Transport de céréales : la distance fait la taille

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Le transport de céréales n’échappe pas aux tendances de fond que connaissent tous les autres secteurs du transport maritime : l’accroissement de la taille des navires. Avec cependant des nuances selon le marché visé, les accès nautiques, les équipements des ports et la distance à parcourir.

La Chine voit grand, dans ses commandes et dans les navires qui lui amènent ses céréales. L’Afrique de l’Ouest en revanche, avec des ports souvent nichés le long des fleuves et, par conséquent, de plus faibles tirants d’eau, ne peut accepter que de plus modestes cargos. Certes, la montée en taille des navires a permis des économies d’échelle. Mais cette taille est d’abord fonction des capacités nautiques des ports, souvent ceux de destination de la marchandise. D'autant que dans les pays clients, en Afrique du Nord et de l’Ouest notamment, les quais à forts tirants d’eau sont d’abord réservés aux porte-conteneurs.

Volume moyen chargé en hausse

« La tendance est à la massification des tonnages, mais ce ne sera pas forcément le cas cette année pour les céréales au vu de la faiblesse de la récolte française », confirme Pierre Châtelet. Le courtier, basé à La Rochelle, affrète 180 à 190 bateaux par an, soit 1,3 Mt de marchandises dry en 2019 dont environ 45 % de céréales. « Nous avons expédié récemment 5 000 t à destination de l’Algérie, alors qu’habituellement nous utilisons essentiellement des handysize [25 000 à 35 000 tpl]. Sur un trajet entre Rouen et l’Afrique de l’Ouest, le coût de soute peut représenter jusqu’à 25 à 30 % du coût total. Massifier n’a pas vraiment d’impact sur ce poste car le taux de fret est établi certes selon la taille du navire, mais aussi en fonction de l’offre et de la demande. »

Le tarif des handysize était resté stable depuis le début du printemps puis est reparti à la hausse pour atteindre un niveau très élevé depuis la fin août. En revanche, les années d’abondance comme l’a été 2019, la taille des navires remonte d’un cran. Et ce parce que les volumes disponibles étant plus importants, les pays exportateurs sortent de leur pré carré habituel et trouvent leurs débouchés plus loin. En témoigne le tonnage moyen par navire à Rouen sur les cinq dernières années. Alors qu’il culminait à 15 000 t dans la décennie 2000, il est passé à 20 000 t au cours des cinq dernières années. À La Rochelle, entre 2017 et 2019, les volumes moyens chargés ont augmenté de plus de 30 %.

Des navires, des contraintes

Pour les marchés les plus proches et notamment en intra-communautaire, les transports se font en général par coasters, avec des chargements de deux types, 4000 à 5000 t ou 10 000 à 15 000 t, le plus souvent destinés à l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne. Vers l’Afrique, Nord et Ouest, on passe à la catégorie supérieure des handymax pour des chargements de 25 000 à 35 000 t. Et même plutôt des 15 000 à 25 000 t pour l’Algérie, mais à condition toutefois de ne pas dépasser 180 m de long, soit la taille des quais, ce qui limite les lots à 30 000 t. Au Maroc, la contrainte est imposée par les 9 m de tirant d'eau dans certains ports. En Afrique de l’Ouest, les navires doivent parfois être gréés pour pallier l’insuffisance des moyens de manutention.

Cependant, les aménagements portuaires progressent et certains pays peuvent désormais recevoir des navires de 40 000 voire 50 000 tpl contre seulement 30 000 tpl il y a quelques années. Mais ces navires doivent alors toucher deux ou trois ports de débarquement, faute de capacités de stockage suffisantes pour recevoir une pleine cargaison.

Ajustement permanent

En sortie de mer Noire, les coasters de 6 000 t dominent, mais les 30 000 t et même les supramax (53 000 ou 55 000 t) se font plus présents. Pour la Chine en revanche, pas de navires en dessous de 50 000 t sinon le coût du fret serait trop important. Le panamax (65 000 tpl) est aussi de rigueur pour l’Égypte où les lots sont fixés à 60 000 t pour les achats publics. « Les volumes ont augmenté à destination de la Chine depuis quatre à cinq ans avec surtout des navires qui chargent dans deux ports en France », relève Henri Chotard. « En sortie de Rouen, les navires escalent à La Rochelle ou à Dunkerque, où les conditions nautiques sont meilleures pour charger de plus grandes quantités. »

Les handysize classiques faisaient 20 000 t puis ont dépassé les 30 000 t et les handymax atteignent désormais les 40 000 t. Mais ils restent des handy, c’est-à-dire gréés. Leur exploitation optimale nécessite des lots adaptés. Or la taille moyenne des cargaisons augmente… « On peut imaginer que nos prochains handymax feront 44 000 ou même 46 000 t », prévoit Louis Chêne, responsable des affrètements vracs handy de Louis-Dreyfus Armateurs. « La taille du navire change aussi selon le couple destination-cargaison. » Entre le Brésil et la Chine, le capesize règne, alors qu’entre Rouen et l’Algérie, le handysize s’impose. « Les acheteurs achètent des lots de taille standard, qui correspondent à une taille de navire. L’ajustement est constant entre l’offre de navires et la taille des lots. »

Étienne Berrier

 

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