Lors du dernier colloque « Vert le fluvial » de VNF le 6 octobre 2022, Ikea a annoncé être bientôt prêt pour démarrer du transport fluvial sur la Seine, VNF va lancer un « guichet uniquepour aider les acteurs économiques dans le maquis des aides et subventions existantes ». Un événement qui a aussi connu une visite-éclair du ministre des Transports Clément Beaune.
« Le transport représente environ 20 % du total des émissions en France et 14 % au niveau mondial. Sur les 20 %, le transport routier représente entre 92 % et 93 %. L’enjeux pour le transport fluvial n’est pas seulement de réduire son empreinte carbone mais aussi d’augmenter sa part de marché. Plus le fluvial augmente sa part de marché, plus on « décarbone » les transports dans leur ensemble. Une tonne transportée sur une barge n’est pas une tonne transportée dans un poids lourd. Pour « décarboner » le transport routier, on va avoir besoin du transport fluvial. Il est ainsi indispensable de regarder au-delà d’un seul secteur au profit d’une vision systémique », a dit François Gemenne, chercheur et membre du GIEC, lors d’une table ronde du colloque « Vert le fluvial », organisé le 6 octobre 2022 à Paris par Voies navigables de France (VNF).
Aides et subventions
« La part modale du transport fluvial en France atteint 2,1 %, a indiqué Baptiste Perrissin Fabert, directeur de l’expertise et des programmes à l’Ademe, notre objectif et de la multiplier par deux. Pour comparaison, en Europe, la part modale du fluvial tourne autour de 6 % ». Ce responsable a rappelé les solutions nouvelles de financement dans le cadre des certificats d’économie d’énergie (CEE) comme Remove (doté de 38 millions d’euros). Il a aussi alerté sur l’existence d’autres dispositifs nouveaux, par exemple pour des projets de « décarbonation » avec l’hydrogène, et pour lesquels aucun candidat du secteur fluvial ne s’est encore manifesté… Peut-être faute d’être informé.A ce propos, le directeur général de VNF, Thierry Guimbaud, a annoncé que le « guichet unique », annoncé lors d’un précédent colloque, serait opérationnel en 2023 « pour aider les acteurs économiques dans le maquis des aides et subventions existantes ».Ce responsable a aussi mis en avant le PAMI dont le nombre de dossiers reçus pour des projets d’amélioration de la performance environnementale des bateaux atteint 63 en 2022 ; il n’y en avait aucun avant 2019. Une nouvelle période se profile d’ailleurs pour ce plan d’aide à la modernisation et à l’innovation de VNF à partir de 2023 et jusqu’en 2027 avec quelques modifications (sur lesquelles NPI reviendra dans un autre article).Parmi les invités d’une autre table-ronde de la matinée, Frédéric Moncany de Saint Aignan, président du Cluster maritime français : « Je suis ravi que le maritime et le fluvial se parlent. Pour « décarboner », le maritime, nous travaillons en filière et de manière collective au sein d’une coalition structurée autour de thèmes comme l’efficacité/l’efficience, les innovations, la sobriété. Le multimodal relève de la sobriété et là se situe le fluvial qui est toujours le parent pauvre des modes de transport en France. Pour « décarboner » les activités, il faut être organisé en filière et travailler sur l’ensemble de la chaîne de valeur, y compris la réglementation et les financements. L’hybridation des énergies est l’une des clés en fonction des segments : taille des navires ou bateaux, voyages, usages… La multimodalité est une autre clé pour que la chaine logistique soit la plus vertueuse possible, les différents acteurs, dont les armateurs et les ports, doivent y travailler ensemble. Des outils sont aussi nécessaires pour faciliter le lien entre les transports maritime et fluvial ».
Du côté des chargeurs
Directrice de la stratégie et du développement d’Ikea, Emma Recco a confirmé que ce groupe suédois créateur et distributeur de meubles, allait se lancer dans la livraison fluviale d’ici la fin de l’année sur l’axe Seine au départ de Gennevilliers et à destination de Paris. Une volonté qui s’inscrit dans les objectifs du groupe de réduire son empreinte carbone.Selon cette responsable : « C’est tout un processus opérationnel à mettre en place. Ce n’est pas simple car ce n’est pas notre cœur de métier mais rien ne coince, avec nos partenaires, on trouve les solutions. Nous avançons étape par étape, il faut réfléchir à 360 degrés. Nous avons notamment identifié la nécessité de maîtriser le foncier, c’est fait à Gennevilliers et à Limay, mais aussi le besoin d’un quai dans Paris disposant de l’espace nécessaire pour accueillir des véhicules électriques, qui vont effectuer les livraisons du dernier kilomètre, et des bornes de chargement/rechargement. Nous observons aussi la possibilité d’un fluvial encore plus « vert ». On va bientôt démarrer ».Point P, filiale du groupe Saint Gobain, est une autre entreprise qui a apporté son témoignage d’utilisateur « historique » de la voie d’eau sur la Seine (voir article de NPI). En plus d’approvisionner par bateau, par exemple le magasin Point P situé en bord de Seine au port de Javel, il s’agit désormais de livrer directement des chantiers du BTP en région parisienne, plus particulièrement, ceux des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 à l’île Saint Denis. L’entreprise mène le projet d’un bateau fonctionnant au biocarburant (hybridation) et doté d’un bras de grue suffisamment long pour charger/décharger les marchandises plus facilement sur n’importe quel quai.
Du côté du ministre
Autre prise de parole, dans l’après-midi, avec une visite-éclair du ministre des Transports Clément Beaune qui s’est déclaré « heureux de revenir » à la rencontre du fluvial à l’occasion du colloque de VNF, rappelant sa venue en juillet lors de l’assemblée générale d’Entreprises fluviales de France (E2F).Il est d’abord revenu sur la sécheresse et les étiages sur les voies navigables au cours de l’été 2022, estimant que la filière et tout l’écosystème « a su faire face solidement et solidairement pour préserver la circulation fluviale et l’activité économique même si des restrictions ont dû être mises en place. On se prépare à d’autres étés difficiles dans le contexte du défi climatique, ce qui justifie encore davantage les engagements de l’Etat et de VNF pour la modernisation, pour le renforcement des infrastructures, pour la « décarbonation ». Pour le ministre : « Alors même que vous êtes le mode de transport le plus « décarboné », le plus « vert », vous avez pris des engagements pour la croissance verte, il y a un an et demi, pour encore améliorer et réduire l’empreinte carbone de vos activités déjà plus limitée que celle d’autres segments du transport. Ce sont des engagements sérieux et qui avancent alors qu’ils n’étaient pas évidents pour votre secteur. Nous les suivons et les suivrons dans leur réalisation et ce qui relève aussi de l’engagement de l’Etat via VNF ou l’Ademe. Vos engagements, ce sont la réduction de 20 % des émissions d’ici 2030, ce sont des développements d’innovations pour des motorisations plus propres pour de moindre impacts environnementaux, l’électrification à quai… C’est votre contribution à l’effort général de la feuille de route de transition écologique et de « décarbonation » ».Clément Beaune a poursuivi : « Nous continuerons l’accompagnement à travers les dispositifs CEE, le soutien de l’Ademe, le PAMI dont je sais désormais à quel point il est utile. Mais aussi le soutien à l’accompagnement de VNF pour le déploiement de sa modernisation et le renforcement des infrastructures. Nous avons encore des échéances importantes dans les contrats de plan Etat-région, dans des rapports qui sont attendus comme celui du préfet Mailhos chargé par le Président de la République de réfléchir sur l’axe rhodanien. Nous avons des infrastructures qui se renforcent et se développent : les travaux du canal Seine-Nord Europe débutent cet automne ». Il a ajouté : « Nous avons aussi à réfléchir sur l’intermodalité et à des chainons manquants. J’ai pu faire plusieurs visites de port et voir le problème de l’évacuation des marchandises et de la desserte de l’hinterland. Nous pouvons faire mieux par le ferroviaire et le fluvial. Vous êtes une partie importante de la solution de la stratégie globale de « décarbonation » pour laquelle vous êtes bien situés même si vous êtes un « petit » secteur en taille et en nombre d’acteurs ce qui rend parfois plus coûteux le financement des innovations, c’est pour cela que l’Etat doit être à vos côtés ». Le ministre a conclu son propos sur les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024 et la cérémonie d’ouverture sur la Seine : « Nous y comptons beaucoup. Il y a tous les enjeux de sécurité, c’est le rôle du préfet. Il s’agit de donner à voir au monde un spectacle exceptionnel sur notre Seine, ce sera une vitrine formidable d’innovations, de modernisation des bateaux. Nous y arriverons même si nous avons quelques sueurs froides. Ce sera une fierté pour le fluvial, un coup d’accélérateur pour votre secteur. Je n’oublie que vous êtes déjà engagés dans les Jeux, au-delà de cette cérémonie spectaculaire, dans la logistique des chantiers et le rôle que vous pouvez avoir dans le fonctionnement et l’approvisionnement pendant l’événement. Vous êtes une partie de l’équation des Jeux, pas anecdotique mais emblématique, et qui nécessite une mobilisation inédite de votre écosystème. Les Jeux résument tout ce qu’on est capable de faire en France et pour votre secteur en particulier ».