La deuxième rencontre nationale d’InTerLUD a permis de présenter un bilan du chemin parcouru par ce programme CEE consacré à la logistique urbaine durable lancé il y a deux ans et de tracer les contours de sa prolongation au-delà de son échéance fixée au 31 décembre 2022, baptisée « InTerLUD+ ».
Le programme InTerLUD (pour Innovations Territoriales et Logistique Urbaine Durable) a été lancé en février 2020, porté par plusieurs partenaires (Rozo, Logistic-Low-Carbon, CGI, Cerema, Ademe) et reconnu par le ministère de la Transition écologique. Il vise le déploiement, par les collectivités territoriales et les acteurs économiques, d’actions volontaires sur le transport de marchandises en ville, dans le cadre de « chartes de logistique urbaine durable ». Il est doté d’un budget de 8,1 millions d’euros dans le cadre du dispositif CEE (certificat d’économie d’énergie).Une deuxième « rencontre nationale » InTerLUD a été organisée le 4 octobre 2022 donnant la parole à un grand nombre des 43 EPCI (sur un total d’un peu plus de 250 de ces établissements publics de coopération intercommunale existants en France) engagés dans ce programme qui devait s’achever fin décembre 2022 mais dont on a appris que les démarches pour sa prolongation étaient engagées.
Un mot clé : « concertation »
« Logistique urbaine durable il y a aura, si concertation il y a », a dit Jean-André Lasserre, directeur du programme InTerLUD, en introduction du colloque, lâchant ainsi le mot le plus souvent entendu et répété au cours de la matinée.Pour ce responsable, la démarche rassemblant systématiquement les représentants des collectivités territoriales et les acteurs économiques (et leurs fédérations locales) est un apport essentiel du programme. « C’est là que nous avons apporté une valeur ajoutée, une méthode pour des échanges fructueux à chaque étape ». Sachant que la première consiste à réaliser un diagnostic des transports et de la logistique, suivie de l’élaboration des chartes et de fiches actions le plus souvent au sein de groupes de travail thématiques.Une concertation est donc la clé de la réussite sur le long chemin de la mise en place d’une logistique urbaine durable, c’est le leitmotiv des prises de paroles des nombreux participants aux tables-ronde de la matinée.« Le maître-mot est concertation, la logistique urbaine durable est stratégique et ne peut être organisée que par un dialogue. Il faut prendre les bonnes idées là où elles se trouvent pour des solutions plus sobres », a dit Georges-Eric Clary, directeur TerreAzur Pays-de-la-Loire. Pour Thibaut Guiné, conseiller métropolitain en charge de la logistique urbaine à Nantes métropole : « Il y a une volonté de concertation aujourd’hui car elle évite les blocages demain. Concerter ensemble, pouvoir politique et monde économique, permet de réussir ensemble. Cela démontre comment la décentralisation peut fonctionner : comment on peut décliner efficacement au niveau local un cadre national cohérent ». Pour Pauline Martin, déléguée générale FNTR Ile-de-France : « Il ne peut y avoir de politique de logistique urbaine durable sans concertation de tous les acteurs concernés, les collectivités, les fédérations, les entreprises… ».« Interlud permet de mettre tout le monde autour de la table », a indiqué Béatrice Agamenonne, vice-présidente en charge de la mobilité et des transports à l’Eurométropole de Metz, ajoutant à la liste d’acteurs cités précédemment les commerçants, les associations, les CCI, les agences d’attractivité, les citoyens… avec l’objectif final de « définir les ambitions communes et une feuille de route ». Tandis que Pauline Martin a relevé toutefois « un bémol » parmi les acteurs ne participant pas suffisamment : « Les chargeurs, sans doute moins conscients que d’autres qu’ils sont eux aussi concernés par la logistique urbaine durable et les zones à faible émission » (ZFE). Celles-ci sont au nombre de 10 en France au 1 septembre 2022 mais 45 agglomérations seront concernées en 2025, soit 44 % de la population du pays. D’abord obligatoire pour les seules zones où la qualité de l’air n’était pas respectée, les ZFE ont été rendues obligatoires d’ici le 31 décembre 2024 pour les agglomérations de plus de 150 000 habitants par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « loi climat et résilience »).Pour Thibault Salvat, président de la CGAD Rhône : « La concertation a été concrète. La logistique urbaine est un enjeu fort pour nos activités des métiers de bouche avec les ZFE qui font peur, mais participer et être entendu rassure. Nous saurons nous adapter à la feuille de route en cours d’élaboration ».Il a été souligné par Nicolas Hyvernat, vice-président en charge des directions mobilités et transports de Vienne-Condrieu, que les mots « logistique du dernier kilomètre » pouvaient être plus convaincants et mobilisateurs que « logistique urbaine durable » pour engager le dialogue avec des élus, notamment ceux des communes rurales en dehors d’une ville-centre.
L’importance du diagnostic
Emilie Clair, chargée de mission mobilités et logistique urbaine à Grand Besançon métropole, a détaillé la phase de diagnostic, première étape du programme : « Nous avons signé la convention avec InTerLUD en juin 2021 et le diagnostic a été rendu à la fin novembre 2021 par deux cabinets extérieurs car nous ne disposons pas des ressources suffisantes en interne. Ils ont mené un travail de terrain avec des enquêtes auprès des acteurs concernés pour comprendre les flux logistiques, les besoins, les difficultés… Ce diagnostic permet ensuite de travailler sur des adaptations, des nouvelles pratiques à mettre en place, par exemple la cyclo-logistique. Il est aussi un support utile pour acculturer les élus sur les transports et la logistique dans leurs territoires ».Après avoir présenté le diagnostic aux élus et aux acteurs économiques, Grand Besançon métropole conduit « un travail en interne de manière transversale » avant d’aborder l’étape d’élaboration de la feuille de route et des fiches actions. Le diagnostic ayant montré qu’une logistique urbaine durable a des répercussions sur de nombreux aspects comme les plans de mobilité, les PLU, ou des réglementations...L’Eurométropole de Metz a franchi elle aussi l’étape du diagnostic : « Il permet de connaître les pratiques du territoire en matière de logistique, de comprendre les flux, les zones de chalandises, les aires de livraison… Nous avons eu des étonnements sur la logistique inverse mais aussi sur la volonté des acteurs économiques à s’engager dans la transition écologique. On a senti qu’ils attendent des signes et des mesures des politiques pour avancer. Le diagnostic est un point de départ pour travailler sur les massifications possibles, les véhicules, les matériels, les innovations et les expérimentations à envisager, sur les bonnes pratiques à mettre en place pour organiser les flux dans le contexte de la ZFE et des ambitions des territoires en matière de transition écologique », a expliqué Béatrice Agamenonne. Le diagnostic vient de s’achever pour l’Eurométropole de Metz après 6 mois de travaux, 150 entretiens et des échanges avec tous les élus « pour une ambition partagée pour la logistique urbaine durable de la ville-centre et des communes rurales ».
Le contenu des chartes et des fiches actions
« Nous en sommes à l’étape de la rédaction de la charte avec des groupes de travail autour de thèmes comme le « verdissement », les aires de livraison, les livraisons agro-alimentaires… Les professionnels sont associés à cette charte car sans dialogue et concertation rien n’est possibles, a indiqué Jean Marchand, chef de projet mobilité durable à Sète Agglopôle Méditerranée. Avec l’aide du programme, il est facile de faire venir les participants. Nous envisageons la signature de la charte à la fin de cette année 2022. Nous avons prévu un budget en 2023 pour des expérimentations pour animer la charte ».Grand Angoulême en est aussi à l’étape d’écriture de la charte après la tenue de cinq ateliers, a précisé Philippe Vergnaud, conseiller délégué au commerce et à l’artisanat : « L’une de nos priorités est de trouver les solutions à l’embouteillage permanent du centre-ville entre 8 h et 12 h avec de gros transporteurs et leurs nuisances y compris sur les pavés. Nous souhaitons définir un calendrier des actions car nous ne pourrons pas tout faire en même temps. Il y a la problématique des aires de livraisons qui ne répondent pas aux besoins des professionnels, ne sont pas cohérentes, ne respectent pas certaines normes… Il nous faut bâtir un schéma directeur de ces aires de livraison, c’est une demande forte des professionnels. Il y a des choix à faire concernant le « verdissement » des flottes, c’est un sujet complexe pour les acteurs comme pour les collectivités ».Parmi les autres thématiques récurrentes d’un groupe de travail à l’autre : la logistique des chantiers, la multimodalité, la massification, le foncier.En 2023, InTerLUD+Nantes Métropole a défini 58 actions (et élaboré 11 fiches actions), Rennes ville et métropole 19 actions, Pau Béarn Pyrénées 12 actions. Exemple à Nantes avec « mieux partager la voirie entre les différents usages », à Rennes avec « améliorer les conditions de travail des professionnels sur le terrain et prendre en compte les enjeux sociaux », à Pau « organiser un chantier de travaux exemplaire et reproductible ».Ces nombres varient car les tailles des EPCI sont très diverses. Sur les 43 EPCI, 14 comprennent plus de 250 000 habitants, 22 plus de 100 000, 6 moins de 100 000, ce qui représente un échantillon plutôt représentatif des 256 EPCI existants en France, selon Pascal Berteaud, directeur général du Cerema, lors de la conclusion de la matinée, ajoutant : « La logistique urbaine concerne les métropoles mais aussi les villes moyennes entre 50 000 et 100 000 habitants. Dans le nouveau programme, que nous appelons InTerLUD+, nous souhaitons aussi accompagner ces villes ». Pour Etienne Chauffour, directeur en charge des mobilités de France urbaine : « La logistique urbaine est en train de prendre une place nouvelle au sein des collectivités. Une ZFE concerne les territoires où elle est mise en place mais aussi ceux autour. Pour le prochain programme, il faudrait avancer sur les solutions pour les « petits » acteurs de la logistique et des transports en sortant des systèmes dérogatoires pour eux, aller vers davantage d’intermodalité avec le fluvial, le ferroviaire, la cyclo-logistique. Il y a aussi à travailler l’acceptabilité de la logistique par les habitants : on a tous besoin d’être livré et de retourner des marchandises ».Xavier-Yves Valère, chargé de mission politiques de fret et de logistique à la DGITM, a relevé : « Le programme répond à une attente. La logistique est l’affaire de tous mais devient dans le contexte de la transition énergétique davantage une politique publique tout en nécessitant d’avoir des échanges public/privé. Elle concerne les grandes agglomérations mais va bientôt arriver au niveau des villes moyennes ».Ce responsable a listé « 4 pistes de gain » pour le programme : mutualiser les flux et les stocks pour un surplus de compétitivité et des gains de CO2 et de kilowattheure, passer à 100 EPCI engagés dans la démarche (au lieu de 43 aujourd’hui), se professionnaliser (ce qui passe par une montée en compétence des collectivités et des professionnels avec le programme InTerLUD+), parvenir à mesurer les gains de CO2 et de kilowattheure.Pour la sénatrice Martine Filleul (Nord), autrice avec Christine Herzog (Moselle), d’un rapport sur la logistique urbaine durable (voir article de NPI) : « La mission que nous avons menée a montré qu’il faut aider les collectivités à s’emparer du sujet, les accompagner car elles sont plutôt mal outillées. InTerLUD répond à cette problématique et sa prolongation figure dans les propositions de notre rapport. Nous avons indiqué également le besoin d’harmonisation, de coordination, d’innovation autour de la logistique urbaine durable. Ou encore de convaincre les consommateurs et les citoyens que l’e-commerce n’est pas neutre en matière de logistique et de transports. La durabilité des activités est l’objectif, un accompagnement des évolutions des véhicules dans ce sens est nécessaire, davantage de vélo-cargo… Mais il faut aussi favoriser le mode fluvial, dont on ne sert pas suffisamment, et continuer à assurer les financements de Voies navigables de France pour l’entretien et la mise à niveau du réseau et disposer du foncier nécessaire à une logistique urbaine durable au bord des voies d’eau ».