En Belgique, la voie d’eau est souvent un second recours

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Le transport par la voie navigable de colis lourds est en Belgique une pratique courante. La qualité du réseau et des acteurs spécialisés jouent en faveur du fluvial. Mais la voie d’eau n’est choisie que si l’option de la route n’est pas de mise ou si plusieurs paramètres se conjuguent en sa faveur. En Belgique, la délivrance d’autorisations pour le transport de colis lourds a été transférée aux régions dans le cadre de la dernière réforme de l’Etat. Mais ni en Flandre, ni en Wallonie, il n’existe de chiffres précis sur le nombre d’opérations de ce type par la voie d’eau. Des deux côtés, on parle de « quelques dizaines » de permis délivrés chaque année, une soixantaine en Flandre. Ce nombre n’est toutefois que la partie visible d’un iceberg beaucoup plus important. Car souvent, une autorisation n’est pas requise. C’est notamment le cas si le transport s’effectue dans les limites normales du gabarit de la voie d’eau et en utilisant un bateau conventionnel. Il arrive, par exemple, aussi que des porte-conteneurs fluviaux transportent sur des flat racks des machineries qui peuvent entrer, par leurs spécifications, dans la catégorie des colis exceptionnels. Même si certains acteurs font état d’une croissance de ces trafics pour leur propre entreprise, la plupart s’accorde pour dire que le marché est resté relativement stable au cours des dernières années.

Pas de transfert modal massif

Cela dément quelque peu les prévisions qui tablaient sur une demande accrue du recours à la voie navigable du fait des difficultés croissantes pour le transport de colis lourds et surdimensionnés par la route. On invoquait alors des facteurs tant infrastructurels – comme la multiplication des ronds-points sur le réseau routier – que réglementaires et la réticence des autorités à donner leur agrément à des opérations dont les conséquences sur la circulation normale ou sur les agglomérations traversées ne sont pas négligeables.

La disparition de certains grands chargeurs a sans doute été compensée par l’essor de trafics comme le transport de parties d’éoliennes. Mais l’agrandissement d’échelle qui se manifeste dans les colis exceptionnels complique la donne pour les chargeurs ou les réceptionnaires implantés sur des parties du réseau où des restrictions sur des critères essentiels comme le tirant d’air sous les ponts sont de rigueur et où les quais de transbordement sont peu nombreux ou incapables de supporter des concentrations de poids trop élevées. Leur desserte routière, essentielle pour le pré- ou post-acheminement des colis (qui peut lui aussi être soumis à autorisation), laisse elle aussi parfois à désirer.

La réglementation n’est pas en cause. « Obtenir les autorisations requises – quand elles sont requises - est sans doute plus facile que pour un transport routier. Mais il faut connaître le marché et savoir quelles procédures il faut suivre et à qui s’adresser », dit Jan-Andries Arts, le responsable RoRo & Heavy de l’armement Victrol. Jan Willems, manager maritime activities du groupe Sarens, regrette toutefois qu’obtenir toutes les informations utiles (dimensions, réglementations, contacts…) est un combat continu et que là aussi, l’Europe reste à construire, des systèmes performants, comme Visuris en Flandre et celui de VNF en France, s’arrêtant irrémédiablement aux frontières.

Si la navigation intérieure n’a pas vu affluer les colis exceptionnels, la raison en est à rechercher ailleurs. Un constat fait l’unanimité : la concurrence avec la route, qui offre une alternative très flexible, rapide et surtout moins coûteuse, reste très vive.

« La question du coût reste un facteur décisif dans le choix du mode de transport et malgré les contraintes administratives et techniques qui les rendent toujours plus compliqués. Les convois exceptionnels par la route restent le plus souvent la solution la moins chère, simplement parce que leurs coûts indirects ne sont pas quantifiés dans leur prix », reconnaît sans ambages un responsable du Service public wallon (SPW) Mobilité et Infrastructure. « La voie d’eau nécessite de trouver des infrastructures adéquates et de recourir à des équipements spéciaux. Elle implique aussi des ruptures de charge qui font grimper la facture et qui comportent des risques accrus pour des cargaisons parfois sensibles et souvent coûteuses. En outre, le transport routier reste très fréquemment indispensable pour la première et la dernière partie du trajet à parcourir ».

Jelle Van Gestel, project manager chez Aertssen, groupe flamand spécialisé dans la manutention et le transport routier, fluvial ou multimodal de cargaisons de projet, ne dit pas autre chose : « Nous sommes souvent confrontés à la question de savoir pourquoi nous n’utilisons pas davantage la voie d’eau. Mais la solution retenue dépendra dans une large mesure du volet financier d’un dossier. Et, au départ, le bateau est toujours plus cher que le camion. Il faut alors que d’autres éléments interviennent qui font que le colis en question ne peut pas emprunter la route ou que l’option fluviale se révèle finalement plus intéressante ».

Jan-Andries Arts ne peut qu’abonder dans le même sens : « Dans le segment le plus léger des colis lourds, la concurrence de la route est implacable ».

Autrement dit, le transport exceptionnel l’est souvent moins que son nom ne le laisse supposer – il y en a des milliers par an par la route – et il faut déjà un colis « exceptionnellement exceptionnel », c’est-à-dire sortant de la moyenne, pour justifier un recours au transport fluvial. Dans ce dernier cas, les spécialistes du transport exceptionnel alignant du matériel très spécifique peuvent se trouver en concurrence avec des opérateurs fluviaux classiques, par exemple, pour le transport d’un transformateur, même si celui-ci pèse 300 tonnes. Le tout sera alors d’aligner les grues capables d’assurer le chargement et déchargement d’une telle pièce.

De façon indicative, Jelle Van Gestel place la ligne de partage entre la route et l’eau à quelque 80 à 90 tonnes en termes de poids et à plus de 4 mètres pour la hauteur. La longueur du colis influera sur le choix du mode de transport en fonction du trajet à parcourir, mais devra déjà être (très) appréciable avant de rendre impossible l’utilisation de la route.

Envois groupés, trafics réguliers

Les dimensions ne sont pas le seul paramètre qui entre en jeu. La capacité du transport fluvial à transporter plusieurs pièces en même temps peut amener le chargeur à opter pour la voie d’eau. Jan-Andries Arts en donne un exemple : « Nous déplaçons beaucoup d’équipements portuaires dans le port d’Anvers. Transporter quatre chariots-cavaliers en un mouvement d’un terminal à l’autre peut alors être plus pratique et moins onéreux que de les transférer un par un par la route ».

Une autre illustration en est fournie par Blue Line Logistics. Ses Zulus sont surtout connus pour le transport de palettes, mais l’armement transporte régulièrement des cargaisons d’autres types. Parmi celles-ci se trouvent des turbines hautes de 5 mètres, d’un diamètre de 6,5 m et d’un poids de 12  tonnes, que les Zulus transfèrent d’un terminal à un autre dans la zone portuaire d’Anvers en vue de leur embarquement sur navires. Les Zulus peuvent en charger six d’un coup. Dans un cas précis, deux de ces bateaux ont été couplés pour le transport combiné de douze turbines. Le contrat d’ensemble porte sur le transfert de 56 unités.

C’est une autre nuance à apporter à la notion du transport dit exceptionnel : elle peut fort bien englober des trafics réguliers en termes de volumes et de fréquence.

Aspect géographique

En Flandre, le canal Albert et l’Escaut constituent les deux axes majeurs pour le transport fluvial de colis lourds et les opérateurs n’y rencontrent que peu de difficultés pour le transbordement des pièces. En Wallonie, la Meuse offre des facilités nettement plus grandes que la Sambre, selon les mêmes opérateurs. La région de Mons poserait problème pour la disponiblité de quais suffisamment solides et accessibles. L’arment Victrol ajoute la difficulté à trouver des emplacements pour pontons, quand ceux-ci ne sont pas en opération.

Le champ d’action de la plupart des opérateurs interrogés dépasse largement le cadre de la Belgique. Pays-Bas, Allemagne, France. Ils sont aussi actifs à l’international, quitte à expédier préalablement du matériel par la voie maritime pour opérer, par exemple, sur la Seine.

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