Relancer la compétitivité du fluvial sur la Seine : une longue liste d’amélioration qui comprend la « chatière » entre autres chantiers

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Haropa-port du Havre et Voies navigables de France (VNF) ont détaillé un plan d’amélioration de la compétitivité du transport fluvial de conteneurs maritimes sur la bassin de la Seine, lors d’une réunion publique le 10 décembre 2018. L’occasion de faire le point sur l’avancement du projet d’accès fluvial direct à Port 2000 (« chatière »), premier chantier d’une longue liste d’autres axes de travail. Certains points s’appliquent déjà concrètement.

« Le fret fluvial est un sujet majeur sur tous les bassins. Sur celui de la Seine, la part du trafic est élevée mais les capacités sont loin d’être utilisées, a rappelé Thierry Guimbaud, directeur général de Voies navigables de France (VNF), en introduction de la réunion publique de concertation sur le plan de développement du transport fluvial de conteneurs sur la Seine, le 10 décembre 2018 au Port Center du Havre. Plus de 400M€ ont été investis sur l’axe au cours des 15 à 20 dernières années. La « chatière » est l’un des sujets importants mais ce n’est pas le seul. Le vrai sujet à travailler, c’est comment fonctionne la logistique fluviale sur un axe comme la Seine et trouver les leviers d’amélioration. A moyen et long terme, l’amélioration du transport fluvial passe aussi par des sujets comme la création d’une interprofession ».

Pour Hervé Martel, directeur général d'Haropa port du Havre, la « chatière » n'est aussi qu'un des éléments constitutifs d'une ambition globale visant à améliorer la compétitivité du transport fluvial sur la Seine et dont la réunion du jour avait justement pour objet de partager la liste des autres axes de travail avec le public. Sachant qu’au Havre, l’évacuation des marchandises s’effectue à moins de 9 % par le fleuve par rapport à 87% par la route. A Anvers et Rotterdam, les parts du mode fluvial atteignent respectivement 35 et 36%. 

Il n’empêche, le début de la réunion publique a été consacré à… la présentation de l’avancement du projet d’accès fluvial direct à Port 2000. Actuellement, la desserte fluviale de Port 2000 s’effectue par les routes nord ou sud ou par le terminal multimodal. Le projet dit de la « chatière » consiste à mettre en place un chenal de navigation entre le port historique et Port 2000 avec la réalisation d’une digue de 2000 m, de deux brèches et revient à draguer 1,5 million de m3 de sédiments. Cette solution a été actée comme prioritaire par le conseil de surveillance d’Haropa-port du Havre fin juin 2018 dans son programme d’investissements de 500M€.

Des étapes à franchir mais pas de date précise

« Les résultats d’études techniques, socio-économiques et environnementales ont été présentés lors de la concertation publique, a rappelé Baptiste Maurand, directeur général adjoint d’Haropa-port du Havre. Mais d’autres études techniques et environnementales sont à conduire et à finaliser dans les prochains mois avant de pouvoir aller à l’étape de l’enquête publique ». Il s’agit d’études techniques portant sur l’analyse des matériaux à draguer et environnementales sur les impacts du projet sur la faune et la flore ainsi que sur l’équilibre sédimentaire. Le rendu de ces études va s’étaler du premier au troisième trimestre 2019. Viendra ensuite le temps de l’étude d’impact du quatrième trimestre 2019 au deuxième trimestre 2020 puis l’enquête publique au troisième trimestre 2020 et, enfin, la procédure d’autorisation en 2021. Ce calendrier ne donne aucune indication sur une date précise de début des travaux pour la « chatière » ni pour sa mise en service. Cette absence de précision sur une date à laquelle il est possible d’espérer l’accès fluvial direct à Port 2000 a d’ailleurs fait l’objet de remarques en provenance de l’assistance (voir encadré).

Le coût de l’accès fluvial direct à Port 2000 est de 125M€, a poursuivi Baptiste Maurand. Le financement du projet est inscrit au CPIER de la vallée de la Seine 2015-2020, la région Normandie a confirmé son engagement. Les opérateurs fluviaux sont prêts à payer un péage. Concernant le financement, Haropa-port du Havre a annoncé avoir déposé une demande auprès de l’Union européenne (UE) le 24 octobre 2018 pour un montant de 25M€, soit 20% du total (voir encadré). La réponse de l’UE devrait être connue en mars ou avril 2019.

Une moindre compétitivité du fluvial par rapport à la route

La réunion s’est poursuivie par une présentation de « l’état de l’offre de transport fluvial sur le bassin de la Seine et identification des pistes d’amélioration ». Pour Haropa-port du Havre, l’offre existante de transport fluvial de conteneurs maritimes est diversifiée avec des lignes régulières à destination des hubs principaux que sont Le Havre, Rouen, Gennevilliers. L’offre concerne aussi des terminaux secondaires comme Limay, Longueil-Sainte-Marie, Bonneuil-sur-Marne, Nogent-sur-Seine ou Gron.

« Depuis 2012-2013, le transport fluvial de conteneurs maritimes sur la Seine a perdu en compétitivité par rapport au transport routier de marchandises, a indiqué Antoine Berbain, directeur général délégué de Haropa. Nous pouvons avancer comme explication les coûts pour le transport fluvial qui concernent 3 postes : la manutention, le transport lui-même, les pré- et post-acheminements routiers à l’import et à l’export. Mais il peut y avoir d’autres explications, le débat est ouvert ». Pour Haropa-port du Havre, regagner de la compétitivité suppose donc d’améliorer la productivité et/ou de faire baisser les coûts de la logistique fluviale : manutention, transport fluvial, pré- et post-acheminements routiers.

Le mode fluvial présente aussi « des atouts complémentaires de la compétitivité-coûts », selon Haropa-port du Havre, comme une offre de stockage gratuit pour les conteneurs à l’import sur les terminaux fluviaux au Havre, à Rouen, à Gennevilliers, un avantage douanier à rebâtir avec la procédure de transfert entre installation de stockage temporaire (IST) qui peut permettre aux importateurs de décaler le paiement des droits et taxes dans le temps.

Le fluvial doit aussi capitaliser sur « un bilan socio-économique favorable pour la société comparativement à la route » avec une infrastructure libre de congestion, un faible taux d’accident, une faible consommation d’énergie à la tonne transportée. Les atouts économiques et qualitatifs du transport fluvial doivent être valorisés notamment auprès des chargeurs qui en tirent les bénéfices.

5 groupes de travail autour de 5 thèmes

La dernière partie de la réunion a été consacrée à la présentation des réalisations et chantiers en cours pour améliorer la compétitivité du transport fluvial sur la Seine. Ce qui revenait à présenter les 5 grands thèmes autour desquels sont mis en place 5 groupes de travail qui sont la dimension concrète de la poursuite de la démarche d’amélioration de la compétitivité initiée par Haropa-port du Havre, conformément à son engagement suite à la concertation sur l’accès fluvial direct à Port 2000 achevée en janvier 2018.

Les thèmes des 5 groupes de travail sont :

- Groupe de travail n°1 : « L’amélioration de l’utilisation du réseau navigable au service de la performance »

Comme mesure déjà en vigueur, il y a l’arrêté « zone 1 » du 2 octobre 2018 qui consolide et simplifie les conditions d’accès par la mer des bateaux fluviaux à Port 2000. Il abroge et remplace le texte du 16 décembre 2010. Il y a aussi, depuis le 4 juin 2018, la nouvelle organisation de régulation de trafic dans le port du Havre à l’amont des écluses Quinette et François 1er jusqu’à Tancarville. Celle-ci utilise la VHF88 et SWing. Comme mesure en cours de réalisation, il y a le portail Sif Seine dont une version bêta sera disponible en mars 2019.

Parmi les éléments suivis par ce groupe de travail, il y a la modernisation des infrastructures à l’intérieur du port du Havre avec les travaux en cours sur les écluses François 1er et Tancarville. Il y a aussi les investissements de régénérations prévus en Seine aval et en Seine amont par VNF.

- Groupe de travail n°2 : « L’amélioration de la motorisation des bateaux au service de la performance économique et environnementale »

Il s’agit ici du pacte de « verdissement de la flotte », exigence de l’Etat en contrepartie de l’exonération de la TICPE dont bénéficie la filière fluviale. Il devrait être finalisé d’ici la fin 2018.

Il s’agit d’avancer sur les solutions pour répondre aux exigences plus strictes de limitation des émissions de particules et de polluants des moteurs des bateaux fluviaux, prévues par le règlement EMNR. Les solutions peuvent passer par l’utilisation d’énergies « plus propres » comme le GNL, l’hydrogène… « Une conférence des parties » devrait être organisée en mai 2019 pour rassembler tous les acteurs concernés.

Parmi les sujets de ce groupe de travail, il y a un projet en train de se concrétiser avec la mise en place d’un réseau de bornes de distribution d’électricité (et d’eau) pour l’alimentation des bateaux en escale sur la Seine. 9 bornes sont en service depuis début décembre, 4 autres vont suivre en 2019.

- Groupe de travail n°3 : « L’amélioration de l’efficacité et du coût de passage par le terminal multimodal du Havre »

Pour Haropa-port du Havre, le terminal multimodal a continué à monter en puissance en 2018 malgré une année compliquée avec les inondations en janvier-février et les grèves à la SNCF en avril-juin. Le coût complet d’utilisation de ce terminal oscille entre 75 et 80€ par conteneur.

Parmi les chantiers inscrits à l’ordre du jour de ce groupe de travail : la mise en place d’une offre de stockage de conteneurs vides, le développement de la deuxième version de l’outil de gestion de commandes et d’un système plus intégré « TMM+navettes ».

- Groupe de travail n°4 : « L’augmentation de la productivité des moyens entre opérateurs fluviaux »

Parmi les réflexions à conduire par ce groupe : améliorer la coopération entre opérateurs fluviaux pour utiliser au mieux la cale disponible, réaliser une étude pour un meilleur accueil des poids lourds au terminal de Gennevilliers pour limiter les temps d’attente en pré- et post-acheminement.

- Groupe de travail n°5 : « La baisse des coûts de manutention »

Il s’agit bien ici d’échanger sur la « mutualisation des THC » ou « péréquation des coûts de manutention ». La première étape décidée par Haropa-port du Havre est la réalisation d’un diagnostic/état des lieux confié au cabinet Mensia. Le rendu de ce travail est prévu pour la fin du premier trimestre 2019.

D’ici là, il a été rappelé la décision du gouvernement concernant l’aide au transport combiné pérennisé de 2018 à 2022 avec un niveau de financement de 27M€ par an sur ces 5 années-là.

Désormais, Haropa-port du Havre et VNF vont animer « avec les acteurs volontaires » les 5 groupes de travail qui vont se réunir régulièrement en 2019 pour poursuivre la mise en œuvre et avancer concrètement sur les chantiers identifiés. Un premier bilan pourrait être présenté à la fin du premier semestre 2019. Une réunion publique annuelle est prévue pour tirer le bilan de l’avancement des projets et des pistes d’amélioration de la compétitivité du transport fluvial de conteneurs sur la Seine. D’ici là, une communication plus ample et conjointe est prévue et se poursuivra tout au long de la démarche pour mieux faire connaître les atouts du transport fluvial de conteneurs sur l’axe Seine.


La réunion publique de concertation sur le plan de développement du transport fluvial de conteneurs sur la Seine, le 10 décembre 2018 au Port Center du Havre, a laissé la place à des moments d’échange avec la salle. Tel étant bien l’objectif de ce genre de réunion, d’autant plus avec la présence de Marianne Azario, garante de la concertation sur l’amélioration de l’accès fluvial à Port 2000, désignée par la commission nationale du débat public (CNDP), qui était également présente. Elle a d’ailleurs précisé que son rôle se poursuivait avec l’objectif « d’assurer que le public est associé et reçoit la bonne information. Nous sommes dans le continuum de la concertation ».

Didier Léandri, président délégué général du Comité des armateurs fluviaux (CAF) a indiqué : « Pour les opérateurs fluviaux, le cœur du débat, c’est la réalisation d’un accès fluvial direct à Port 2000 par la chatière. J’entends que la compétitivité du transport fluvial ne se limite pas à la réalisation de celle-ci. Le coût du passage portuaire reste un autre sujet au Havre. Mais quand même, il y a une différence entre la chatière dans 5 ans ou pas. Quelle est la trajectoire, la date à laquelle, nous pouvons espérer la chatière ? »

Baptiste Maurand, directeur général adjoint d’Haropa-port du Havre, a répondu : « Il ne nous semble pas intéressant ni responsable de parler en termes d’horizon de réalisation. Nous préférons avancer étape par étape : étude, enquête publique, financement. Un projet d’infrastructure de la taille de la chatière peut soulever contre lui bien des recours ».

Pour Didier Léandri : « Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une telle réponse. Nous avons besoin de visibilité, être informé régulièrement n’est pas suffisant. D’autant plus qu’il nous est demandé de nous engager financièrement ».

Il est ensuite revenu sur les raisons de la perte de compétitivité du transport fluvial de conteneurs sur la Seine à partir de 2012-2013. « L’inauguration de Port 2000 a eu lieu en 2006. Au cours des années qui ont suivi, des activités sont passées du port historique à Port 2000 où l’obstacle à l’activité fluviale est une réalité. C’est beaucoup plus compliqué de faire du fluvial à Port 2000. Il faut rappeler aussi que le dispositif d’aide publique au report modal, « l’aide au coup de pince », a subi une profonde évolution en 2012 avec une réduction d’un tiers de son montant en 2013. Ce qui a eu des conséquences sur la compétitivité du transport fluvial ».

A la question de savoir pourquoi le montant du financement demandé à l’Union européenne atteint seulement 20% du total du coût de la chatière, Haropa-port du Havre a répondu que tel était le plafond maximum possible dans le cadre de l’appels à projets européen auquel la demande de financement a été soumise, et non pas 40% comme dans d’autres appels à financement de projets.

Enfin, Didier Léandri a relevé l’absence de certaines organisations qui n’ont pas voulu participer à la réunion comme l’Umep ou le Gemo. « Ce n’est pas un désintérêt mais il y a de la lassitude sur des sujets que nous pensons maîtriser, auxquels nous avons contribué à des dizaines de reprises. Nous avons l’impression d’une histoire sans fin ». Ce serait sans doute le moment de confier le pilotage des groupes de travail à des opérateurs issus de la chaîne logistique et non pas à des responsables d’Haropa ou de VNF. L’objectif étant de parvenir à ré-impliquer les acteurs et opérateurs économiques et privés.

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