Projet de solution mobile flottante pour fournir du courant à quai, le projet de barge Elemanta a évolué vers l’hydrogène, avec une implantation sur l’axe Seine à Rouen au Rubis Terminal où un démonstrateur pourrait être opérationnel en 2025. Précisions avec Léo Benotteau, Area Sales Manager d’Hydrogène de France (HDF Energy).
Le projet de barge flottante Elemanta a été conçu par Sofresid en 2019 avec l’idée d’utiliser du gaz naturel liquéfié (GNL) pour fournir du courant à quai plus ou moins « décarboné » (ce gaz demeurant d’origine fossile) aux navires et bateaux (voir article de NPI) puis a évolué vers l’hydrogène il y un an et demi. « Nous apportons la brique hydrogène avec la fourniture de pile à combustible d’une puissance de 1,5 MW. La barge, conçue comme un démonstrateur, en accueillera une », explique Léo Benotteau, Area Sales Manager d’Hydrogène de France (HDF Energy). L’hydrogène sera renouvelable, produit par électrolyse de l’eau par Air Liquide à Port Jérôme (voir article de NPI). La barge sera d’occasion « pour s’inscrire dans une démarche d’économie circulaire » et modifiée dans un chantier normand « pour privilégier le tissu économique local de proximité ». Les piles à combustible seront fabriquées en France, du côté de Bordeaux (ancien terrain Ford à Blanquefort) dans une usine qui devrait commencer à produire en 2023.
Parmi les partenaires du projet, il y a le groupe Rubis et ses installations dans le port de Rouen (six terminaux, répartis de part et d’autre de la Seine, importation, stockage, distribution d’hydrocarbures). C’est sur l’un des quais du Rubis Terminal qu’est prévu le stockage des conteneurs et les opérations de chargement/déchargement de la barge à bord duquel est prévu un équipement pour la réalisation de ces opérations. C’est en effet la solution conteneurs qui a été retenue pour fournir l’électricité. La participation du groupe Rubis permet aussi « d’entrer en contact avec des armateurs » susceptibles d’utiliser la solution pour brancher leurs navires à quai et couper les groupes électrogènes.
« L’implantation à Rouen comme site pionnier est déterminante pour le projet », ajoute le responsable d’HDF. C’est une position stratégique sur l’axe Seine, entre Le Havre et Paris. Haropa ainsi que Normandie Energies appuient d’ailleurs le projet. Elemanta peut participer à répondre à l’objectif de Haropa d’une électrification des quais du port de Rouen à l’horizon 2028.
Inter : « Barge énergétique zéro-émission »
Le projet Elemanta associe 6 partenaires (HDF Energy, Sofresid Engineering, Rubis Terminal, Améthyste, Cetim, Ariane Groupe) qui ont signé début juillet 2022 un Mémorandum of Understanding (MoU) pour déployer des solutions mobiles fournissant, à partir d’hydrogène « vert » ou bas carbone, des services d’électrification à quai en complément du réseau électrique, pour tous les types de navires (porte-conteneurs, tankers, croisières…).
Le projet prévoit qu’en 2025, la barge de démonstration embarque un système de pile à combustible hydrogène de 1,5 MW fabriquée par HDF Energy. Un stockage d’hydrogène « vert » à haute pression couvrira le besoin d’autonomie pendant les escales. Sofresid Engineering est chargé de réaliser l’architecture et l’intégration des équipements de la barge, mobile pour se déplacer au plus proche du besoin et maximiser son taux d’utilisation. Une analyse de risques fondée sur des outils innovants (intelligence artificielle) va être réalisée par Améthyste. La maîtrise des risques est une priorité avec l’hydrogène. Il faut aussi prendre en compte que le terminal de Rubis est un site Seveso. Le Cetim s’occupe du calcul des gains environnementaux apportés par Elemanta H2, qualifiée de « barge énergétique zéro-émission ».
Léo Benotteau précise : « C’est un projet en collaboration entre plusieurs partenaires pour réaliser un démonstrateur afin de prouver que l’alimentation à quai avec la barge est possible en toute sécurité avec une pile embarquée marinisée et un module de software permettant une gestion intelligente et sécurisée. Le démonstrateur nous permet d’apprendre et d’acquérir de l’expérience. La conviction est que l’hydrogène permet de répondre à une partie des besoins d’électrification des quais portuaires. L’étape suivante sera de standardiser et de répliquer la solution, d’adresser d’autres ports avec plusieurs barges, en visant une utilisation partagée entre plusieurs quais. C’est une solution de décarbonation mobile, flexible, simple, adaptée notamment à des lieux où des installations à terre, en dure, ne sont pas possibles ou ne se justifient pas pour des raisons techniques, de coûts trop élevés d’investissement, etc. ».
Il faut comprendre que le projet Elemanta avance par phases successives, les partenaires envisageant également à l’avenir de proposer du soutage en hydrogène (bunkering), probablement aussi avec des conteneurs, pour les futurs navires et bateaux qui seront adaptés à ce combustible. La présence d’Ariane Groupe s’inscrit d’ailleurs en lien avec cette évolution pour son expérience en matière d’hydrogène liquide. Les partenaires réfléchissent aussi pour plus tard à des puissances supérieures à 1,5 MW (jusqu’à 10 ou 15 MW) ou à proposer des services utiles aux navires et aux ports comme la récupération/gestion des déchets.
En termes de gains environnementaux, les partenaires indiquent que le démonstrateur Elemanta H2, par rapport aux groupes électrogènes diesel, permet de réduire de plus de 85 % les émissions de CO2 et en totalité les émissions d’oxydes d’azote (NOx) et dioxydes de soufre (SO2) en escale. Si le projet avance conformément au calendrier prévu, la barge serait mise en service en 2025 au terminal Rubis de Rouen pour une durée d’opération de 20 ans.
Le projet a été labellisé en avril par le pôle mer Bretagne-Atlantique et a été sélectionné dans le cadre de l’AMI Corimer 2022 lancé par BPI France avec un financement à la clé. Les partenaires prévoient de demander un financement auprès de l’Union européenne. A terme, il s’agira de rentabiliser la barge par la vente de l’électricité auprès des armateurs lors du branchement à quai.