Les normes internationales fixées en 1992 par la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU) fixent à 9,10 mètres la hauteur libre minimale requise sous les ponts pour le transport fluvial de conteneurs sur quatre couches (7 m pour trois couches). La barre a été placée à cette hauteur à une époque où les boîtes high cube -qui font un pied ou 30,48 cm de plus qu’un conteneur normal- étaient loin d’être aussi nombreuses qu’aujourd’hui. Mais leur multiplication a fait d’eux « la nouvelle norme ». Le bureau d’études Arcadis dans un nouveau rapport réalisé pour le compte du ministère néerlandais de l’Infrastructure va jusqu’à affirmer : « Il ne se construit plus que des conteneurs high cube. En tenant compte d’une durée de vie de vingt ans, cela signifie que dans vingt ans, on ne transportera plus que des boîtes de ce type ». La question de savoir si les normes doivent être revues à la hausse pour les adapter à la pratique du marché resurgit dès lors régulièrement. Cette question a évidemment des conséquences budgétaires potentiellement lourdes.
Aux Pays-Bas, le nouveau rapport, qui fait suite à des études antérieures, a été commandé pour affiner les résultats en se concentrant sur les corridors qui semblent offrir les plus grandes chances de rentabiliser un tel investissement : la liaison entre le Rhin et l’Escaut occidental (l’axe Rotterdam-Anvers, dans le prolongement duquel se situe le projet Seine-Escaut), la route de la Meuse en amont de Nimègue, la liaison Rotterdam-Amsterdam et son prolongement vers le Nord du pays. Sur tous ces corridors, les bateaux peuvent aujourd’hui naviguer avec trois couches de high cubes, mais embarquer une quatrième couche n’est pas possible.
Rehausser les ponts permettrait à la navigation intérieure de réaliser des gains d’efficacité et ferait baisser les coûts de transport. Le transfert modal de la route vers le fluvial s’en trouverait stimulé, ce qui diminuerait la congestion routière, les nuisances sonores, les émissions… Malgré ces conséquences positives, le bilan n’est guère encourageant : « Sur tous les corridors et dans tous les scénarios », les coûts d’un rehaussement des ponts ou leur remplacement par des tunnels sont supérieurs aux bénéfices, même si on ne fait passer la hauteur libre qu’à 10,5 mètres pour la navigation à quatre couches avec des unités de classe VIa, le scénario qui correspond au moindre coût et au meilleur rendement.
Le rail fait obstacle à la voie d’eau
Le rapport fait apparaître que dans les études précédentes, certains bénéfices avaient été surévalués (les volumes de trafic ont été revus à la baisse) et certains coûts sous-estimés (comme ceux pour les expropriations). Autre conclusion : dans la plupart des cas, c’est le rail qui fait -involontairement- obstacle à la voie d’eau. La facture grimpe surtout en raison des coûts liés au rehaussement de ponts ferroviaires, qui interviennent pour 80 à 90 % des coûts totaux selon l’axe concerné. Une telle opération est nettement plus onéreuse que pour les ponts routiers en raison, notamment, du plus faible degré d’inclinaison des rampes d’accès que requièrent les trains. Sur la liaison Rhin-Escaut, le rehaussement de deux ponts ferroviaires -celui du Kreekrak aux Pays-Bas et du Noordlandbrug en Belgique- représenterait plus de 300 des 357 millions d’euros d’investissements à réaliser. Les ponts routiers n’interviennent que pour 50 millions d’euros sur cette liaison à grand gabarit. A tout cela s’ajoute que les effets positifs d’un rehaussement ne joueront pleinement que lorsque le dernier pont sur un axe donné aura été rehaussé.
La ministre Cora Van Nieuwenhuizen a toutefois laissé la porte ouverte à un rehaussement en cas de remplacement de ponts existants ou de construction de nouveaux ouvrages d’art, notamment dans l’hypothèse où une montée des eaux influerait à l’avenir sur la hauteur libre sous les ponts sur une voie navigable.