Protéger les voies navigables
En jetant un œil dans le rétroviseur, les acteurs de la CDNI peuvent en effet légitiment s’auto-adresser un satisfecit par rapport au chemin accompli. La filière et le mécanisme mis en place ont globalement rempli leur objectif de protection des voies de navigation intérieure contre le rejet de déchets et de résidus de cargaison, par la prévention et la lutte contre les trois catégories identifiées dès l’origine : les déchets huileux et graisseux survenant lors de l’exploitation du bâtiment (partie A), les déchets liés à la cargaison (B) et les autres déchets survenant lors de l’exploitation du bâtiment (C). La convention a montré sa capacité à vivre avec son temps, par l’introduction dès 2010 du système de paiement électronique (SPE-CNDI) et la succession d’adaptations instaurées sans perdre le fil de ses principes directeurs, par exemple, s’agissant des déchets de la partie B la création de deux attestations distinctes entre cale sèche et cale citerne ou encore, la révision depuis 2018 des standards de déchargement. On peut également rappeler l’introduction en 2016 de la notion de transport compatible qui affine les règles de lavage en fonction des situations données.
La grande étape suivante dans l’histoire de la convention suit son cours, à savoir l’élargissement de son champ au traitement des résidus gazeux de cargaison liquide. Sur ce sujet, les dispositions ont été adoptées en 2017. Pour qu’elles deviennent effectives, « le processus de ratification se poursuit, nous avons l’espoir qu’il se conclura dans les deux ans », indique Katrin Moosbrugger, secrétaire exécutive de la CNDI. Il marquera, en quelque sorte, l’extension dans l’air de la convention. Au point que celle-ci suscite l’intérêt là où on ne l’attendait pas : le secrétariat exécutif confie avoir été approché par des organismes qui planchent sur la gestion des déchets… dans l’espace ! De là à ce que le texte de l’initiative attachée au Rhin aille se poser sur Mars ou Venus, cela relève encore de la science-fiction…
Repenser le financement
D’autant que ses acteurs doivent rapidement s’atteler à un sujet plus « terre à terre » : le financement. Le point a été maintes fois rappelé lors de la soirée du 17 décembre : le succès de la CDNI doit beaucoup à son mécanisme fondé, d’une part, sur le paiement du système d’élimination des déchets par la profession de la navigation intérieure – application, là aussi pionnière, du principe du pollueur-payeur – d’autre part, sur le principe de solidarité-redistribution, sorte de péréquation internationale entre les Etats signataires, en fonction de leur équilibre respectif entre recettes et coûts.
Cette architecture repose sur la rétribution d’élimination des déchets huileux et graisseux. Depuis l’origine de la convention, cette rétribution s’élevait à 7,50 euros par 1 000 litres de gasoil. Le 17 décembre, les parties contractantes ont décidé un relèvement d’un euro à compter du 1er janvier 2021, soit un nouveau montant de 8,50 euros. Pour autant, elles conviennent que cette hausse, la première dans l’histoire de la CDNI, ne suffit pas. D’abord, elle ne résout pas de façon durable la question de l’écart devenu structurel entre les coûts et les recettes. « Les excédents passés de recettes sur les coûts ont créé une réserve financière, mais celle-ci s’amenuise d’année en année », relève Katrin Moosbrugger. Mais plus généralement, « il y a nécessité de repenser globalement le fonctionnement de la collecte des déchets huileux et graisseux ainsi que son financement, afin de répondre aux enjeux nouveaux qui s’accumulent : objectifs internationaux de réduction des émissions de CO2 et de gaz à effet de serre pour tendre vers le zéro émission, développement de carburants alternatifs au diesel, renouvellement des flottes dans le contexte notamment des obligations de passage à la double-coque pour les bateaux déshuileurs », poursuit la secrétaire exécutive de la CDNI. C’est ce chantier de fond auquel la profession et les états membres ont commencé à s’atteler. La table ronde du 17 décembre qui a précédé la soirée-anniversaire leur a permis de poser des jalons supplémentaires, en se nourrissant de l’expérience des pères et mères fondateurs/fondatrices. Au niveau du calendrier, rien ne presse encore, mais compte tenu de la longueur de processus inhérente à tout dialogue international, il ne leur faut pas trop tarder non plus.
Parmi les autres perspectives, l’extension au Danube qu’entraînerait l’adhésion de tout ou partie des états membres de la Commission du Danube demeure à l’ordre du jour, elle dépendra de la volonté des pays concernés. à l’occasion de ses 10 ans, cependant, la CDNI s’est affichée plus généralement comme une force d’agrégation potentielle pour tout état européen dont les voies de navigation sont reliées à celles de ses propres membres. C’est notamment le message qu’a porté Catherine Trautmann, invitée d’honneur de la soirée-anniversaire, en sa double fonction de présidente du Port autonome de Strasbourg mais aussi de coordinatrice du corridor de fret mer du Nord-Baltique. Et à ce dernier titre, « je m’efforcerai de convaincre d’autres états à rejoindre la convention », a-t-elle indiqué. Pour l’élue strasbourgeoise aussi, les temps sont devenus plus mûrs : « La CDNI montre une fois de plus que les précurseurs viennent souvent trop tôt. Mais ils finissent par être suivis ».