Deux des « Urban Multimodal Days » organisés dans le cadre du projet européen ST4W (Smart Track 4 Waterway) se sont déroulés récemment à Bruxelles et à Gand.
Les participants ont démontré, une fois de plus, leur volonté d’aller de l’avant pour faire une place plus grande à la voie d’eau dans la logistique urbaine. De nouveaux projets prennent forme en ce sens, mais en attendant une veritable percée, qui ne se fera pas partout à la même vitesse, le fluvial reste un acteur très marginal dans la distribution urbaine.
Bruxelles et Gand sont animés du même désir de faire une plus grande place à la voie navigable dans la logistique urbaine, notamment dans un souci de réduction des nuisances, de la congestion et de la pollution.
La situation à Bruxelles
Dans les deux cas, ce sont les matériaux de construction qui suscitent les plus grands espoirs. Sur papier, le marché potentiel est énorme.
Comme l’a indiqué Mark Goossenaerts, directeur de l’opérateur fluvial Shipit, la construction représente à Bruxelles un flux de quelque 20 000 mouvements de poids lourds par semaine.
C’est pour faire basculer une partie de ces flux vers la voie d’eau que le Brussels Construction Consolidation Centre (BCCC), dans lequel Shipit est le partenaire opérationnel, a été installé au bassin Vergote il y a deux ans et demi.
Depuis lors, l’Oorderdam, un bateau de Shipit équipé de sa propre grue, y a déchargé 25 000 palettes pour livraison par camion ou camionnettes à des chantiers dans la capitale belge.
Sans être négligeable en soi, ce chiffre ne constitue qu’une fraction du volume total de ces livraisons. Shipit est également intervenu à plusieurs reprises pour l’évacuation de déblais. Le total des émissions de CO2 évitées se monte à 1 700 tonnes.
Bruxelles va doubler le BCCC d’une plate-forme implantée au sud du centre-ville, au bassin de Biestebroeck à Anderlecht. Celle-ci sera desservie depuis le BCCC par des unités fluviales adaptées, le projet est sur le point d’aboutir. Shipit, qui a obtenu le contrat d’exploitation de cette plate-forme, espère y démarrer ses activités au début de l’année 2022.
A Gand, la solution Green Wave
A Gand, le consortium Urban Waterway Logistics (UWL), dont font notamment partie trois négociants locaux de matériaux de construction, explore les possibilités qu’offre le réseau fluvial de la ville.
Un premier bateau à propulsion électrique de type Green Wave adapté au gabarit des voies d’eau gantoises est mis à l’épreuve. Long de 15 m et large de 4 m, sa capacité est d’environ 25 tonnes. Il a déjà effectué une quarantaine de tests depuis son entrée en service au premier semestre 2021.
« Il faut rechercher le dimensionnement idéal en fonction des caractéristiques infrastructurelles de chaque ville », a dit un participant à la journée ST4W à Gand mi-octobre 2021.
Le bateau est équipé pour être intégré, à terme, dans des systèmes de pilotage à distance, de navigation en convoi, de suivi des cargaisons, etc.
Une prochaine unité sera dotée d’une capacité de ballastage pour éviter des problèmes de tirant d’air quand le bateau circule sans ou avec trop peu de cargaison.
Parallèlement, les parties concernées cherchent à établir « deux centres de transbordement régional », l’un au nord de la ville, l’autre au sud, où pourrait s’opérer la jonction avec des services à plus grand gabarit comme celui envisage avec « Via Palletto ».
Ce projet vise à mettre en place des rotations régulières intéressant des flux de « fast moving building materials » de différentes parties –pour obtenir la masse critique requise– en appliquant le principe « pick & drop » sur des axes flamands est-ouest et nord-sud. De premiers essais ont déjà eu lieu.
Des obstacles à lever
A la veille de l’Urban Multimodal Day à Gand, UWL avait organisé un nouveau test pour la livraison fluviale à un endroit plus difficile d’accès. Le bateau Green Wave ne disposant pas de sa propre grue (cela poserait aussi des problèmes de stabilité lors des opérations de transbordement), l’opération a nécessité l’intervention d’un camion équipé d’une grue téléscopique d’une portée d’une quinzaine de mètres. Cela illustre les obstacles à surmonter pour parvenir à des solutions viables.
Mais il y en a d’autres : le besoin de dragage, le partage de l’espace aquatique avec d’autres utilisateurs, les limitations en matière d’utilisation de l’espace public en centre urbain, l’organisation du dernier kilomètre, une réglementation inadaptée... La moindre opération demande aujourd’hui une préparation intensive.
C’est pourquoi UWL et ses partenaires se donnent encore plusieurs années avant d’aboutir.
André De Groote, de la société de matériaux de construction De Groote-Houtboerke, un des promoteurs du consortium UWL, a dit sa conviction que l’échéance d’une logistique urbaine fluviale était inéluctable, mais que cela implique aussi de surmonter les réticences de nombreux chargeurs : « Le plus difficile est là. Convaincre le marché de franchir le pas prendra encore du temps. Mais il faut aussi que les pouvoirs publics soient conséquents dans leur démarche et fassent en sorte que l’infrastructure nécessaire soit disponible ».