[Édito] Nous serons alors tous Seinomarins…
Au pays des promesses-faussaires, les politiques portuaires nationales ont quelques années d’avance. Des stratégies débordant d’orgueil aux fanfaronnades triomphales, des rétropédalages aux interminables arbitrages qui ont risqué le claquage à trop s’étirer, il nous est promis depuis des années le Grand Soir portuaire sans que la révolution n'opère. Malgré une abondante étiologie sur la pathologie du rail et du fleuve, les ports français restent de grands corps malades du report modal. Un mur contre lequel se fracasse le conteneur, mesure-étalon des échanges internationaux.
En dépit de ses 3 000 km de côtes et de son domaine maritime parmi les plus étendus au monde, la France voit ses ports écrasés par la puissance de feu commerciale de ses grands voisins nord-Européens et notamment Anvers, le bien nommé « premier port français ».
Pendant que l'Hexagone opérait ses grandes purges à coups de grandes réformes, ses amis du range Nord investissaient à sa place dans les pré- et post-acheminements de/vers la plupart des grandes régions françaises. Et c’est bien par la mise en œuvre de ces corridors multimodaux de longue portée avec ses services associés aux flux qu’ils règnent sur l’Europe en maîtres absolus.
Accouchée dans la souffrance, la fusion des trois ports de l’axe Seine braconne dans ce champ. Incarnation d’une ambition portuaire renouvelée portée par le très Havrais Édouard Philippe. Ligne directrice de la vision d’un président maritimiste rattrapé par l’obsession axiale (Seine, Nord et Rhône-Saône-Méditerranée).
Confier la création de ce grand port fluvio-maritime draguant l'estuaire de la Seine à Stéphane Raison, précédé d’une solide réputation d’efficacité au port de Dunkerque, a mis un peu de baume sur le vague à l’âme de ceux qui attendent de l'agressivité commerciale en lieu et place des
mots-valises contenus dans les grands projets stratégiques. Un sursaut d'abord, le grand saut vers un nouveau modèle après.
La suite devra s’écrire sans indication du metteur en scène qui a déserté le plateau à la fin de l’été. Son départ laisse son coscénariste, Kris Danaradjou, seul à la réalisation. Il ne pourra pas lui être fait un procès en illégitimité mais il lui reste moins de deux ans pour légitimer la généreuse ligne budgétaire qui lui a été allouée par un Comité interministériel de la mer, très chiche à l’endroit des autres ports. Puisse Haropa Port servir de tête de proue au renouveau tant différé. Nous serons alors tous Seinomarins…
Adeline Descamps
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