Il n'en faudrait pas davantage pour trahir les sentiments de la direction de ZIM. La compagnie, qui a connu en 2022 l’une des plus fortes croissances parmi les dix premiers armateurs de porte-conteneurs, s’attend à un exercice déficitaire pour l’année 2023 alors qu’elle gageait encore en mars sur un bénéfice annuel, compris entre 100 et 500 M$.
Pertes d'exploitation pourraient entre 100 et 500 M$
Rétropédalage. La direction de ZIM ne croit visiblement plus à une reprise des taux de fret d'ici la fin d’année : elle considère désormais que ses pertes d'exploitation pourraient s’élever entre 100 et 500 M$ en 2023.
L'Ebitda (résultat opérationnel avant amortissements et dépréciations) devrait être, lui, plus proche de 1,2 à 1,6 Md$ que de 1,8 à 2,2 Md$ comme anticipé initialement.
« Bien que nos résultats du deuxième trimestre soient globalement conformes à nos attentes, nous ne prévoyons plus d'amélioration des taux de fret au second semestre 2023, conformément à la saisonnalité, comme nous l'avions supposé précédemment », a expliqué Eli Glickman, le PDG de ZIM.
La reprise reportée à 2024
Le sentiment de marché s’est dégradé et le consensus autour d'une reprise durant le second semestre s’effrite au fur et à mesure que les transporteurs de conteneurs publient leurs résultats du deuxième trimestre.
Les transporteurs de conteneurs soutiennent unanimement depuis de long mois que les excédents de stocks finiront par se résorber et que la nécessité de les reconstituer coïnciderait avec les réservations d'avant Noël, ce qui entraînerait une meilleure performance au second semestre. Ils sont de moins en moins nombreux à y croire.
Baisse de 64 % du revenu moyen par EVP
Le revenu moyen par EVP de ZIM est tombé à 1 390 $ au cours des trois premiers mois de l'année, soit une baisse de 64 % par rapport à 2022, tandis que les chargements ont atteint 769 000 EVP, le niveau le plus bas depuis le troisième trimestre de 2020.
Le dixième armateur de la ligne régulière avec 582 913 EVP (2,1 % de part de marché mondial) est aussi, avec Wan Hai Lines (n°11), le premier à avoir annoncé des pertes d'exploitation au premier trimestre : une perte nette de 58 M$ et une perte d'exploitation de 14 M$.
Seuls huit navires en propriété
Il est des signes qui ne trompent pas. Pour réduire ses coûts, la compagnie, dont la politique d’exploitation est exclusivement basée sur l’affrètement (134 navires dont seuls huit en propriété), dispose d’un levier : 17 contrats doivent être renouvelés cette année et 27 l'année prochaine, alors que 38 nouveaux navires affrétés devraient être livrés au cours de la même période.
La société cotée en bourse de New York est en train de se délester de plusieurs navires en leasing (cinq résiliations connues et au moins quatre supplémentaires en cours de rétractation) soit en négociant une anticipation du terme soit en sous-louant.
Revoyure des affrètements
Deux d'entre eux concernent des unités de 4 250 EVP (Rena P et Emmanuel P) appartenant à Euroseas, qui les avaient achetées à Seaspan pour 37 M$ (le duo) en mai 2022, avec les chartes attachées à ZIM.
La société a accepté de mettre fin à l'affrètement actuel du Rena P (2007) qui expirait initialement en février 2025 et qui avait été fixé à un taux de 20 250 $/j jusqu'en avril 2024, puis à un taux basé sur l'indice Contex avec un plancher de 13 000 $ et un plafond de 21 000 $ par jour.
Pour le Emmanuel P, construit en 2005, l'affrètement à un taux de 19 000 dollars par jour devait prendre fin en mars 2025.
Parallèlement, Euroseas a conclu un nouveau contrat d'affrètement à temps pour une période minimale de vingt moins à un taux journalier brut de 21 000 $. Le nouvel affrètement (à OOCL) débutera en août 2023, à la suite de la résiliation du contrat actuel.
« Ces affrètements devraient apporter entre 2 et 4 M$ de revenus supplémentaires pour la même période », a souligné à cette occasion Aristides Pittas, le PDG d'Euroseas.
Sous-location de navires
D’après plusieurs courtiers, l’entreprise a par ailleurs sous-loué le ZIM Pusan à Maersk pour une période de deux à cinq mois à 36 500 $/j. Le porte-conteneurs 6 078 EVP a été contracté par ZIM en décembre 2021 pour une durée de trois ans à 55 000 $/j.
Propriété de Global Ship, Le Ian H a été sous-loué à Emirates Shipping Line à 32 000 $/j. Le navire de 5 936 EVP a été affrété par ZIM à 32 500 $/j jusqu'au deuxième trimestre 2024.
Le Volans (4 258 EVP) que ZIM a fixé auprès de Costamare jusqu'en avril 2024 au prix de 24 250 $ par jour a été prêté, selon Braemar, à Hapag-Lloyd pour 21 750 $/j pendant 11 à 14 mois à partir du mois d'août.
Il était question que les Zim Vancouver, Zim Shekou, Zim Yokohama et Zim Qingdao (des unités de 4 250 EVP) soient vendues à MSC par l'actuel propriétaire Chartworld. Une information révélée par le média TradeWinds mais la transaction aurait échoué selon Alphaliner.
Croissance en capacité
Pour autant, ZIM fait partie des compagnies ayant connu une croissance plus rapide (+ 13,3 % contre 3,5 % pour la flotte mondiale) dans un marché de plus en plus difficile pour les opérateurs de lignes régulières.
L’armateur est aussi parmi les dix premiers du secteur, à afficher le ratio le plus élevé entre le carnet de commandes et la flotte en service (52,1 %).
En supposant que les nouveaux navires se substitueront aux affrètements, l’équilibre entre l’offre et la demande restera un défi. A fortiori pour deux qui ont grossi pendant la pandémie.
Adeline Descamps