Après un démarrage en temps de crise en 2020, le programme national Interlud devrait s’achever à la fin de l’année 2022 avec une cinquantaine de territoires engagés. Il représente une opportunité pour développer le secteur de la logistique fluviale urbaine et interurbaine.
« Le programme Interlud veut atteindre l’objectif d’une cinquantaine de chartes d’ici la fin de 2022. Ce sera alors le temps de l’évaluation qui nous permettra d’envisager ou pas une prolongation », a annoncé Marc Papinutti, directeur général de DGITM en conclusion du premier séminaire national Interlud, fin 2021. A travers ces chartes, les territoires s’engagent avec méthode pour mettre en place un diagnostic, une stratégie et un socle d’actions afin de créer un écosystème de logistique urbaine.
Lors du séminaire, le rapport au gouvernement sur la logistique urbaine durable (consultable en ligne www.interlud.green) a été présenté. Un observatoire national a été créé proposant un ensemble de connaissances et de données, un bon préalable à un engagement Interlud. de nombreux acteurs privés et publics engagés ont aussi témoigné de l’urgence d’actions communes. « Longtemps la logistique a été méprisée. Ce rapport a permis de mettre à jour à partir d’où nous partons et de proposer une évolution, notamment législative. Il apporte un peu d’horizontalité là où tout le monde travaille en verticalité », a expliqué l’une des trois rapporteurs, Anne-Marie Jean, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg.
La particularité du programme Interlud est d’ouvrir des espaces de concertation entre acteurs privés et publics, de proposer des méthodes. Le programme finance de 30 à 70 % les études et peut rémunérer des chargés de mission. Aujourd’hui, 38 territoires sont engagés sur un potentiel de 150 : Nantes, Metz, Le Havre, Arras, etc. Dans la boucle, des EPCI, livreurs bas-carbone, entrepôts, commerçants, entreprises du BTP… « Nous avons encore de grands défis à relever », a repris Marc Papinutti : « La logistique urbaine est un vrai levier de la transition et de résilience économique. L’Etat et les collectivités ne peuvent faire face seuls ».
La multitude des acteurs impliqués, l’hétérogénéité et la multiplicité des logiques économiques constituent un terrain complexe pour faire face aux nouvelles contraintes réglementaires telles que les zones à faibles émissions (ZFE).
À plusieurs échelles et tous secteurs confondus, les modes de transport doivent s’articuler, s’organiser et se réinventer. A Strasbourg, Anne-Marie Jean, également présidente du port autonome, témoigne : « Les politiques de transport relèvent souvent de services aux personnes et à la mobilité. Il existe aussi une multitude de prescripteurs très importants comme les établissements publics qui restent traditionnellement en dehors de ces enjeux. De fait, il n’y a pas de leadership naturel ni de solution unique ». Le report modal concerne toutes les marchandises. Pour les petits commerçants, l’inquiétude du surcoût et des ruptures de charges sont une pression. Des solutions devront être imaginées pour répartir les charges. « La mutualisation sera nécessaire » estime encore Anne-Marie Jean.
Le programme entend être un facilitateur pour les territoires. « Pour chaque ville, il faut une organisation unique, une seule clé d’entrée pour assurer dans la durée », a indiqué Etienne Chaufour, directeur de France Urbaine. Pour Thibaud Guidé à Nantes, une des villes pionnières, « une bonne logistique sera une clé de dumping social pour faire face aux gafa qui s’installent partout ».
Une opportunité pour le fluvial
Interlud est présenté comme une opportunité pour la logistique fluviale, le développement des ports et la modernisation des flottes. Dans le contrat d’objectif et de performance (COP) signé entre l’Etat et VNF en avril 2021, trois milliards sont promis sur dix ans pour doubler le fret fluvial. Un travail de report modal est engagé auprès des EPCI avec un ensemble de partenaires privés et publics, comme la SNCF, pour construire des réseaux. Pour Didier Baudry directeur de projet logistique et transports fluviaux chez Cerema, Interlud permet à la navigation intérieure d’être abordée autrement. Pour lui « les propositions de logistiques urbaines fluviales sont plutôt matures et la France n’est pas à la traîne ». Le directeur territorial de VNF Strasbourg, Yann Quiquandon abonde : « Les ZFE sont une occasion sociale et un champ d’opportunité qui s’offrent au monde du transport fluvial ». Dominique Drapier, secrétaire de l’association des ports intérieurs français, appuie : « Les lignes ont bougé, l’écologie et la décarbonation constitueront une nouvelle étape pour le fluvial français ». Antoine Frémont, vice-président de la recherche à l’université Gustave Eiffel, analyse les dernières phases de déconnexion et de reconnexion entre le fluvial et les territoires : « On est à la croisée des chemins. Le routier est d’une efficacité imparable ce qui a déconnecté les villes des fleuves, il est indispensable de repenser leurs rapports. Les chargeurs sont demandeurs et les collectivités facilitatrices. Aujourd’hui, c’est dans les ports que tout se passe ». Plusieurs projets en attestent. Le modèle d’ULS n’est plus à citer où un écosystème de logistique urbaine travaille plein pot à Strasbourg et bientôt à Lyon. Thomas Castan, le fondateur, démarche actuellement 19 collectivités « avec beaucoup de pédagogie ». Le fournisseur de matériaux Point P représente un autre exemple de réussite de logistique urbaine. Depuis 2019, deux péniches desservent 7 agences en bords de Seine et 230 000 tonnes de marchandises ont été transportées en 3 ans. Pour se développer ailleurs, les acteurs s’entendent à vouloir démontrer « le possible » et le « comment ». Pour Didier Baudry « la première erreur serait de vouloir substituer la route par le fluvial et appliquer les mêmes méthodes. Pour le fluvial, il est nécessaire de repenser la chaîne entière et positionner, par exemple, les entrepôts en amont des villes, en périphérie ». Pour lui, Interlud sera un accélérateur. Pour Antoine Frémont, « il faut éviter la multiplication des entrepôts et, avec le fluvial, l’entrepôt peut servir en amont et en aval des frets ». Il insiste sur le besoin de libérer les quais en centre urbain. Un élément qui se pose à Toulouse qui a opté pour construire une logistique urbaine via un premier appel à manifestation d’intérêt (AMI) avant un appel à projets. Si pour le BTP, les solutions du fluvial répondent à des demandes simples, pour les commerçants, un travail de logisticien aura toute son importance pour rassembler les flux et les massifier. Ici, Interlud est un outil pertinent.Un financement CEE
Créée à l'initiative de l'Ademe, du Cerema et du ministère de la transition écologique, la démarche Interlud est une méthodologie à destination des collectivités pour les accompagner dans la construction et le suivi pluriannuel d'un programme d'actions, concerté avec les acteurs économiques de leur territoire, en faveur d'une logistique urbaine durable. Pour mettre en œuvre cet accompagnement, le Cerema propose aux collectivités volontaires un appui méthodologique, des formations et des financements CEE (certificat d’économie d’énergie) pour mettre en place la démarche localement ainsi que des outils de suivi et de partage d'expérience avec d'autres collectivités. Le Cerema et Logistic Low Carbon accompagnent également la collectivité sur la concertation avec les acteurs économiques à travers la cartographie des acteurs locaux, des rendez-vous bilatéraux avec ces derniers, l’organisation de séminaires d’information et de groupes de travail, entre autres.- Budget : 8,1 millions d’euros.
- Bénéficiaires : métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération,
- Date de fin : 31 décembre 2022.