Des expérimentations
Des expérimentations ont déjà été menées dans le domaine de la navigation intérieure. À Berlin, rappelle Batelia, un bateau à passagers pour 100 personnes équipé d’une pile à combustible a ainsi navigué de façon expérimentale de 2008 à 2013.
À Anvers, un bateau à passager navigue à l’hydrogène depuis 2017. Construit par CMB Technologie, filiale de l’armement belge CMB, l’Hydroville n’est pas en exploitation commerciale, mais utilisé pour transporter sur l’Escaut le personnel du groupe (voir notre article). Particularité : il ne se sert pas de l’hydrogène dans une pile à combustible, mais l’utilise comme carburant, en co-combustion avec le gazole, pour réduire de 60 % les émissions de CO2. Le passage à l’échelle supérieure est pour bientôt, puisque le port d’Anvers a passé commande à CMB d’un remorqueur à hydrogène, qui devrait entrer en service fin 2021 (voir notre article).
Des dérogations nécessaires
Dans le domaine fluvial, des bateaux de transport de marchandises sont à l’étude et qui utiliseront l’hydrogène dans des piles à combustible. Une technologie éprouvée, notamment dans l’automobile, mais qui nécessite cependant des dérogations administratives puisque la réglementation ne prévoit pas son utilisation en fluvial. Aux Pays-Bas, la coopérative de bateliers NRPC mettra en service en 2021 un bateau électrique utilisant une pile à hydrogène (voir notre article). Le projet est mené en coopération avec le chimiste Nouryon, qui produit de l’hydrogène et utilisera le bateau pour ses transports de produits chimiques. À Berlin, le pousseur Elektra de 300 kW est prévu pour 2021 également.
Des projets sont aussi en cours de développement en France, qui pourraient aboutir en 2021 ou 2022. Celui de L’Équipage, par exemple, société artisanale qui a lancé en octobre 2019 les études d’Hybarge, un automoteur de petit gabarit adapté au transport de marchandises sur le canal de la Garonne (voir notre article).
Dans le domaine des flottes armatoriales, la CFT (groupe Sogestran) a aussi un projet de bateau à hydrogène : Flagships, un pousseur destiné au bassin du Rhône. Il est prévu pour être mis en service en 2021 et naviguer à Lyon. Sa pile à combustible sera approvisionnée en bouteilles d’hydrogène par la Compagnie nationale du Rhône, qui le produira à partir de l’électricité fournie par les barrages situés sur le fleuve.
Sur la Seine aussi, une filière de production d’hydrogène propre est à l’étude, dont le fluvial pourrait profiter dès 2022. Le syndicat des ordures ménagères Syctom s’est associé à Haropa et EDF, dans le cadre du projet européen H2Ships, pour la conception d’un bateau à hydrogène pour le transport des déchets du Syctom, pour lequel l’hydrogène serait produit grâce à l’électricité issue de l’incinérateur Isseane d’Issy-les-Moulineaux. Cemex, qui exploite sa propre flotte pour ses transports de granulats sur la Seine, envisage aussi pour 2022 de s’équiper d’un pousseur de manœuvre PM 13 pour barges de 2800 t, utilisant batteries et pile à combustible.
Un bateau autonome à l’étude
À plus long terme, un projet de bateau à hydrogène est aussi dans les cartons de CEA Tech : il s’agit d’un automoteur de petit gabarit, destiné au transport de pièces automobiles conteneurisées sur les canaux de l’Est de la France. Les études détaillées du bateau pourraient commencer en 2020, sous réserve de la décision de l’utilisateur final, PSA. L’approvisionnement des piles à combustibles, qui alimenteront en électricité les deux moteurs de 80 kW, se ferait à Mulhouse, l’hydrogène étant un sous-produit du process de fabrication de l’entreprise de produits chimiques PPC, qui y est installée. De nombreuses questions techniques doivent encore être étudiées. La pression de stockage de l’hydrogène par exemple : 700 bars comme dans l’automobile, ou 350 bars comme dans le maritime et le ferroviaire ? Dans le premier cas il faut prévoir 5 m³ de stockage pour une semaine d’autonomie, dans le second 10 m³. D’un autre côté, l’absence de cuve à gazole libère de la place à bord, de même que l’absence de logement et même… de timonerie, car le bateau est prévu pour être à conduite autonome ! Un défi qui est davantage réglementaire que technique, comme l’explique Jean-Luc Jacquot, directeur de CEA Tech Grand-Est : « La technologie existe, déjà développée pour l’automobile et facilement transposable à un bateau qui se déplace lentement et sur un itinéraire bien défini et peu fréquenté. Nous travaillons avec les services de l’État à l’encadrement d’un essai, dont les résultats influeront sur l’évolution de la réglementation. Sous réserve de la décision de PSA, le démarrage de l’exploitation commerciale pourrait commencer dès 2023 ».