Søren Toft, le PDG de MSC, a été élu à la tête du conseil d’administration de World Shipping Council (WSC) une des principales associations professionnelles représentant le transport maritime de la ligne régulière (90 % des armateurs de porte-conteneurs avec 20 membres). Il sera secondé par Randy Chen, vice-président de Wan Hai Lines, le troisième transporteur taïwanais et 11e mondial, où il pilote le développement international, par ailleurs très actif dans les associations du secteur à l'instar de l'Asian Shipowners' Forum.
Tous deux succèdent, avec effet immédiat et pour deux ans, à Rolf Habben Jensen, CEO de Hapag-Lloyd, et à Jeremy Nixon, son homologue de Ocean Network Express (ONE), les numéros cinq et six mondiaux qui ont tenu conjointement la barre pendant quatre ans (depuis novembre 2020). À un moment critique pour le secteur du conteneur (boom de la demande de transport induite par la pandémie, explosion des taux de fret et grandes perturbations en mer).
Basée à Washington, l’organisation américaine dirigée par Joe Kramek, est implantée sur le Vieux Continent à Bruxelles et à Londres (Singapour pour l’Asie). Elle est connue pour ses positions sur la décarbonation, défendant une ligne claire et dure (normes internationales strictes). Elle plaide à l'OMI en faveur de la mise en œuvre de mesures de marché, estimant que sans fiscalité incitative, les combustibles sans fossiles resteront peu compétitifs, et d’une tarification du carbone basée sur les tonnes de CO2 émises ou de carburant consommées. Les recettes, estimées à 5 Md$, doivent être selon elles prioritairement affectées à la R&D de combustibles verts, programme qui serait géré par un Conseil international de la recherche et du développement maritimes (IMRB), sous la supervision de l'OMI.
Organisation assidue aux mesures de marché et...
Sa dernière proposition, présentée en amont du MEPC82 de l’OMI, s’appuie sur un dispositif appelé « mécanisme d'équilibre vert ». Il s'agit d'une mesure réglementaire qui fixerait un prix sur les combustibles fossiles et les fonds seraient fléchés vers des carburants à plus faible intensité de gaz à effet de serre de sorte que le coût moyen des combustibles soit à peu près égal. La redevance serait ajustée chaque année en fonction de la quantité de carburant vert utilisée et des prix du marché ainsi que des progrès réalisés pour atteindre l'objectif initial de réduction de 65 % des émissions de carbone de l'industrie. Parallèlement, tous les carburants qui permettront de réduire les émissions au-delà des normes établies recevraient une allocation proportionnelle à la réduction qu'ils permettent d'obtenir.
...proactive dans la perte de conteneurs
Dans le domaine de la sécurité, elle est à l’initiative d’une enquête annuelle sur la perte de conteneurs en mer qui fait référence (221 boîtes en 2023 mais qui peuvent aller au-delà des 1 000 selon les années). Avec trois autres organisations internationales de transport et de manutention de fret, elle est à l’origine de guides pratiques sur les normes d'emballage, de manutention et de stockage des conteneurs ainsi que sur les règles d’arrimage à bord afin de prévenir les accidents.
Elle est également très impliquée en matière de piraterie – en tant que signataire de la déclaration du golfe de Guinée –, notamment pour aider les exploitants de navires à détecter, éviter, dissuader signaler les attaques de pirates. Mais au-delà, elle défend l’idée qu’il faut d’abord travailler sur les causes sous-jacentes de la piraterie à terre comme la pauvreté.
Søren Toft, un exfiltré de Maersk
« Un monde en constante évolution présente à la fois des défis et des opportunités pour notre industrie, a commenté le nouveau président du conseil d'administration à l’occasion de son élection, s’engageant à « poursuivre son travail pour façonner la croissance future d'une industrie maritime socialement responsable, écologiquement durable, sûre et sécurisée ». Il s’engage à la tête de l’organisation professionnelle à un moment intéressant de l’histoire du transport maritime de conteneurs, à l’heure où les stratégies s’aiguisent (notamment dans la logistique) et que des choix technologiques sont à opérer pour assurer le verdissement de la flotte.
Søren Toft est arrivé à la tête de MSC en décembre 2020, un an après avoir quitté son poste de directeur de l'exploitation de Maersk, dernier poste en date occupé au sein du groupe d'A.P. Møller-Mærsk où il était entré en 1994 et pour lequel il a dirigé Hamburg Süd – après en avoir supervisé l'acquisition et l'intégration (2017) – mais aussi Maersk Oil Trading et Maersk Container Industry.
Le transporteur suisse n’était alors pas encore leader (avec 6,3 MEVP, 20 % du marché mondial, 131 navires en commande) mais numéro deux du transport maritime de conteneur. Le périmètre d’intervention du dirigeant comprend aussi la logistique (Medlog, Log-in Logistica), le freight cargo (MSC Air Cargo) et le remorquage avec MedTug. Il est également membre du conseil d'administration de Til, l’opérateur de terminaux portuaires, détenue majoritairement par MSC.
Son arrivée au sein d’un groupe à la dynastie familiale avait été précédée par des mouvements d’actionnariat majeurs : le fondateur, Gianluigi Aponte (79 ans à l’époque), actionnaire majoritaire et président du conseil d'administration, venait de passer les rênes son fils, Diego, lui-même dans l'entreprise familiale depuis 1997 et à la direction générale depuis 2014
Des interventions publiques mesurées mais...
Son verbe est rare. Depuis son arrivée à la tête de MSC, le dirigeant est sorti à de rares occasions de sa période de réserve. C’est lui qui avait cependant annoncé la première commande de onze navires de 15 300 EVP au GNL de MSC en mai 2021.
Par ses propos, il a pu se montrer à un moment donné sceptique sur la date butoir de décarbonation à 2050 et sur « les objectifs à moyen terme » pour y parvenir. Mais Søren Toft est en phase avec les positions du WSC, partisan lui aussi d'un fonds de R&D avec un statut d’ONG supervisée par les États membres de l'OMI. Alimenté par une contribution obligatoire sur la tonne de carburant, il estime même que « le montant initial de ce fonds destiné à accélérer les ruptures technologiques pourrait être porté à 10 Md$ voire plus. »
... en phase avec le World Shipping Council
Dans un entretien accordé au Financial Times publié en juin 2021, il n’avait pas mâché ses mots à l’égard des « plans de l'Union européenne » pour réduire les émissions de carbone, estimant qu’ils auraient un effet contreproductif si les carburants à faible teneur en carbone n'étaient pas facilement disponibles. Le service de presse de MSC avait dû rétropédaler pour éteindre le départ de feu médiatique.
Depuis cette erreur à l’allumage, il s’est contenté de défendre clairement l'introduction de mécanismes basés sur le marché, et notamment une taxation sur le carbone, mais sans mettre le curseur sur le prix à la tonne de CO2 nécessaire pour être suffisamment dissuasif.
Adeline Descamps
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