La tenue de route est excellente. Les transporteurs de véhicules ont le centre de gravité bas, celui qui assure la meilleure stabilité. Depuis bien des mois, les opérateurs de car-carriers vivent leur « moment », un temps qu'ils n'avaient pas connu depuis la crise financière de 2008-2009.
Le transport de véhicules est porté par la croissance des ventes d'automobiles au niveau mondial, l’engouement pour les véhicules électriques et l’effet rattrapage après deux années qui ont perturbé l’approvisionnement des chaînes de production (en manque de composants électroniques notamment) et différé/refoulé la demande. Celle-ci se débride désormais.
Quatorze millions de voitures électriques vendues dans le monde en 2023
Les ventes mondiales de véhicules légers ont ainsi augmenté de 2 % au premier trimestre 2023 par rapport à la même période de l’an dernier, « grâce à l'accélération de la production soutenue par l'amélioration de la disponibilité des semi-conducteurs et l'atténuation d'autres perturbations de la production », confirme Hoëgh Autoliners, un des grands acteurs du secteur, dont Maersk est le principal actionnaire à hauteur de 19,34 % (contre 26 % il y a encore peu de temps).
D’après l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les ventes de voitures électriques devraient représenter près de 18 % des ventes totales de voitures neuves dans le monde.
En 2022, le cap des 10 millions d'unités a été franchi au niveau mondial, en hausse de 55 %, représentant 14 % de toutes les voitures immatriculées, contre 9 % en 2021 et 5 % en 2020.
L'acteur principal de cette croissance très rapide est la Chine, qui a compté en 2022 à elle seule pour près de 60% des ventes mondiales de voitures électriques. favorisant le transport maritime long-courrier. Elle distance, et de loin, l'Europe (15 %) et les États-Unis (8 %), où les ventes de véhicules électriques ont néanmoins fortement augmenté l'an dernier par rapport à 2021, respectivement de 15 et de 55 % (les ventes américaines étant stimulées par l'Inflation Reduction Act).
Après 2,3 millions d'immatriculations au premier trimestre, il devrait se vendre 14 millions de voitures électriques dans le monde d'ici la fin de l'année, ce qui correspondrait à une part de marché de 18 %.
À plus long terme, l'AIE estime qu'en 2030, les voitures à zéro émission représenteront 35 % des immatriculations mondiales. La Chine restera en tête (40 %), suivie de près par l'Europe (25 %) et les États-Unis (20 %).
Hoëgh Autoliner : des marchés de destination très porteurs
« Les ventes de véhicules sur nos principaux marchés de destination ont augmenté de 10 % entre le premier trimestre 2022 et 2023 et de 1 % par rapport au précédent trimestre, déclare pour sa part Hoëgh Autoliners. Les exportations de véhicules de l'Asie en janvier-février ont augmenté de 21 % grâce à la très forte croissance des expéditions chinoises, et de celle de la Corée du Sud. Les expéditions en provenance du Japon sont restées stables ».
Les exportations chinoises vers l'Europe ont bondi de 63 % tandis que les expéditions de véhicules depuis Corée du Sud vers les États-Unis ont augmenté de 38 %, poursuit le transporteur norvégien. En sortie de l'Europe, les flux se sont aussi nettement améliorés en janvier-février, enregistrant une croissance de 45 % en glissement annuel, précise-t-il.
Aucun navire disponible
Avec l'achat des Höegh Berlin et Höegh Tracer en mars, deux navires affrétés jusqu'alors, le transporteur norvégien dispose d'une flotte de 31 navires en propriété, de trois navires affrétés coque nue avec option d'achat et de 3 navires affrétés à moyen terme. « Tous les navires sont pleinement utilisés. Tous les contrats d'affrètement à temps ont été renouvelés jusqu'en 2025-2026 », fait valoir le PDG Andreas Enger, qui évoque une année « extraordinaire ».
Un bénéfice d'exploitation tiré par les taux de fret
En 2022, le résultat net s'était élevé à 299 M$, contre une perte de 19 M$ en 2020 et un bénéfice de 125 M$ en 2021. Le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements (Ebitda) avait frôlé les 450 M$, plus du double des 203 M$ enregistrés en 2021.
Et le premier trimestre 2023 a été du même acabit. « C’est le plus solide jamais enregistré avec un bénéfice d'exploitation de 171 M$ [versus 156 M$ au quatrième trimestre 2022 et 78 millions au premier trimestre 2022] et un résultat net de 117 M$ [118 M$ au au quatrième trimestre et 36 M$ au premier trimestre 2022] », annonce la société.
L’Ebitda a été tiré par des taux de fret brut en hausse de 2 % par rapport au quatrième trimestre 2022, ainsi que par la réévaluation des contrats. L’ensemble a porté ses revenus à 354 M$, contre 266 M$ il y a un an à la même période.
Au titre du premier trimestre, Höegh Autoliners devrait verser un dividende de 60M$.
Moins porteur pour Wallenius Wilhelmsen
Le premier trimestre n'a pas été aussi bon pour l’autre norvégien, Wallenius Wilhelmsen, bien qu'il s'agisse du troisième meilleur résultat opérationnel (Ebitda) pour le leader du secteur. Le chiffre d'affaires s'est élevé à 1,25 Md$, 6 % en-deçà des attentes du consensus financier tandis que l'Ebitda s'est élevé à 398 M$, également de 11 % inférieur aux attentes.
Par rapport au quatrième trimestre de 2022, les revenus ont diminué de 7 % mais ont augmenté de 9 % par rapport à l'année précédente. « Les réglementations strictes en matière de biosécurité en Australie ont créé d'importants problèmes de congestion pour nos opérations de transport maritime et de terminaux », décrypte Lasse Kristoffersen, le CEO de Wallenius Wilhelmesen dans le rapport d'activité.
134 navires attendus d'ici 2027
Le dirigeant s'attend néanmoins à ce que le marché du transport de véhicules reste solide jusqu'à la fin de l'année 2023, « notamment en raison des estimations de production de la Chine », ajoute le PDG.
« Les perturbations opérationnelles continuent d'être à l'origine du resserrement des capacités et de l'augmentation des taux de fret », poursuit-il.
« Le faible nombre de nouveaux navires entrant dans la flotte mondiale en 2023, pourrait impliquer une situation d'approvisionnement serré », confirme Andreas Enger, pour Hoëgh Autoliners.
Seuls douze transporteurs de véhicules devraient être livrés en 2023, alors qu'une faible activité de démolition est prévue (trois unités).
D’ici à 2027, la flotte mondiale des pure car and truck carrier (entre 750 et 800 navires totalisant 4 millions de CEU, car equivalent unit), devrait accueillir 134 unités, ce qui équivaut à environ 25 % de la flotte existante.
Des taux d'affrètement en record historique
Cette situation de tension contribue à porter au pinacle les taux d'affrètement (105 000 $ par jour en fin d’année dernière pour un PCTC d'environ 6 500 CEU)
L'effervescence de ce marché est telle qu'il attire les transporteurs de conteneurs : Cosco, CMA CGM et HMM ont tous les trois affrété des transporteurs de véhicules. CMA CGM a ainsi pris en affrètement quatre transporteurs de voitures auprès d'Eastern Pacific shipping (EPS).
Le propriétaire de navires singapourien a déjà six car-carriers en service, de 4 900 et 6 300 EVP, tandis que douze d’une capacité de 7 000 CEU (au GNL) sont en commande chez China Merchants Jinling Shipyard (Weihai) pour livraison entre 2023 et 2025.
Adeline Descamps
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