« Dépasser une vision strictement étatique de l’enjeu portuaire »

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Tour d’horizon de propos entendus lors des Assises de l’économie de la mer, organisées à Lille, les 8 et 9 novembre 2022, sur les sujets concernant les ports maritimes, qu’ils soient d’Etat ou décentralisés ou intérieurs, la nécessité qu’ils aillent vers davantage de complémentarité, la place et le rôle des collectivités territoriales… Seine-Nord Europe a aussi été évoqué.
« L’articulation avance entre les ports de Dunkerque, de Lille, de Calais, de Boulogne, la complémentarité peut aller encore plus loin en jouant toujours davantage collectif. Le port de Dunkerque va bientôt atteindre un trafic d’un million de conteneurs, est un laboratoire de l’industrie « décarbonée », a pris de l’importance sur la logistique, les entrepôts, dispose encore de réserves foncières. Des flux nous manquent peut-être encore, il faut agir pour faire changer les habitudes, faire comprendre aux chargeurs qu’il est plus intéressant de passer par Dunkerque qui est un port réactif et compétitif par rapport à Anvers ou Rotterdam », a relevé Pascal Vergriete, maire et président de la communauté urbaine de Dunkerque, lors des Assises de l’économie de la mer, rendez-vous annuel des communautés maritime et portuaire organisé les 8 et 9 novembre à Lille par le Cluster maritime français (CMF) et Le Marin. Il s’exprimait après Damien Castelain, président de la métropole européenne de Lille qui avait dit : « Trop longtemps, la MEL a tourné le dos à la mer, à sa façade maritime. Nous voulons faire rentrer la mer dans la MEL, utiliser le canal Seine-Nord, le fluvial, notamment pour relever le défi de la « décarbonation » des activités. Nous allons vers une coopération renforcée avec le port de Dunkerque qui est « le port de Lille métropole ». Il s’agit de ne pas rater l’arrivée du canal Seine-Nord, c’est maintenant qu’il faut se préparer à sa mise en service à la fin de la décennie ». Ce responsable était le premier à mentionner le futur canal, dont la construction a commencé cet automne 2022 par le chantier de rescindement de l’Oise et maillon central de 107 km au sein des 1100 km de la liaison européenne Seine-Escaut. Concrètement, lors de ces Assises, la MEL a signé avec la direction territoriale du Nord-Pas-de-Calais de VNF une « lettre d’intention », première étape vers une charte de partenariat sur des enjeux communs autour de la logistique et du tourisme fluvial (voir article de NPI). Nicolas Siegler, vice-président du département du Nord, chargé de l’aménagement du territoire et du canal Seine-Nord Europe, a lui aussi parlé de l’importance de cette infrastructure : « Le canal est une ligne de vie qui fera battre le cœur des Hauts-de-France plus fort. Il est la dernière pierre de l’édifice de structuration de la logistique régionale », rappelant au passage que son territoire va accueillir l’un des 4 ports intérieurs de la future infrastructure à grand gabarit, « le plus grand, celui de Marquion-Cambrai ». Pour lui, « l’enjeu, c’est la complémentarité des ports, des axes, de la Seine à l’Escaut. La région, les intercommunalités travaillent déjà sur les quatre ports intérieurs, pour qu’ils soient là lors de la mise en service du canal, pour bâtir les liens avec Dunkerque, avec la plate-forme de Dourges-Delta 3… Seine-Nord Europe mobilise les énergies ». Pour Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France : « Nous avons besoin d’une sorte de New Deal pour les ports. La compétition est avec Anvers et Rotterdam pas entre Dunkerque et Le Havre. Le canal Seine-Nord Europe n’est pas l’ennemi du Havre. Développer les trafics sur la Seine et jusqu’au Nord de l’Europe est un avantage pour les ports français et les régions concernées. Anvers a le canal Albert, nous allons avoir Seine-Nord Europe ».

La place des collectivités territoriales au sein des ports d’Etat

Xavier Bertrand a parlé « des ports gérés par la région », Calais et Boulogne, rappelant les 170 millions d’euros investis « pour bâtir l’avenir ». Toutefois, selon lui, « il n’y a pas seulement des pilotages budgétaires. Nous avons besoin de consolider une politique de défense des ports et de la façade maritime. Pour Dunkerque, dans le cadre de la politique des territoires que je défends, je serais prêt à un pilotage, à ce que la région en devienne propriétaire mais je ne suis pas certain que l’Etat soit dans cette démarche ». Une manière d’interpeller le secrétaire d’Etat chargé de la mer sur le sujet de la place accordée aux collectivités territoriales au sein des grands ports maritimes d’Etat et qui lui a répondu lors de son discours (voir plus loin dans cet article). Pascal Vergriete a insisté sur la nécessité que « Dunkerque reste un port d’intérêt national répondant aux enjeux nationaux et avec des investissements nationaux ». Les enjeux nationaux étant entre autres la « décarbonation », la souveraineté de la France. Pour Xavier Bertrand, « Dunkerque est d’intérêt européen. C’est un port « vert » et la région y contribue, par exemple en participant à hauteur de 50 % au financement des installations permettant le branchement électrique à quai pour les navires, ce qui a été l’un des éléments pour convaincre Auchan de privilégier le port de Dunkerque pour ses flux ».

Une « coalition portuaire Etat-collectivités »

Concernant les ports, au cours de son long discours de près de 45 minutes, le secrétaire d’Etat chargé de la mer, Hervé Berville, a rappelé « l’ambition du gouvernement pour la transition écologique et énergétique » de ces infrastructures. Ce point a été abordé lors d’une première rencontre fin octobre 2022 entre les services de l’Etat et des élus locaux, de métropole et d’Outre-mer, des directeurs des ports maritimes et de commerce, aussi bien ceux gérés par l’Etat que ceux décentralisés, en présence du secrétaire d’Etat à la mer et du ministre des Transports. Au cours de cette réunion, selon le secrétaire d’Etat, trois points ont été détaillés : - « La création de ce que nous avons appelé « une coalition portuaire État-collectivités », c’est-à-dire un groupe qui réunit les régions, les représentants des communes, des intercommunalités et des départements concernés, pour dépasser une vision strictement étatique de l’enjeu portuaire. Dans ce cadre, j’ai demandé à mon collègue Christophe Béchu que le fonds vert en cours d’élaboration permette d’accompagner les projets des ports de commerce décentralisés ». - « La conduite de travaux pour lever les blocages législatifs et réglementaires sur le foncier. Nous souhaitons par exemple faire évoluer le « zéro artificialisation nette », créer des outils juridiques ou financiers pour favoriser les activités « décarbonées ». Des solutions précises devront être prêtes pour décision lors du prochain Cimer » qui devrait avoir lieu en juin 2023. - « La mise en place de partenariats entre les ports dans chaque façade maritime pour répondre notamment aux défis de l’éolien en mer. Le partenariat entre des ports d’État, comme celui de Nantes-Saint Nazaire, et des ports décentralisés en Bretagne est un très bon exemple pour le développement de l’éolien flottant. Quand on voit la taille des éoliennes, et le foncier qui devra être mobilisé, cette coordination par façade sera incontournable ». Une volonté qui rappelle ce qui a été dit lors des dernières Assises du port du futur (voir article de NPI).  Il a annoncé la tenue d’une deuxième réunion « pour janvier 2023 avec tous les acteurs portuaires pour échanger sur comment mener à bien la « décarbonation » du secteur maritime, la transition énergétique de notre économie et la transition écologique de nos territoires ».

Un Cimer annoncé pour juin 2023

D’ici le prochain Cimer en juin 2023, l’ambition du gouvernement est d’avoir avancé sur « France Mer 2030 », a continué Hervé Berville. « France Mer 2030 » désigne d’abord la volonté d’élaborer « une stratégie maritime concrète » autour des défis de la « décarbonation » du maritime : réaliser le « navire zéro émission », lever les verrous technologiques, développer le rétrofit des navires existants « en reconstruisant une chaine de valeur pour cela en France ». Elle concerne la mise en place d’un « guichet unique », c’est-à-dire d’une équipe au sein du ministère de la mer dédiée à France Mer 2030. Elle prévoit l’instauration de rencontres régulières sur l’innovation maritime (« les jeudis de l’innovation maritime »). Pour le secrétaire d’Etat, « France Mer 2030 c’est enfin, et c’est le nerf de la guerre, la mobilisation de moyens financiers inédits et importants de l’Etat. L’ambition du gouvernement est de mobiliser 300 millions d’euros de financements publics d’ici la fin du quinquennat pour soutenir l’innovation, accélérer la « décarbonation » du secteur maritime ». Un fond  public qui va être abondé par CMA CGM à hauteur de 200 millions d'euros, a annoncé le pdg Rodolphe Saadé, allant ainsi dans le sens du souhait exprimé par le secrétaire d'Etat d'une participation active des acteurs économiques privés. 

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