Au-delà du projet de canal Seine-Nord Europe, la liaison Seine-Escaut à grand gabarit concerne aussi la Belgique, où d’importants travaux sont en cours ou prévus. De la frontière française à Anvers, deux axes font l’objet d’aménagement pour le passage au grand gabarit. D’une part, il y a la Lys, de Lille à Gand, qui traverse essentiellement la Flandre, d’autre part, l’Escaut, de Valenciennes à Gand via Tournai, qui concerne davantage la Wallonie. Enfin, la dorsale wallonne, de Valenciennes à Liège, fait aussi l’objet de travaux.
Parmi ces trois itinéraires, seul celui de la Lys est concerné par la classe Vb, c’est-à-dire le gabarit du futur canal Seine-Nord Europe pour le passage de bateaux de 185 m de long et 11,4 m de large. La partie wallonne de la Lys, dite « mitoyenne » car elle fait office de frontière entre la France et la Wallonie, est concernée par des travaux, qui font l’objet d’une convention internationale (voir encadré). Ces aménagements se déroulement à partir de 2019 sur la partie wallonne.
Pour les deux autres axes, c’est-à-dire l’Escaut de Valenciennes à Gand et la dorsale wallonne, c’est le gabarit Va qui a été retenu, avec une largeur de 11,4 m mais une longueur à 110 m. En effet, le gabarit est limité par certains ouvrages dont l’agrandissement n’a pas été envisagé, en particulier l’ascenseur de Strépy-Thieu. « La classe Vb n’est pas l’objectif unique, car, en Wallonie, on vise le gabarit Va, indique Pascal Moens, directeur de la promotion des voies navigables et de l’intermodalité en Wallonie. Les ouvrages situés le long du parcours sont limitatifs par leur longueur, donc si on les modifie pour se conformer au gabarit Va, il sera possible de passer au gabarit Vb ultérieurement. Sur certains sites, on construit de nouvelles écluses pour disposer de deux écluses, ce qui n’augmente pas le gabarit mais améliore la fiabilité et la capacité du réseau ».
Pont des Trous : la traversée de Tournai en bonne voie
Sur l’Escaut, pour la partie wallonne de l’itinéraire entre Valenciennes et Gand, c’est surtout sur la traversée de Tournai, avec son emblématique pont des Trous, que les principales difficultés se sont concentrées. Ce pont remontant au XIIIe siècle, franchissant l’Escaut en plein centre-ville de Tournai, avait été surélevé de 2,4 m lors de sa reconstruction après la seconde guerre mondiale, pour permettre le passage de bateaux plus importants. Mais le passage de la classe IV à la classe Va nécessite aujourd’hui de nouvelles modifications, ce qui a fait l’objet d’un vif et très long débat : suppression d’une arche, canal de contournement… de nombreuses solutions ont été évoquées, avant que le sujet ne soit définitivement tranché.
« Les débats ont duré des années et les obstacles ont été nombreux, mais, au terme de trois consultations publiques, nous avons finalement obtenu à la fin de l’été 2018 l’autorisation de modifier le pont des Trous, précise Pascal Moens. Nous restons prudents, mais le chantier doit débuter au printemps 2019. Toutes les procédures ont été faites, il n’y a plus de blocage juridique ou administratif : nous avons le permis, le budget, et nous procédons déjà aux travaux préparatoires, en particulier, la préparation des pierres en carrière ».
La suppression de ce goulet d’étranglement, enjeu de longue date qui a fait couler beaucoup d’encre, sera un des grands évènements fluviaux de l’année 2019 en Wallonie. D’autres travaux sont nécessaires dans la traversée de Tournai, dont certains ont déjà commencé. Le Pont-à-Ponts, situé dans une courbe et trop étroit pour le passage de bateaux de grand gabarit, a été reconstruit au terme d’une opération spectaculaire où le transport fluvial a été mis à contribution pour l’acheminement du nouveau tablier du pont. Les berges de l’Escaut ont aussi fait l’objet d’aménagements. L’ensemble des travaux de la traversée de Tournai s’achèveront en 2021.
« Les travaux de la traversée de Tournai ont déjà bien avancé, alors qu’on y croyait à peine il y a un an ou deux, souligne Pascal Moens. Nous avons eu de fortes craintes en 2017-2018 vu les tergiversations françaises à propos du canal Seine-Nord Europe, avec une grande période de flou sans aucune communication. Mais, avec ou sans le canal Seine-Nord, la traversée de Tournai à grand gabarit se justifie, vu la constante augmentation de la taille des bateaux. On ne construit plus aujourd’hui de bateaux de classe IV ».
La dorsale wallonne change de capacité, pas de gabarit
Le trafic est déjà très important aujourd’hui en traversée de Tournai : avec 8 Mt transportées chaque année, il s’agit du deuxième axe fluvial de Wallonie après le canal Albert. Et les prévisions qui ont été élaborées dans le cadre de la préparation de Seine-Escaut montrent que l’axe principal, la Lys, même portée au gabarit Vb, ne permettra pas d’absorber, en plus du trafic actuel, tout le flux entre le bassin parisien et la mer du Nord qui sera apporté par le canal Seine-Nord Europe. À l’horizon 2030, le potentiel attendu est en effet de 30 Mt par an, dont 13 Mt sur l’Escaut et 18 Mt sur la Lys.
En ce qui concerne la dorsale wallonne, qui relie Valenciennes à Lièges en passant par Mons, La Louvière, Charleroi et Namur, une série de modernisation est nécessaire de la frontière française à Namur. Côté français, les travaux ont commencé à l’été 2018 sur le canal Condé-Pommerœul, fermé à la navigation depuis 1992. Il doit rouvrir en 2022, évitant un long détour par Tournai pour accéder, depuis Valenciennes, au canal du Centre wallon. Côté belge, les travaux sont également en cours, non pour augmenter le gabarit des voies d’eau, les écluses étant déjà au gabarit Va, mais pour améliorer la fiabilité du réseau et sa capacité à absorber un trafic accru. Sont prévues de nouvelles écluses sur la Meuse et sur le canal Charleroi-Bruxelles ainsi que sur le canal du Centre, des redressements de courbes, la création de nouveaux points d’amarrage, des aménagements pour permettre le croisement des bateaux, etc.
Le montant des travaux prévus en Wallonie atteint 175 M€ jusqu’en 2021 et 300 M€ supplémentaires seront investis entre 2021 et 2027. L’Union européenne subventionne 40 % de l’ensemble des travaux, le reste étant financé par la région Wallonie. L’année 2027 devrait voir la fin de ces travaux de mise à grand gabarit du réseau wallon. Une échéance qui peut paraître lointaine, mais les améliorations seront progressives puisque de nombreux aménagements seront en service bien avant cette date. Le mouillage de l’Escaut, par exemple, est d’ores et déjà passé de 2,6 m à 2,9 m.
Une convention internationale a été signée le 19 novembre 2018 à Bruxelles entre les deux régions belges, Wallonie et Flandre, et la France pour l’aménagement de la Lys mitoyenne.
Le texte a été signé par la ministre chargée des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, et les ministres-présidents de Flandre et de Wallonie. Il établit la modalité des travaux à venir d’un montant total de 140M€ afin d'approfondir et élargir la Lys entre Deulémont côté français et Menin côté belge. L’objet de la convention est d’augmenter le gabarit de cette rivière pour permettre le passage, à terme, de bateaux de gabarit de classe Vb du réseau Seine-Escaut, ainsi que le passage en double sens des convois Va et en alternat des convois Vb.
Ce chantier s'inscrit dans la perspective de la future liaison transfrontalière Seine-Escaut et de sa partie française Seine-Nord Europe. La Lys mitoyenne entre Deulémont et Menin est une rivière navigable transfrontalière d’un linéaire d'environ 19 km dimensionnée aujourd’hui pour la circulation des bateaux de classe IV (1350 t). Elle constitue un des maillons de la liaison européenne à grand gabarit Seine-Escaut, qui comprend 1100 km de voies navigables entre le bassin de la Seine (ports du Havre, de Rouen et de Paris) et le réseau fluvial de l’Europe du Nord (ports de Dunkerque, Anvers, Rotterdam...). Le projet de canal Seine Nord Europe est le maillon central de la liaison Seine-Escaut.
Au travers de cette convention, les trois gestionnaires de réseau, soit Voies navigables de France (VNF-France), De Vlaamse Waterweg (DVW-Flandre) et le Service public de Wallonie (SPW-Wallonie) qui sont également les maîtres d’ouvrages en charge de la réalisation des travaux, de l’entretien et de l’exploitation de cette voie d’eau, se sont engagés à réaliser les travaux nécessaires afin d’assurer le passage de bateaux à gabarit Va (1500 à 3000 t) et Vb (4400t).
La maîtrise d’ouvrage des travaux transfrontaliers est répartie en trois sections (voir carte) :
- Section 1 : de Deûlémont à l’écluse de Comines sous maîtrise d’ouvrage française (VNF),
- Section 2 : de l’écluse de Comines à la frontière Wallonie/Flandre sous maîtrise d’ouvrage wallonne (SPW),
- Section 3 : de la frontière Wallonie/Flandre au pont de Menin sous maîtrise d’ouvrage flamande (DVW).
La coordination entre les trois maîtres d’ouvrage est assurée dans le cadre d’un partenariat engagé depuis plusieurs années. Ce partenariat comprend également les travaux de remise en navigation du canal entre Condé sur l’Escaut et Pommeroeul, actuellement en cours.
Calendrier des travaux sur la Lys mitoyenne :
- L’enquête publique en France s’est achevée le 15 novembre 2018, les travaux débuteront mi-2019,
- Les travaux sur la traversée de Werwik, qui s’achèveront fin 2019, clôtureront un programme engagé depuis plusieurs années par la Flandre,
- Les travaux en Wallonie débuteront début 2019.
L’ensemble du recalibrage de la Lys mitoyenne sera achevé en 2025.
Le montant total des travaux est de 140 M€ TTC. L’opération est financée par l’Union européenne à hauteur de 40% HT dans le cadre des programmes multi-annuels RTE-T 2007-2013 et MIE 2014-2020. Sur la section française, le financement devrait être assuré conjointement par VNF, à hauteur de 6 M€, et la région des Hauts de France dans le cadre des CPER 2007-2013 et 2015-2020.