Aux Pays-Bas : le dégazage très contesté depuis longtemps

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Aux Pays-Bas, le débat sur le dégazage dans l’atmosphère des bateaux-citernes a largement débordé du cadre des milieux fluviaux et des instances concernées. La pratique y était plus répandue que dans d’autres pays, poussant plusieurs provinces à l’interdire de façon unilatérale. L’interdiction nationale se fait par le biais de la révision de la convention CDNI. Une « taskforce » se penche sur la meilleure façon de la mettre en œuvre.

Contrairement à la situation qui prévaut par exemple en Flandre, où la quasi-totalité du réseau navigable tombe sous le coup d’une interdiction ou l’autre – dans les ports, près des écluses ou dans les zones trop densément habitées, etc. - en vertu de la convention ADN, les Pays-Bas ont longtemps offert des espaces où le dégazage à l’air libre était parfaitement légal. Les inquiétudes concernant les conséquences sur l’environnement, la qualité de l’air, la santé et la sécurité des riverains et équipages ont provoqué au cours des années une remise en cause toujours plus forte de cette pratique.

Début 2019, le dossier du dégazage était même remonté jusqu’au niveau européen, après qu’un journal néerlandais avait révélé que des armements fluviaux allemands donnaient des instructions aux bateliers sur les lieux les plus appropriés dans la province de Gueldre pour se livrer au « dégazage en naviguant » (varend ontgassen), en dépit de l’interdiction édictée par la province pour des produits comme le benzène. Le quotidien affirmait même que les bateliers qui s’y refusaient étaient mis sous pression. L’information sur ce « tourisme des déchets » avait suscité un tollé. Dans sa réponse à une question parlementaire écrite sur le sujet, le commissaire européen en charge de l’Environnement et des Affaires maritimes de l’époque, Karmenu Vella, avait renvoyé la balle dans le camp néerlandais en indiquant qu’il revient aux États membres de vérifier le respect de la directive sur les normes de qualité de l’air, ce qui pouvait prendre la forme d’une interdiction du dégazage en naviguant.

La Haye a demandé, dès 2013, une révision de la CDNI de façon à interdire de façon générale le dégazage dans l’atmosphère de vapeurs nocives. Mais les autres États signataires ne lui ont que lentement emboîté le pas, affirmait la ministre néerlandaise de l’Infrastructure et de l’Eau Cora Van Nieuwenhuizen dans une communication à la Deuxième Chambre en 2018.

Certaines provinces n’ont pas voulu attendre une interdiction nationale et européenne trop lente à venir à leurs yeux. La Hollande méridionale donnait l’exemple dès 2015. D’autres provinces traversées par les grands fleuves et par des axes fluviaux d’intérêt international (la Zélande, le Brabant du Nord) ont suivi, tout comme la Gueldre en 2017. Elles ne prenaient pas en compte qu’une telle mesure ne pouvait être instaurée qu’à un niveau supérieur sur les voies navigables régies par une réglementation internationale comme la CDNI.

Outre les conflits de compétences qu’elles soulevaient, ces interdictions régionales ne signifiaient pas nécessairement que des installations de dégazage étaient présentes en nombre et en capacité suffisants. Mais l’action entreprise par les provinces aurait néanmoins permis à La Haye d’accélérer le mouvement en vue de parvenir à un régime uniforme pour l’ensemble du bassin rhénan.

Le gouvernement de La Haye a finalement franchi le pas vers une interdiction nationale du dégazage en 2020, sous la forme d’une intégration de la nouvelle réglementation de la CDNI dans la législation néerlandaise, à l’instar de ce qui doit se faire dans les autres États signataires de la convention. La ministre néerlandaise Cora Van Nieuwenhuizen a toutefois dû reconnaître que la date du 1er juillet 2020 initialement annoncée ne sera pas tenue, du fait du retard pris dans la ratification de la nouvelle CDNI. Elle a promis qu’elle plaiderait auprès des autres pays impliqués pour accélérer ce processus.

Comme le souligne la ministre néerlandaise, une interdiction totale a le mérite de créer une situation claire pour tout le monde : le dégazage dans l’atmosphère ne sera plus autorisé nulle part. Les incertitudes et les zones d’ombre dans la législation et la réglementation actuelles disparaissent.

Des tests organisés

Tout comme c’est le cas en Belgique, une « taskforce » réunissant toutes les parties concernées se penche depuis 2018 sur les modalités à définir pour permettre un dégazage contrôlé : conditions à remplir par les installations de dégazage, autorisations à délivrer, infrastructures à mettre en place, etc. La taskforce a aussi pour mission de dégager des solutions économiquement viables et qui peuvent être installées de façon efficace et flexible. Chargeurs, transporteurs, sociétés de stockage et prestataires de services ont voix au chapitre dans les groupes de travail crées au sein de la taskforce.

Dans ce contexte, ont lieu des tests de dégazage comme celui qui a été organisé à la fin mai 2020 à Flessingue, dans la partie néerlandaise de North Sea Port. Le but est de vérifier les performances de différents systèmes et techniques, mesurées par une instance indépendante et évaluées par la taskforce, et de voir dans quelle mesure elles permettent de répondre à la demande et à la réglementation. Des essais similaires sont programmés à Rotterdam et Amsterdam. L’objectif est de faciliter la création d’installations innovantes pour le traitement ou la réutilisation des vapeurs de cargaison. Du côté des acteurs économiques, on espère un cadre réglementaire qui ne décourage pas, par des normes trop strictes et des procédures trop lourdes, ceux qui voudraient exploiter des installations (mobiles ou fixes) de dégazage.

Pour un port comme North Sea Port, il est également nécessaire de vérifier où de telles installations peuvent effectivement être implantées, en fonction notamment des périmètres de sécurité à respecter.

Un dépistage par drones et « nez électroniques »

En 2019, l’inspection compétente (ILT, Inspectie Leefomgeving en Transport) et d’autres services publics ont organisé une série de contrôles « exploratoires » sur différents axes fluviaux pour vérifier le respect des interdictions de dégazer des citerniers durant la navigation. Ils ont révélé que des infractions sont encore commises régulièrement. Lors d’un de ces contrôles, au moins 5 des 70 bateaux de passage ont été pris en défaut.

Les contrôles s’effectuent le long des voies navigables notamment au moyen d’installation fixes équipées de « nez électroniques » (e-noses) et de drones. « Ces derniers sont utiles pour des reconnaissances rapides de bateaux en mouvement ou à l’arrêt et peuvent être utilisés de façon flexible », note l’ILT à ce propos. En cas d’infraction, un patrouilleur de Rijkswaterstaat peut intervenir pour une enquête plus poussée. Le bateau-citerne peut également être visité lors de son arrêt suivant.

En attendant l’instauration d’une interdiction généralisée s’appuyant sur la CDNI révisée, ces inspections ont été réalisées sur base de la convention ADN sur le transport de produits dangereux par la navigation intérieure. Celle-ci interdit notamment de libérer certains résidus vaporeux toxiques à proximité d’écluses, de ponts ou de zones à forte densité de population. « L’ILT ne peut pas sanctionner sur base des interdictions provinciales », soulignait le service lors de la présentation des résultats de ces contrôles, qui devaient se répéter cette année 2020.

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