Faut-il y voir un effet « élargissement du canal de Panama »? Le volume de conteneurs transitant par les ports de la côte Est américaine a augmenté de 46,8 % depuis 2008, tandis que la croissance le long de la côte Ouest a été dans le même temps beaucoup plus lente, à 18,4 %.
Si les investissements annoncés se concrétisent, les ports du sud-est américain devraient se rendre encore plus attractifs. Le plus entreprenant de ce point de vue est sans doute Savannah, qui fait partie de ces infrastructures de la côte atlantique profitant à plein de l’élargissement du canal de Panama. Le 38e port mondial avec 4,6 MEVP vit une constante et forte croissance depuis 2000 (+ 8 % en 2018, + 6 % en 2019)
Entre janvier et mai, le terminal de Garden City a traité un volume de conteneurs à l’export (593 195 EVP) bien supérieur à tout autre port du pays, représentant ainsi 12,2 % du volume de fret conteneurisé américain.
« L’industrie diversifiée de la Géorgie, sa position de grand producteur agricole [le coton est en augmentation de 60 %, NDLR] et sa situation centrale dans le sud-est des États-Unis ont contribué à atténuer les impacts de la pandémie sur nos terminaux », explique Griff Lynch, le CEO de la Georgia Ports Authority (GPA).
Savannah pousse les murs
Face à la saturation prochaine de ses terminaux, la GPA, qui gère le 4e port américain par la capacité annuelle (11 MEVP), a sorti le carnet de chèques pour faire cette fois un grand bond en avant. Pour ce faire, elle prévoit de développer, sur une superficie de plus de 485 ha, un second terminal à conteneurs sur l’île Hutchinson, en amont de la rivière Savannah, au-delà de son premier terminal à conteneurs Garden City Terminal et face à celui d’Ocean Terminal. À terme, il aura une capacité annuelle de 2,5 MEVP.
Avant cela, elle avance sur ses plans d’expansion. Entre décembre 2019 et mars 2020, Savannah a reçu six grues de quai néo-panamax de marque Konecranes, portant son total à 36, plus que tout autre terminal en Amérique du Nord.
Garden City Terminal a reçu en outre, en juillet, deux nouvelles grues navires-terre pour traiter des unités jusqu’à 4 800 EVP, auparavant desservis au poste d’amarrage 1 du terminal Garden. La rénovation du poste d’amarrage, effective en 2023, est nécessaire pour accueillir des navires supplémentaires de 14 000 EVP.
D’ici 2027, a planifié Griff Lynch, le CEO de la GPA, 12 nouvelles grues d’une hauteur de 51 m peupleront les quais.
Soignant son extension à terre, 220 M$ ont été sanctuarisés pour le développement d’un terminal ferroviaire, dont la première phase a été livrée en mai. À l’ouverture de la seconde phase, en fin d’année, Savannah pourra transporter 1 million de conteneurs par an via le rail. À terme, le Mason Mega Rail Terminal doublera la capacité ferroviaire, à 2 MEVP par an. Cette capacité supplémentaire permettra à GPA d’étendre les services vers le sud-est et le Midwest des États-Unis, a franchi une étape importante.
Relié au Golfe du Mexique, le port est-américain a maille à partir avec une forte concurrence au sein de sa « zone de chalandise », principalement Charleston en Caroline du Sud (2,4 MEVP, + 6 % en 2018, + 5 % en 2019) au Nord et Jacksonville en Floride (1,33 MEVP, + 23 % en 2018, + 5 % en 2019) au sud. Tout en se faisant concurrence, les États voisins de la Géorgie et de la Caroline du Sud s’étaient mis d’accord pour développer un nouveau port en eaux profondes dans le comté de Jasper. Il ferait de facto partie du port de Savannah mais situé en Caroline du Sud. Après d’interminables tractations, le projet semble en « veilleuse ».
Wilmington porté par les reefers
Dans la région, en Caroline du Nord, un autre projet d’expansion à grande échelle d’un port à conteneurs est prévu à Wilmington, porté par l’émirati Gulftainer, sur le site d’une ancienne usine chimique. L’installation a été planifiée pour porter la capacité à 1,2 MEVP et notamment tripler celle des conteneurs réfrigérés (dont les volumes ont quadruplé depuis 2014). Le chantier nécessite un engagement de 200 M$.
En avril, un nouveau parc à conteneurs reefers a fait passer de 235 à 775 le nombre de prises sur le terminal du port, avec la possibilité d’augmenter à plus de 1 000 unités au cours d’une seconde phase. Un investissement de 14 M$ jugé nécessaire par Robert A. Wicker, président du conseil d’administration de l’autorité portuaire de Caroline du Nord, pour imposer Wilmington comme « un centre de premier plan pour les denrées périssables ».
Depuis le début de son année fiscale (juillet 2019-avril 2020), le port a enregistré une croissance des reefers de 20 %, dopée par les exportations des produits à base de porc et de volaille.
Mobile et Philadelphie, des prétentions
Plus au sud, bordant le golfe du Mexique, l’Autorité portuaire de l’État d’Alabama (ASPA), qui gère Mobile Port, a reçu en septembre 2019 l’autorisation fédérale pour approfondir le seul port en eaux profondes de l’État en vue de porter les tirants d’eau de deux postes d’amarrage à 15,80 m et 15,20 m. Cette nouvelle phase d’expansion suit de peu de précédents investissements (lancés en 2017) de 50 M$ en faveur du seul terminal à conteneurs (APMT Mobile) opéré aujourd’hui par un joint-venture entre APM Terminals et ASPA. Une ligne de quai portée à 730 m permet d’accueillir simultanément deux navires de plus de 10 000 EVP. Le port américain est desservi par 2M et de Ocean Alliance avec des navires de 6 000 à 8 000 EVP.
Philadelphie, dit Philaport, au nord-est des États-Unis, planté entre New York et Washington, est aussi engagé dans un programme d’investissement de 200 M$ visant à faire passer de 0,5 à 0,9 MEVP la capacité de Packer Avenue Marine Terminal (PAMT), l’un de ses deux terminaux à conteneurs, exploité par Holt Logistics. L’installation est sur les radars des lignes de Maersk/Hamburg Süd, MSC et CMA CGM, où les plus gros navires à faire escale sont des néo-panamax de 8 800 à 12 000 EVP.