La croissance en volume (corrigée de l'inflation) du commerce mondial des marchandises devrait être de 2,6 % en 2024 (contre une prévision de 3,3 % en octobre) et de 3,3 % en 2025, après avoir baissé d'1,2 % l'an dernier, selon les chiffres annuels de l'Organisation mondiale du commerce, qui prévient « des risques de détérioration importants » le 10 avril.
« Nous progressons vers une reprise du commerce mondial, [mais] il est impératif de limiter les risques comme les troubles géopolitiques et la fragmentation des échanges, pour maintenir la croissance économique et la stabilité », a commenté Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l'OMC.
Croissance stable du PIB mondial
Le rapport estime que la croissance du PIB mondial restera stable dans l'ensemble au cours des deux années à venir, devant atteindre 2,6 % en 2024 et 2,7 % en 2025.
L'an dernier, les prix de l'énergie élevés et l'inflation ont continué de peser lourdement sur la demande de produits manufacturés, en particulier en Europe, entraînant une baisse d'1,2 % du commerce mondial des marchandises en volume, alors que l'OMC tablait sur une légère hausse de 0,8 % en octobre.
« L'environnement commercial est manifestement difficile, mais il ne faut pas pour autant dresser un tableau trop sombre », souligne Ralph Ossa, économiste en chef de l'OMC, qui précise que la baisse d’1,2 % n'était que sur un an et que le commerce des marchandises avait augmenté de 6,3 % par rapport au pic observé avant la pandémie du troisième trimestre 2019 et de 19,1 % par rapport à 2015.
L'OMC s'attend à ce que toutes les régions apportent des contributions positives à la croissance des exportations et des importations en 2024, avec une « impulsion particulière donnée par l'Asie », a indiqué Ralph Ossa.
Influence positive des JO et de l'Euro 2024 pour les services
L'OMC ne fait pas de prévisions pour le commerce mondial des services, mais souligne qu'il a augmenté de 9 % en 2023, et l'organisation s'attend à ce que les événements sportifs qui doivent avoir lieu en Europe durant l'été (Jeux olympiques et Euro 2024) stimulent le tourisme et le transport de passagers.
Les pressions inflationnistes devraient s'atténuer cette année, permettant aux revenus réels de croître à nouveau — en particulier dans les économies avancées —, ce qui stimulera la consommation de produits manufacturés, selon l'OMC qui note qu'une reprise est déjà manifeste.
Gare aux incertitudes
Mais les tensions géopolitiques et l'incertitude des politiques économiques pourraient entraîner de fortes hausses des prix des produits alimentaires et de l'énergie, limitant l'ampleur de la reprise.
Selon l'OMC, si l'impact économique des perturbations dans le canal de Suez qui découlent de la guerre à Gaza a été jusqu'ici relativement limité, certains secteurs, comme ceux des produits de l'industrie automobile, des engrais et du commerce de détail, ont déjà été affectés par des retards et des hausses des coûts de fret.
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« Fragmentation » du commerce mondial
« Nous ne voyons absolument pas de démondialisation », mais il y a des signes de « fragmentation » du commerce mondial, observe Ralph Ossa. Ainsi, le commerce bilatéral entre les États-Unis et la Chine, à un niveau record en 2022, a enregistré en 2023 une croissance de 30 % inférieure à celle des échanges de ces deux pays avec le reste du monde.
L'OMC met donc en garde contre les différentes velléités que peuvent avoir certains pays ou politiques d'accroître le protectionnisme.
« Nous nous trouvons clairement à un moment important de l'histoire de la mondialisation. Je pense que de nombreux gouvernements évaluent ou réévaluent peut-être leurs choix en matière de politique commerciale et, bien entendu, cela aura des conséquences sur l'évolution du commerce international », indique Ralph Ossa.
Rien que « le fait de ne pas savoir comment certains de ces choix politiques sont faits et cette incertitude en matière de politique commerciale sont déjà en soi un frein au commerce international », précise-t-il, pointant du doigt les dizaines d'élections politiques nationales qui ont lieu cette année dans le monde, y compris aux États-Unis.
Agnès Pedrero