Les organisations professionnelles du transport routier de marchandises ont très mal pris l’annonce d’une « réduction de 2 centimes par litre de l’exonération de TICPE sur le gazole pour les poids lourds » par Elisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire le 2 septembre à l’Assemblée nationale (voir encadré) lors du lancement de la deuxième lecture du projet de loi d’orientation des mobilités (Lom).
« Le gouvernement se moque des transporteurs routiers français », déclarent en commun la FNTR, l’Union TLF, l’OTRE, l’Unostra, le CSD (chambre syndicale du déménagement), dénonçant le fond et la forme de la décision.
Sur le fond, pour ces organisations, l’argument de la ministre selon lequel cette réduction répond à l’exigence « que les transports contribuent au financement des infrastructures » est « purement et simplement faux ». Elles mettent en avant le rapport annuel de la Commission nationale des transports de la Nation, publié fin août 2019. Ce document « indique qu’en 2018, les recettes publiques liées au transport routier augmentent de 6 % par rapport à 2017, soit 2,2 Md€ supplémentaires. Pourtant, l’investissement, lui, n’augmente pas : en 5 ans, l’ensemble des recettes liées au transport routier a augmenté de 5 % alors que les investissements sont restés stables. Où va tout cet argent ? En 2014, nous avons accepté une hausse de 4 centimes d’euros de la TICPE qui devait financer directement les infrastructures mais visiblement, ils n’ont pas été investis dans ces dernières ! ».
« Il s’agit d’une mesure purement fiscale »
Elles réfutent aussi l’autre argument avancé par la ministre « que ce soit bien les transports polluants qui financent la politique de mobilité ». Elles citent les données du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA), selon lesquelles le transport routier de marchandises ne représente que 5,7 % des émissions de CO2 et seulement 1,6 % des particules fines. « Ne nous trompons pas, il n’y a aucune raison écologique derrière cette surtaxation. Il s’agit d’une mesure purement fiscale et l’Etat cherche simplement de l’argent ».
Sur la forme, les organisations professionnelles relèvent que le gouvernement les met devant le fait accompli. Elles indiquent avoir demandé un rendez-vous au Premier ministre et n’ont reçu aucune réponse. « Alors qu’une ère nouvelle fondée sur la concertation, la justice fiscale et sociale est annoncée par l’exécutif, le discours d’Elisabeth Borne ne fait que confirmer l’arrogance, le mépris, le cynisme d’un gouvernement qui ne connaît que le passage en force comme méthode ».
Les organisations professionnelles alertent sur une décision qui « met en en difficulté de nombreuses entreprises, fragilise leur compétitivité et l’emploi. La colère grandit chaque jour ».
« Je souhaiterais m’attarder un instant sur la principale évolution que nous avons apportée par rapport à l’examen en première lecture, à savoir le sujet du financement (…). Je rappelle que lors de la première lecture, vous avez fait le choix et je m’en félicite d’inscrire un socle de recettes de TICPE affectées à l’AFITF, à hauteur d’environ 1,1 milliards d’euros par an. C’était une avancée très forte, puisqu’elle permettait de réduire le montant des ressources nouvelles à dégager à 320 M€.
Puis, lors du conseil de défense écologique et solidaire du 9 juillet dernier, nous avons apporté les dernières réponses attendues concernant le financement de l’AFITF. Ces réponses seront bien traduites à l’occasion du projet de loi finances. Le grand débat et les échanges que nous avons pu avoir en première lecture ont en effet mis en lumière deux attentes fortes : premièrement, que les transports contribuent au financement des transports, et que ce soit bien les transports polluants qui financent notre politique de mobilité.
Ainsi, nous avons annoncé tout d’abord la réduction de 2 centimes par litre de l’exonération de TICPE sur le gazole pour les poids lourds. Ce n’était pas une surprise, puisque nous avions annoncé de longue date notre volonté que le transport routier, qui utilise nos routes, puisse contribuer au financement notamment de nos infrastructures routières. C’est à la fois un choix écologique et de justice. Cela étant dit, je n’ignore pas les difficultés d’un certain nombre de nos entreprises de transport routier, je sais aussi que d’autres annonces gouvernementales peuvent susciter des craintes de la part des professionnels. Le gouvernement recevra donc très prochainement les représentants de ce secteur afin d’échanger sur tous ces enjeux. Il ne s’agit évidemment pas de mettre en difficulté ce secteur.
Puis, nos concitoyens ont également exprimé assez clairement une volonté de faire contribuer le secteur aérien au financement de nos infrastructures. (…) J’ai annoncé la mise en place d’une éco-contribution sur les billets d’avion. (…)
Compte-tenu de la ressource de TICPE déjà affectée à l’AFITF, et de ces deux ressources nouvelles à hauteur de 320 millions d’euros, je peux donc confirmer devant la représentation nationale que la programmation des infrastructures est bien intégralement financée, dans la durée. Après des années, et même des décennies, d’atermoiement sur ces questions, le gouvernement propose un cap clair pour nos infrastructures et leur financement ».