La Flandre, banc d’essai pour la navigation automatisée

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La Flandre a fait du développement de la navigation automatisée un levier important de sa politique fluviale. La réglementation a été adoptée pour permettre des expérimentations et un code de conduite a été élaboré. Plusieurs tests ont été menés, d’autres sont prévus et un premier projet commercial a vu le jour.

La Flandre se profile comme banc d’essai pour la navigation automatisée. Qu’elle se présente sous la forme d’un pilotage à distance depuis un poste de commande à terre ou d’une conduite entièrement autonome du bateau, elle affiche sa volonté de stimuler cette innovation technologique jugée essentielle pour l’avenir de la navigation intérieure comme vecteur de la mobilité et du transport.

« Nous voulons jouer à fond notre rôle qui est de faciliter l’innovation tout en veillant à garantir la sécurité des expériences menées », déclare Krista Maes, directeur opérationnel chez De Vlaamse Waterweg. La Flandre fait à cet égard oeuvre de pionnier, ajoute-t-elle. « Ce qui se passe chez nous en matière de smart shipping, sert souvent d’exemple aux pays environnants. Nous sommes d’ailleurs très actifs au sein d’organisations internationales comme la CCNR pour promouvoir les évolutions en ce sens ».

Des expérimentations

Un des obstacles principaux a été levé en 2019 : la Région flamande, compétente en la matière depuis la régionalisation des ports et voies navigables, a adapté sa propre réglementation afin d’ouvrir la voie aux expérimentations que veulent mener universités, instituts de recherche et entreprises, que ce soit dans le cadre plus large de programmes européens ou non.

Ces essais peuvent avoir lieu sur l’ensemble du réseau fluvial flamand, qui offre une large gamme de gabarits et de situations possibles. Un guichet unique (SPOC ou single point of contact) a été mis en place pour gérer les demandes et dossiers et un code de conduite a été défini pour délimiter les modalités à respecter. Elles comprennent un suivi et un reporting incluant la description des problèmes rencontrés et des solutions apportées pour les surmonter.

Parmi les essais déjà menés figurent les tests conduits par l’université de Louvain avec le Cogge, un modèle réduit d’une longueur de 5 mètres, sur l’Yser. L’objectif annoncé est de leur donner un prolongement à plus grande échelle en appliquant la technologie utilisée à des bateaux de type « spits » (38 m de long pour 5,05 m de large, 2,20 m de tirant d’eau).

D’autres dossiers sont en préparation. Il est notamment question de préparer un des transporteurs de palettes de Blue Line Logistics, le Zulu 4, pour réaliser un test en navigation entièrement autonome dans la seconde moitié de 2021. Cet essai se déroulera sur l’Escaut maritime dans le cadre du projet européen Autoship (Autonomous Shipping Initiative for European Waters). De Vlaamse Waterweg est partie prenante dans ce dossier.

Autre exemple : l’université d’Anvers et le groupe logistique Van Moer sont impliqués de leur côté comme participants belges dans le programme européen Novimar, qui se penche sur la possibilité de mettre en œuvre dans la navigation intérieure le « platooning » déjà testé dans le transport routier. Ce concept de « vessel train » consiste à assurer un pilotage en convoi depuis une unité de tête seule à être dotée d’un équipage complet, à l’aide de capteurs et senseurs qui dictent la marche des bateaux qui la suivent et qui opèrent en mode semi-automatique.

Impatience du marché

Ces expérimentations dans un contexte plus institutionnel et souvent axées sur l’étude des possibilités et contraintes de la navigation automatisée ne sont pas les seules. « La réalité nous rattrape. Le marché trépigne d’impatience pour naviguer sans équipage embarqué », constate Krista Maes.

Le groupe De Cloedt, qui est actif dans des secteurs comme les matériaux de construction et les dragages, s’est allié à la société anversoise Seafar, qui s’est lancée dans la commande à distance de barges. Ensemble, ils opèrent une unité de type Watertruck+ pour le transport de quelque 240  000  m³ de sables à transporter de Dixmude à Ostende via l’Yser et le canal reliant Nieuport à Plassendale, l’arrière-port d’Ostende. Le bac est piloté depuis une « tour de contrôle » qui se trouve à Anvers, soit à plus de cent kilomètres de là. Le test comprend, dans une première phase, la présence d’un équipage à bord pour parer à toute éventualité. Le projet a démarré à l’automne 2019 et court jusqu’en novembre 2020. Jamais, sans doute, la navigation automatisée, (mais pas autonome dans ce cas-ci), n’a été tentée à une telle échelle.

Le projet De Cloedt/Seafar illustre les possibilités de l’automatisation pour ouvrir de nouveaux champs d’action à la navigation intérieure, la rendre plus compétitive vis-à-vis du transport routier et, plus particulièrement, redynamiser la desserte des voies navigables de petit gabarit.

Krista Maes fait également le lien avec les transitions énergétique et écologique. Avec ses périodes de sécheresse plus accentuées et plus longues et leur conséquence sur le tirant d’eau maximal sur des axes essentiels pour le trafic fluvial, elles réclament à ses yeux le développement d’une flotte adaptée qui peut aller à l’encontre de la course à l’agrandissement d’échelle à laquelle on a assisté ces dernières années.


Concernant la navigation autonome, la Wallonie avance, pour l’heure, à pas plus mesurés que la Flandre. Aucun test n’a eu lieu et aucun projet n’est prévu à court terme. La principale pierre d’achoppement se situe au niveau des règles administratives, des normes et contraintes techniques en vigueur. « La réglementation ne permet pas aujourd’hui la navigation autonome ou automatisée », explique Arnaud Massart, du Service public de Wallonie Mobilité et Infrastructures, où il copilote les projets d’innovation et de numérisation en matière de transport. Une réflexion sur le sujet est toutefois en cours, ajoute-t-il. « Un texte visant à adapter la réglementation de façon à pouvoir accorder les dérogations nécessaires attend le feu vert du ministre compétent et du Parlement wallon ». Des partenaires comme l’université de Liège, le chantier Meuse & Sambre et le centre de recherche et d’innovation technologique Multitel étudient la réalisation d’un prototype de bateau automatisé. Arnaud Massart ne doute pas de la pertinence d’une démarche en ce sens, ni de l’existence d’un « marché très important » pour la navigation automatisée, en particulier, sur les voies navigables de plus faible gabarit. « L’automatisation offre une clé pour rendre compétitif par rapport à la route le transport par la voie d’eau de trafics moins importants, avec les avantages sociétaux considérables qui découlent d’un transfert modal du poids lourd vers le bateau. Ce dossier retient donc toute notre attention, mais il demande encore beaucoup de travail. Il faut d’abord mettre au point le volet technique. Si la voie d’eau peut apparaître comme un environnement privilégié pour la mise en pratique de l’automatisation, elle présente aussi des situations, notamment au passage des écluses, où il faut être en mesure de traiter des volumes de données très importants en respectant des temps de latence extrêmement réduits ».

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