Une table-ronde des Assises du Port du futur a abordé le potentiel de la filière des énergies marines renouvelables (EMR) pour les terminaux portuaires français. La collaboration entre plusieurs ports est un point majeur pour relever le défi logistique des installations de parcs d’éoliennes en mer qui vont s’accélérer et alors que le premier au large de Saint Nazaire sera pleinement opérationnel en fin d’année.
« Les ports jouent un rôle tout au long de la vie des parcs d’éoliennes en mer, de la phase de fabrication à la maintenance, au démantèlement. La technologie des éoliennes en mer flottantes renforce le rôle du port car tout doit être assemblé à terre avant d’être remorqué en mer alors que pour les éoliennes en mer posées, l’assemblage se fait en mer », a indiqué Nicolas Ferellec, responsable éolien en mer au Cerema, lors d’une table-ronde des Assises du Port du futur le 5 octobre 2022 sur le thème « éoliennes offshore, vents favorables pour les ports françaIs ? ».Ce responsable a souligné le besoin de foncier, de linéaire de quai et de moyens de levage et de mise à l’eau « adaptés » dans les ports.Ceux-ci accueillent également des usines : de General Electric à Saint-Nazaire et Cherbourg, de Siemens Gamesa au Havre.
Trois ports pour le parc éolien au large de Saint Nazaire
« Pour installer le parc d’éoliennes au large de Saint Nazaire, une vingtaine de rotations de navire a été réalisée, a dit Olivier Trétout, président du directoire du port de Nantes Saint-Nazaire. Nous nous sommes préparés depuis plusieurs années et le succès des opérations signe aussi la réussite d’un travail collectif avec le port de la Rochelle ». Aux côtés de Nantes Saint-Nazaire où s’est fait l’assemblage des mâts d’éoliennes sur les quais, La Rochelle a contribué en servant de hub logistique pour les fondations et les pièces de transition de ces éoliennes. Ce parc éolien profite aussi au port de La Turballe, choisi par EDF pour accueillir la base de maintenance, c’est-à-dire concrètement la réalisation d’un nouveau quai dit des « énergies marines renouvelables », inauguré en juillet 2022. D’une superficie totale de 680 m2, il permet l’accostage des trois navires de maintenance. Un bâtiment a aussi été construit et inauguré en 2020. Au total, cette base de maintenance représente 100 emplois.Ces échanges lors des Assises du Port du futur se déroulaient quelques jours après l’inauguration du premier parc de 80 éoliennes posées en mer au large de Saint Nazaire le 22 septembre 2022 par le Président de la République. Celui-ci a fixé un cap : implanter 50 parcs d'une capacité de 40 gigawatts (GW) au total d'ici à 2050. Ces 80 éoliennes représentent 480 MW. Il s’agit aussi de faire en sorte que la France rattrape son retard : le Royaume-Uni affiche 10 GW de capacités installées en mer, l’Allemagne 7,7 GW, les Pays-Bas 2,6 GW.Aujourd’hui, une dizaine de projets français ont été lancés ou annoncés dans la Manche, l'Atlantique et la Méditerranée. Ils devraient permettre d'assurer une capacité de production par des éoliennes en mer de 8 GW d'ici à 2032. Dans les proches années, le parc de Saint-Brieuc (62 éoliennes posées) devrait être inauguré en 2023, celui de Fécamp (71) en 2024, celui de Courseulles-sur-Mer (60) en 2024-2025.Le Président de la République a aussi appelé à une accélération de la conduite de ces projets, Saint Nazaire étant sur les rails depuis 2008 et aboutissant 14 ans plus tard.Accélérer les projets comme semble le souhaiter l’Etat nécessite toutefois de planifier davantage et d’aller vers plus de coopération entre les ports d’une même façade comme cela l’a été pour le parc éolien au large de Saint Nazaire, est le message principal des participants à la table-ronde.
Faire collaborer les ports d’une même façade maritime
Le président du directoire du port de Nantes Saint-Nazaire a insisté sur les besoins pour l’avenir, présentant un projet de « base d’intégration d’éoliennes flottantes avec 700 m de quai renforcé accessible en eau profonde, 20 ha de plate-forme industrielle, pour 6 éoliennes flottantes intégrées par mois ».Selon lui, les besoins portuaires pour un rythme d’installation de 1GW par an représentent : 1200 m de quai lourd, 1800 m de quai conventionnel, 100 ha de terre-plein, 60 ha de plan d’eau. Un tel système portuaire suppose un enchaînement des projets, une performance élevée de construction des flotteurs (jusqu’à 50 par an), ne prend pas en compte les besoins d’implantations d’usines de production des composants ni les besoins de navires pour l’installation.Pour ce responsable : « Ces besoins ne se trouvent pas dans un seul port, il faut aller vers une collaboration entre les différents sites portuaires d’une façade. Il est aussi nécessaire de déterminer à quel niveau on va placer les ambitions d’installations. Pour l’éolien flottant, d’autres pays que la France y travaille aussi, il faut donc être vigilant sur cette concurrence ».Ce responsable a ajouté qu’à Saint Nazaire, « un accord social » avait été négocié avec les représentants des travailleurs portuaires pour anticiper les changements de rythmes de travail nécessaires en vue des opérations en lien avec les éoliennes.La collaboration évoquée s’inscrit dans la réalité, dernièrement, les quatre ports de Nouvelle Aquitaine (Bayonne, Bordeaux, Tonnay-Charente-Rochefort, La Rochelle) ont répondu à un AMI sur l’éolien flottant en étant associés dans un consortium.
Les atouts des ports décentralisés
Christophe Chabert, directeur du port de Brest, a rappelé les travaux engagés dès 2013 pour la réalisation d’un terminal pour les énergies marines renouvelables (EMR) avec un quai de 400 m dédié aux colis lourds et une surface industrielle de 40ha bord à quai (prête depuis 2020).Le quai a été utilisé pour la première fois le 12 septembre 2022 avec l’arrivée du Rotra Mare chargé de sections de mâts d’éoliennes, destinés au parc offshore de Saint-Brieuc et réceptionnés par la société Haizea Breizh qui vient de s’installer sur le terminal EMR du port.Aux défis des industriels (construction des flotteurs et des turbines, intégration des turbines sur les flotteurs, le stockage de ces éléments tout comme des câbles et autres produits, l’installation…), s’ajoute les défis portuaires pour accueillir les activités dans les meilleures conditions : renforcement de quais, capacité de stockage à terre et en mer, transbordement terre/mer, tout en prenant en compte les spécificités maritimes (marnage…) et la disponibilité de la main d’œuvre.« Il s’agit de proposer un modèle économique et industriel compétitif aux développeurs, pas seulement du foncier et des quais », a relevé Christophe Chabert pour lequel il est important « de faire collaborer les ports de l’arc Atlantique, Brest, Lorient et Saint Nazaire, sur les EMR afin de répondre aux enjeux de souveraineté énergétique et dans une perspective où on change d’échelle avec un nombre importants d’installations de parcs prévus au niveau français et européens pour répondre aux ambitions de l’échéance de 2050 » de neutralité carbone pour lutter contre le réchauffement climatiquePour ce directeur de port, « les EMR sont des opportunités particulièrement pour les ports décentralisés, en s’appuyant sur la force des régions, et en travaillant avec les grands ports maritimes ».
Le point de vue d’EDF Renouvelable
« Nous avons quatre projets en cours sur lesquels nous travaillons depuis 15 ans : Saint Nazaire Le Havre, Fécamp, Provence Grand Large. C’est une évidence logistique et géographique d’être au plus près des sites marins d’implantation des éoliennes et donc dans les ports, a indiqué Grégoire de Roux, directeur technique offshore d’EDF Renouvelable. Les parcs éoliens constituent aussi des projets de territoire, permettent au tissu économique local de se mobiliser, c’est une priorité pour EDF. Mais les investissements sont lourds et doivent être planifiés et prévus suffisamment à l’avance. La maintenance est un autre aspect important avec les emplois créés sur place sur le long terme. Sur l’éolien en mer posé, il est vrai que la France est en retard par rapport à d’autres pays européens mais sur l’éolien en mer flottant, nous sommes bien placés ». Concernant la volonté d’accélérer les projets, il rejoint les acteurs portuaires : c’est positif mais planifier est indispensable.