Usines chinoises désertées, routes fermées, vols annulés, escales reportées… En infectant les individus, le coronavirus affecte également des pans entiers de l’industrie mondiale, occasionnant des ruptures d’approvisionnement dans les chaînes de production et des pénuries en prévision une fois les stocks épuisés. "Tout ce que l’on reçoit depuis deux, trois semaines a été chargé avant que l’épidémie soit déclarée. Shanghai et Pékin sont impactés, les escales de navires sont annulées, les productions sont arrêtées", indique-t-on chez Decathlon.
Plus de conducteur routier
"Les congés du Nouvel An Chinois sont prolongés jusqu’au 17 février. La logistique est le plus gros problème auquel sont confrontées les entreprises, il n’y a plus de conducteur routier. Seulement les personnes strictement indispensables à leur entreprise ont repris le travail ce matin", explique l’avocat d’affaires Bruno Lefebure, spécialiste de la Chine, en lien constant avec les conseillers du commerce extérieur.
Outre les annonces faites ces derniers jours par les poids lourds de l’industrie automobile – Renault, Fiat, Chrysler, Hyundai – et aéronautique, avec la suspension d’activité du site d’assemblage de l’A320, les importateurs mondiaux de produits fabriqués en Chine s’alarment. La Chine ayant trusté ces vingt dernières années l’économie mondiale, difficile de trouver d’autres fournisseurs au pied levé. Une situation qui désorganise totalement la chaîne du transport international, avec un impact croissant sur le fret aérien et maritime comme le souligne l’association internationale des commissionnaires de transport aérien, FIATA. "La décision du gouvernement de prolonger le Nouvel An chinois et les nouvelles restrictions à la circulation des personnes en Chine ont un effet en aval significatif sur la circulation des marchandises, ce qui pose des problèmes aux transitaires internationaux", a déclaré Stéphane Graber, directeur général de la FIATA.
AirBridge Cargo suspend ses vols tout-cargo
Air France, British Airways, Air Canada, Lufthansa, American Airlines, United Airlines, American Airlines ou Delta ont suspendu fin janvier, et pour une durée indéterminée, leurs vols vers la Chine continentale, pour tenter de freiner la propagation du virus. Les compagnies ont également restreint leurs vols en provenance et à destination de Hong Kong.
Le fret aérien transporté principalement dans les soutes des avions passagers reste donc coincé sur le tarmac. La compagnie russe AirBridge Cargo a annoncé ce 10 février l’annulation de tous ses vols sur la Chine jusqu’au 19 février. Opérant des B 747 au départ de Charles de Gaulle, la compagnie demande aux chargeurs de récupérer le fret sur l’aéroport auprès de WFS.
En pleine crise, les compagnies tentent de rassurer
Dans un courrier à sa clientèle, Dachser indique qu’une équipe "d'experts travaille en priorité sur des options et des itinéraires alternatifs qui permettent le transport urgent de fret aérien vers et depuis la Chine et Hong Kong", assure le groupe, qui suspend temporairement tous les accords tarifaires concernant le fret aérien vers/depuis la Chine et Hong Kong.
S’agissant du transport maritime, la Chine, qui concentre à elle seule un quart des échanges mondiaux de conteneurs, a un impact retentissant sur les lignes régulières. Les compagnies Maersk, CMA CGM, MSC multiplient les annulations d'escales. Se voulant rassurantes, elles indiquent que les annulations ne concernent que les ports situés sur la rivière Yangtsé, dans la province du Hubei autour de Wuhan, devenue la cité interdite. L’alliance One indique que "ses opérations sont normales, à l’exception des escales dans les ports du Hubei". Pourtant, Shanghai, la ville aux 27 millions d’habitants, est déserte. Difficile d’imaginer que les opérations fonctionnent normalement. "Malheureusement, le virus se propage très rapidement maintenant. Shanghai et Pékin sont déjà confrontés à de sérieuses menaces", témoigne le correspondant en Chine du transitaire Galax.
10 jours d’arrêt à Shanghai = le trafic annuel de Fos
"Le port de Shanghai à l’arrêt, c’est 100 000 EVP par jour, soit en 10 jours l’équivalant annuel de Fos-sur-Mer", indique un spécialiste français du transport maritime. En Chine, les conteneurs se trouvent bloqués à quai. Une situation qui alarme les transitaires en raison des frais supplémentaires de surestaries pour les conteneurs bloqués dans les ports chinois. Qui plus est, la mobilisation des conteneurs reefers en Chine a d’ores et déjà entraîné une pénurie de ces boîtes affectant les expéditions de fruits d’Amérique latine vers l’Europe.
"Ce qui se passe en Chine ne doit pas être considéré comme une opportunité pour les compagnies maritimes de réaliser des bénéfices exceptionnels pour compenser d'autres dépenses de fonctionnement. La FIATA, et ses membres en particulier, et la communauté commerciale dans son ensemble, surveilleront avec intérêt la manière dont cette responsabilité est exercée", avertit Stéphane Graber. L’association FIATA a d’ailleurs alerté la Commission maritime fédérale au sujet des surestaries en cas d’événement de force majeure. Réponse directe de CMA CGM, l’allocation de "free time" additionnel pour les charges de détention et surestaries dans les ports chinois. "Pour les conteneurs qui ont déjà dépassé leur période de free-time standard, une période de free time additionnelle, qui s’étend du 31 janvier au 9 février inclus, sera allouée", a indiqué l’armement français.
Le trafic ferroviaire entre l’Europe et la Chine est également impacté par l’épidémie de coronavirus. Ziegler, dans une note du 6 février, informe sa clientèle de l’interdiction de circuler pour les trains en provenance de la province chinoise du Hubei jusqu’à fin février et de la fermeture d’un centre logistique sur la Nouvelle Route de la Soie. Des trains qui arrivaient directement depuis la Chine jusqu’à Liège.