Pour la première fois depuis plus de dix ans, et même depuis 1997 pour un tel volume, le Brésil, pourtant premier exportateur mondial, a dû acheter du soja aux États-Unis. Dans le même temps, les opérateurs chinois ont d’ores et déjà acquis du soja américain de la récolte de l’automne 2021. Situation tendue sur le marché.
Il faut remonter le temps pour retrouver une situation similaire. Le Brésil, pourtant premier exportateur mondial de soja, a dû s’en procurer auprès des États-Unis. 30 500 t ont ainsi été déchargées lundi du Discoverer, un navire affrété par Louis Dreyfus, sur le port de Paranagua, d'habitude centré uniquement sur les exportations. Même anecdotique, cette livraison illustre une situation délicate sur le marché du soja, base alimentaire de nombreux élevages dans le monde.
La Chine, très demandeur de soja pour soutenir la relance de ses élevages après qu'ils ont été décimés par un long épisode de peste porcine africaine, a absorbé la majeure partie des exportations brésiliennes cette année. Celles-ci ont aussi été dopées par les bisbilles entre Chine et États-Unis et par un taux de change entre le réal et le dollar très favorable à la monnaie du Brésil et à ses productions.
Marché gourmand
Sur un marché très demandeur, le soja a atteint des sommets à la Bourse de Chicago où il a atteint 11,5 $/t à la mi-novembre. De tels cours ont évidemment incité les producteurs d'Amérique du sud à exporter le plus possible... au point de se retrouver aujourd'hui avec des silos vides et la nécessité de faire appel aux États-Unis pour subvenir aux besoins de leur propre bétail. Une opération soutenue par le gouvernement brésilien qui a baissé à la mi-octobre ses droits des douanes sur les importations de matières premières agricoles en dehors du Mercosur, l'union économique dont il fait partie.
Pour l'ensemble de l'année, le plus gros producteur mondial de soja aura dû en importer 1 Mt, en provenance majoritairement du Paraguay. Une situation que le Brésil n'avait pas connue depuis 2008. L'an dernier, ces mêmes importations avaient plafonné à 125 000 t.
Précipitation chinoise
C’est du jamais vu. Des opérateurs chinois ont d’ores et déjà acquis du soja américain de la récolte de l’automne 2021. Jusqu’à présent aucune transaction n’avait été enregistré avant le mois de janvier. Pour les analystes, cette précipitation est le signe d’une anticipation à la hausse des prix et d’une tendance. La Chine prévoit de gros achats l’an prochain alors que sa filière porcine se remet plus vite que prévu de l’épidémie de peste porcine africaine.
La tendance est déjà perceptible en cette fin d’année. Après avoir atteint les 8,7 Mt en octobre, les importations chinoises de soja ont totalisé 9,59 Mt en novembre contre 8,28 Mt l’an passé. Ce sont des mois traditionnellement favorables aux exportations américaines qui devraient en outre se poursuivre plus longtemps que d’habitude en début d’année car les semis brésiliens ont été perturbés par une période de sécheresse.
La récolte commencera donc une quinzaine de jours plus tard et les premiers navires chargés de soja ne devraient pas quitter les ports brésiliens avant le 10 ou 15 février. Selon la Conab (Compagnie nationale d’approvionnement), ce problème climatique n’affectera en rien le volume de la récolte qu’elle estime à 134,95 Mt. Il s’agira alors d’un niveau record correspondant à une hausse de 8,1 % par rapport à la campagne 2020/ 2021.
Myriam Guillemaud Silenko et Thierry Joly