Entretiens avec le président de la commission nationale des usagers (CNU) et d’autres participants comme APLF, ANPEI, E2F, pour mieux comprendre le rôle de cette instance de concertation, instaurée par VNF, où les présentations et les échanges portent d’abord sur les conditions d’exploitation (chômage et travaux) mais pas seulement.
La commission nationale des usagers (CNU) rassemble, selon son règlement intérieur, au minimum deux fois par an des représentants des intérêts des activités fluviales côté « transport de marchandises » et côté « tourisme/loisirs » ainsi que des directeurs et collaborateurs de l’établissement Voies navigables de France (des directions territoriales, des grandes divisions du siège comme celle de l’infrastructure, du développement…) en fonction des points prévus à l’ordre du jour de chaque réunion.Pour le fret, les représentants viennent d’Entreprises fluviales de France (E2F), d’Agir pour le fluvial (APLF), de Transports et logistique de France (TLF), de l’association des utilisateurs de fret (AUTF) ou encore de l’association française des ports intérieurs (AFPI) et de l’Union nationale des industries des carrières et matériaux de construction (Unicem). On constate qu’il y a les représentants des transporteurs fluviaux mais aussi des clients et utilisateurs importants de la voie d’eau.Pour le tourisme/loisirs, on retrouve E2F auquel s’ajoutent l’association nationale des plaisanciers en eaux intérieures (ANPEI), la Fédération des industries nautiques (FIN), la Fédération des ports de plaisance (FFPP), le comité national olympique et sportif français (CNOSF), la Fédération nationale de la pêche (FNP).
Une vision nationale
« Il y a eu une refonte des représentants à la CNU, rappelle Jean-Marc Samuel, président d’APLF, avec la dissolution de la chambre nationale de la batellerie artisanale (CNBA, à la fin 2019, NDLR) et la transformation du Comité des armateurs fluviaux en Entreprises fluviales de France. APLF a obtenu un représentant côté fret, ce qui ne correspond pas tout à fait à l’ensemble de nos activités et de nos adhérents qui sont issus de toutes les composantes du monde fluvial. Participer à la CNU est intéressant pour APLF car cela nous permet de côtoyer d’autres acteurs du fluvial ainsi que, bien sûr, des représentants de VNF au plan national et pas seulement au niveau des commissions locales. Cela nous permet de voir ce qui se passe un peu partout sur l’ensemble du réseau, de prendre connaissance des grandes orientations, d’ouvrir le débat sur des points importants ».« Nous participons systématiquement à chaque CNU, soit moi, soit la secrétaire nationale, indique Anne Ackermans, président de l’ANPEI. Nous avons la possibilité de nous exprimer et de donner un avis au niveau national, ce que nous ne manquons pas de faire. Nous avons une participation active etnous nous n’hésitons pas à exprimer les retours des plaisanciers. Ce n'est pas toujours évident car entre le « fluvestre », qui prend de plus en plus de place au sein de VNF, et la navigation commerciale, il reste peu de temps pour la plaisance privée ou de location. Nous n’avons pas vraiment toujours l’impression d’être écouté sur nos demandes pour améliorer les difficultés que rencontrent les plaisanciers en naviguant sur le petit gabarit ».Pour Frédéric Aviérinos, représentant d’E2F pour le tourisme/loisirs : « La CNU donne une vision nationale des actions de VNF. En 2022, parmi les sujets abordés, il y a eu la déclinaison du COP concernant les niveaux de service. C’est une instance d’information et de partage mais qui reste technique, c’est-à-dire avec des échanges portant surtout sur les travaux et les chômages, même si des présentations de projets plus vastes sont faites. Elle est utile car elle permet aux participants d’être à jour sur les différents sujets nationaux de VNF. Pour les entreprises du tourisme fluvial, l’un des sujets du moment est celui des nouvelles modalités de calcul des droits de navigation mais il ne se traite pas en CNU ».
Un président, neutre et animateur
Le directeur général de VNF fait bien évidemment partie des représentants de l’établissement à la CNU et il lui revient d’en désigner le président qui est « une personnalité qualifiée », selon les termes du règlement intérieur.Actuellement, le président de la CNU est Arnaud Colson : « Mon rôle est d’être neutre, de rechercher le compromis entre tous les acteurs et toutes les filières industrielles (ciments, granulats, pétrole, bois, conteneurs…) et le tourisme qui joue un rôle important dans l’essor économique des territoires. Il est aussi d’animer, de faire parler et participer tous les représentants présents. C’est un lieu où ils peuvent partager leurs préoccupations, échanger sur des problématiques ou des projets inscrits à l’ordre du jour. La CNU rassemble des acteurs qui ne sont pas souvent en contact les uns avec les autres, de ce point de vue-là, elle est déjà utile. On voit tout le travail mené par VNF qui peut y diffuser les informations, partager les ambitions, les difficultés et les solutions. La concertation est un facteur de succès. On assiste à une montée en puissance des activités touristiques, de l’intérêt des territoires même si toutes les collectivités n’ont pas un réflexe révolutionnaire vers la voie d’eau. Il y a un axe d’amélioration des conditions du report modal, mettre en avant les bonnes pratiques pour que le fluvial participe au défi climatique ». Le président de la CNU ajoute qu’il peut également « faire remonter » des informations auprès de VNF mais insiste sur son « absence de pouvoir » et l’impératif de neutralité de sa fonction en toute circonstance.Parmi les points à l’ordre du jour des dernières réunions, selon les compte-rendu disponibles sur le site Internet de VNF : espèces exotiques envahissantes, télécommande universelle, ReMoVe (certificats d’économie d’énergie), Cedre (plate-forme de collecte et d’échange de données dans le réseau fluvial européen), contrats de territoire dans le Grand Est, étude interbassin, point saison touristique, la marque « canal du midi », analyse comparative des trafics fluviaux et trafics portuaires et plan d’actions conteneurs, péages plaisance…
Une instance de concertation
« La commission nationale des usagers, avec les commissions locales des usagers, fait partie du dispositif de concertation mis en place par VNF. Elles ont toutes l’objectif commun d’informer et de permettre les échanges pour comprendre et prendre en compte les besoins des usagers. Ce mot, nous l’employons pour désigner les représentants de toutes les activités fluviales, transport de marchandises et tourisme, les navigants mais aussi les clients, les utilisateurs, les chargeurs du fluvial. A la CNU, on parle d’abord des conditions d’exploitation et de la planification des chômages et des travaux », précise Eloi Flipo, responsable de la division transport et report modal à Voies navigables de France (VNF), et qui fait partie des représentants de l’établissement qui participent à certaines réunions.Les termes « conditions d’exploitation » permettent aussi d’aborder des informations sur des thématiques imprévues ou nouvelles qui font l’objet de plan d’actions et sur lesquels VNF souhaite informer les usagers et échanger avec eux. Il s’agit, par exemple, de la prolifération des espèces exotiques envahissantes ou des niveaux de service prévus par le COP de VNF.« On expose également certains projets comme ReMoVe ou Cedre, ou des événements intéressants les différents usagers comme le calendrier des événements et salons nationaux (Sitl, Riverdating, Sloww…), internationaux (comme Antwerp XL mi-octobre cette année)ou régionaux », poursuit Eloi Flipo.
Aperçu de quelques avis des participants
Sur les sujets abordés au cours des réunions de la CNU, Jean-Marc Samuel souligne « qu’il y a toujours un travail important sur les chômages », ajoutant avoir trouvé la présentation de ReMoVe « intéressante. Cela peut être un accompagnement à la montée en puissance de nouveaux flux jusqu’à ce qu’ils deviennent pérennes et rentables ».Le point lors de la CNU de juin 2022 sur les contrats de territoire (ou contrat de canal) avec les collectivités locales en partant de celui signé en février entre VNF et la région Grand Est fait davantage réagir le président d’APLF : « C’était en fait une présentation d’une stratégie nationale de l’établissement par rapport aux régions et autres collectivités territoriales ou locales pour le développement du fluvial. Et là, on a découvert que tout reposait sur le tourisme et les loisirs. Alors que pour nous, il faut un équilibre de développement entre toutes les activités, fret et tourisme. VNF échange avec les collectivités mais cela ne doit pas se faire au détriment des échanges avec les usagers eux-mêmes, soit en même temps, soit en amont, afin de prendre en compte les besoins des principaux intéressés. VNF doit sortir du tête à tête avec les collectivités et associer les autres parties prenantes que sont les usagers. Il faudrait parvenir à travailler davantage ensemble pour parvenir à un schéma de développement commun. Il faut construire l’avenir des canaux sur l’eau et pour la navigation et après on développe d’autres activités ».Anne Ackermans, présidente de l’ANPEI, se dit « dépitée » de la réunion de la CNU de juin 2022 : « On entend beaucoup VNF sur le rôle des collectivités pour l’avenir du petit gabarit. Pour nous, la priorité est sa remise en état. J'ai une bonne connaissance de ce qui se passe sur le réseau en France où je navigue depuis plus de 40 ans mais aussi en Belgique, Hollande, Allemagne, Angleterre…. J'ai eu l'occasion de voir le service public français de la navigation se dégrader tant au niveau de l'offre de service que de l'infrastructure. Cela fait plusieurs années que nous alertons sur les espèces exotiques envahissantes : le dragage et le passage des bateaux font partie des solutions. Cette année, la sécheresse et la canicule sont exceptionnelles, la navigation en est compliquée en plus du manque d’entretien. Je milite pour la navigation de commerce pour garder un chenal navigable pour tous et s’inscrire aussi dans les enjeux de réduction du nombre de poids lourds sur les routes. Nous avons eu une présentation du salon Sloww, seule une conférence aborde le thème de la navigation, les autres parlent d’autres activités. Le mot « navigable » dans le nom de VNF est important mais c’est comme si l’établissement préférait l’oublier au profit d’activités essentiellement terrestres ».
Des évolutions suggérées tout restant sur les fondamentaux
« Les contrats de territoire ont, en effet, été lancés essentiellement sur une thématique touristique, relève Eloi Flipo. Chez VNF, nous avons bien entendu que certains acteurs exprimaient le constat que les territoires gérés par des collectivités peuvent aussi être intéressés par le développement et les avantages du fret fluvial. Et là où c’est possible, VNF en tient compte et cherche à introduire davantage de fret dans les discussions sur ces contrats ». Il cite en exemple l’Yonne et le travail de la direction territoriale avec la région Bourgogne-France Comté.« C’est une démarche qui n’est pas simple car les retombées économiques du fret fluvial sur les territoires sont moins visibles que ceux du tourisme. Nous n’avons peut-être pas assez travaillé, ces derniers temps, sur les bénéfices du fret fluvial pour les territoires, les retombées du fret étant aussi environnementales et écologiques qui ne sont pas évidentes à monétiser, poursuit le responsable. L’étude interbassin (qui a d’ailleurs été présentée lors de la réunion de la CNU de juin, NDLR) montre ici tout son intérêt pour VNF. Elle constitue une base de travail utile pour voir comment relancer des trafics ». L’établissement prévoit de regarder les projets de transport présentés par l’étude et d’analyser leur faisabilité économique, en termes de prix en comparant fluvial et routier.Les échanges avec les différents interlocuteurs montrent que la CNU est une instance « utile »,« intéressante » pour les représentants qui peuvent y participer plus ou moins régulièrement et qui a évolué au fil du temps en termes de sujets présentés et abordés tout en continuant à travailler sur les travaux et chômages.Parmi les évolutions suggérées, l’idée de « faire vivre la CNU au-delà des réunions » mais aussi parvenir déjà à une venue régulière de tous (ou presque) les représentants « avec une motivation franche et dynamique », de « mieux montrer concrètement comment les avis des représentants alimentent ou amendent les actions et projets présentés par l’établissement »… Sans oublier l’importance de continuer à favoriser un développement équilibré et conjoint des deux piliers des activités fluviales, industrielles/marchandises et touristiques/loisirs.