Fort d'une levée de fonds de 40 M€ bouclée au cours de l’été 2024, le néo-armateur a annoncé, le 24 septembre dernier, le lancement de la construction de son premier voilier cargo, un trimaran, qui devrait entrer en service mi-2026 sur une ligne transatlantique. La découpe de la première tôle est prévue pour janvier 2026 sur les installations que le chantier australien Austral exploite à Balamban, sur l’île de Cebu (Philippines). Pour la conception du trimaran, les équipes australiennes du constructeur sont associées à Mer Concept, l’écurie de course au large créée à Concarneau par François Gabart, qui a aussi participé à la création de Vela.
Une grande partie des équipements du catamaran seront conçus et construits en France, où la filière de la course au large s’adapte pour participer à l’aventure du transport marchand à la voile. « Tout ce qui est au-dessus du pont est français : le mât, les voiles, l’accastillage, les panneaux solaires, assure Pierre-Arnaud Vallon, président de Sail For Goods, la maison-mère de Vela. Au total, 30 % du navire est de source française, principalement les régions Normandie, Bretagne et Nouvelle Aquitaine. « Ces éléments seront envoyés aux Philippines où l’intégration sera faite sur le chantier. Le bateau pourra ensuite parvenir en France à la voile. Cette solution a un impact environnemental moins important que si le bateau avait fait au moteur la traversée jusqu’en France pour y être gréé. »
Bilan carbone aggravé par la température dirigée
La propulsion diesel-électrique, présente à bord, ne sera utilisée que pour les manœuvres de port, ou en cas de nécessité liée à la sécurité. Le trimaran est bien prévu pour naviguer 100 % à la voile. Une stratégie de production à bord d’une électricité verte est aussi mise en place pour alimenter un système de batteries sans lequel le bilan carbone serait très mauvais, puisque le trimaran est prévu pour des transports sous température dirigée. Une partie de la cale est prévue pour des températures de 15 à 25°C, l’autre de 2 à 8°C. Outre l’hydrogénérateur, la production électrique sera assurée par plus de 300 m² de panneaux solaires, ce que permet la surface de pont puisque la coque fait 61 m de long pour 25 m de large.
Point d’équilibre entre maritime et aérien
Le choix de construction répond aussi à une logique de temps de parcours réduit sur la traversée transatlantique, avec un objectif de 15 jours, chargement et déchargement compris. La vitesse de la traversée est un des « différenciateurs » de Vela sur le nouveau marché du transport vélique, selon son président : « La priorité est de répondre à la demande en trouvant un point d’équilibre entre le maritime et l’aérien. C’est cela qui nous a amené à opter pour un trimaran, qui offre vitesse et fiabilité des délais, ce dernier point étant un critère très important pour les chargeurs. Ce type de voilier est performant dans toutes les vitesses de vent. Or, les vents sont souvent très faibles ou très forts dans l’Atlantique Nord »
La fréquence est un autre élément capital. Avec douze rotations transatlantiques par navire et par an, Vela devra disposer de cinq voiliers fin 2028 afin de proposer un départ hebdomadaire. Le second trimaran pourrait entrer en construction six mois après la mise en service du premier, afin de profiter d’un retour d’expérience pour procéder à des améliorations.
Léger déséquilibre des flux
Le choix de l’Atlantique Nord pour cette ligne de transport à la voile répond à trois critères : un régime de vents permettant de naviguer à la voile toute l’année, un contexte géopolitique stable des deux côtés de l’océan, et enfin des flux bien équilibrés entre la France et les États-Unis sur les produits à forte valeur ajoutée : vins et spiritueux, mode, cosmétique, parfumerie, santé et pharmacie, industrie...
Le chargement du navire, d’une capacité de 600 palettes, présente pour l’instant un léger déséquilibre, avec un moindre remplissage au retour des États-Unis. Côté européen, le port d’attache du navire sera Bayonne, où est installé Sail For Goods et des ports de départ, Honfleur, dans l’estuaire de la Seine, la région Normandie étant présente au capital de l’armateur. « Des discussions sont en cours pour un autre en Nouvelle-Aquitaine, qui pourrait être Bordeaux, explique Pierre-Arnaud Vallon. Les navires accosteront à Newark-Port Elizabeth, [New Jersey], « destination de nos clients actuels. D’autres escales pourront être décidées en fonction de la demande », précise le dirigeant.
Étienne Berrier