières », soulignant également « l’importance d’une utilisation des éco-produits en France et non pas en Belgique ou ailleurs ». Pour Ecocem, il s’agit de « réduire l’empreinte carbone des ciments » affirmant que « les sédiments valorisés peuvent jouer un rôle ». Pour Cemex, « les sédiments constituent une matière alternative pour les bétons », il faut toutefois travailler sur les « aspects normatifs » et faire en sorte que les donneurs d’ordre prennent en compte les possibilités offertes par ces ressources alternatives. Le représentant de la fédération régionale des travaux publics a indiqué : « Des entreprises de cette filière utilisent déjà des sédiments » et « sont en recherche permanente de produits recyclés qui sont des apports pour la construction, les bétons, ciments, etc. Le sédiment est une ressource ».

VNF, l’un des signataires de l’ECV

VNF est l’un des signataires de l’ECV sur la valorisation des sédiments. L’établissement s’engage concrètement par la réalisation de plate-forme, par exemple à Wambrechies (2,3 ha le long de la Deûle, opérationnelle d’ici la fin 2022). Elle va servir à stocker, sécher, traiter, caractériser les sédiments qui seront ensuite mis à disposition des industriels pour qu’ils s’approvisionnent et les utilisent. « L’idée est de mettre à disposition cette ressource, qui constitue une richesse, pour les différentes filières industrielles. Pour un gestionnaire comme VNF, c’est une opportunité, en participant à la sécurisation de l’approvisionnement des filières, lesquelles, de leur côté, nous apporte des solutions pour une meilleure gestion des sédiments par la valorisation », a précisé Olivier Matrat, directeur territorial adjoint de VNF Nord-Pas-de-Calais. L’établissement extrait environ 370 000 m3 de sédiments annuels sur l’ensemble du réseau national dont il a la gestion (6700 km) avec des volumes en augmentation et qui vont continuer sur la même tendance (voir article de NPI). Le coût moyen de traitement d’un mètre cube de sédiments pour VNF s’élève à 46 euros. Parmi les autres signataires, la région Hauts-de-France : « Nous avons fait le pari il y a quelques années de nous engager et de soutenir la recherche et le développement sur la valorisation des sédiments pour en faire une ressource, une matière première pour le développement de notre économie. Beaucoup d’expérimentations ont été menées. Il reste encore quelques écueils d’ordre règlementaire ou d’équilibre économique. Le sens de l’ECV est de permettre de lever les freins encore existants pour massifier la valorisation et l’usage des sédiments, aller plus vite et plus loin, parvenir à un déploiement industriel et créer de l’activité économique dans le territoire », a dit la représentante du conseil régional. Elle a ajouté : « La région va continuer à accompagner les projets, en prenant en compte aussi les besoins concernant les éventuelles adaptations des process industriels. Des fonds européens sont mobilisables, la région est organisée pour apporter un conseil et une aide. Nous avons aussi entendu qu’il fallait travailler à une évolution des critères des commandes publiques en intégrant la possibilité de recourir aux sédiments comme matières premières de substitution ».

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