Sélection du chantier pour la première conversion mondiale d'un porte-conteneurs au méthanol

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Maersk Halifax

Zhoushan Xinya Shipbuilding Company a emporté le contrat pour la conversion du premier porte-conteneurs au méthanol. Après avoir été pionnier dans la commande de porte-conteneurs au méthanol, Maersk défriche le marché de la conversion. Seaspan et Hapag-Lloyd s'y aventurent aussi.

Entre l’annonce de la conversion au méthanol d’un de ses porte-conteneurs et le choix du chantier naval, il se sera passé quatre mois, le temps de plancher sur l'ingénierie détaillée de l’opération, qui doit être mise en œuvre en 2024.

L’armateur danois fut le premier (en 2021) à se lancer dans la construction d’une flotte de porte-conteneurs neufs alimentés au méthanol vert (19 à ce jour, 25 avec les options) en trois séries de 9 000 EVP, 16 200 EVP et 17 000 EVP (on lui prête deux autres séries de quatre unités chacune de 5 900 EVP). Il sera aussi un pionnier dans le marché du rétrofit.

MAN Energy Solutions, à la manœuvre

Le groupe envisage d'ores et déjà de reproduire le schéma sur d’autres navires et en fixe l’horizon à 2027. Les navires en question ne sont pas mentionnés mais selon des sources professionnelles, une dizaine seraient concernés et dans la catégorie des 15 000 EVP.

Man Energy Solutions, particulièrement avancé pour la motorisation au méthanol sur des navires neufs – il a 82 moteurs à double carburant au méthanol dans son carnet de commandes et participe d’ailleurs avec Hyundai Heavy Industries et Alfa Laval au chantier méthanol de la flotte neuve de Maersk –, a été sélectionné pour conduire les travaux.

« Remplacer les pièces du moteur et le rendre ainsi capable de fonctionner au méthanol est une tâche assez complexe, mais ce n'est qu'une partie de l'opération plus vaste de modernisation », reconnaissait lors de l'annonce Leonardo Sonzio, responsable de la gestion de la flotte et de la technologie chez Maersk.

Sélection du chantier

Nouvelle étape logique : la sélection du chantier pour opérer sur le navire dont on connaît désormais l’identité, dévoilée lors de la signature de l’accord avec Zhoushan Xinya Shipyard le 18 octobre. Il s’agit du Maersk Halifax, navire âgé de six ans et d'une capacité de 15 282 EVP (353 m de long et 53,50 m avec 21 rangées de conteneurs).

Il devrait être mis sur cale mi-2024 pour une période de trois mois. Il fait partie des 11 navires de la série confiée à Hyundai entre 2017 à 2019 et tous opèrent sur le service commercialisé sous AE12 par Maersk dans le cadre de l’alliance 2M. Toutes les unités de cette classe pourraient être concernées par l’opération.

Jumboïsation

Il fait l’objet actuellement d’une jumboïsation. Pour étoffer sa capacité, le numéro deux mondial de la ligne régulière, qui ne doit être livré « que » de 24 000 EVP cette année (un peu plus en 2024 et 2025 : 144 000 et 132 000 EVP), a fait le choix d’agrandir ses porte-conteneurs, plutôt que de céder aux achats compulsifs de navires, comme ses concurrents.

L'opération consiste à rehausser les ponts d'un niveau et d’ajouter des « oreilles de Mickey » (les extrémités supérieures des ponts d'arrimage), technique utilisée pour améliorer la chargeabilité et  gagner en sécurité, en particulier pour les piles de conteneurs les plus à l'extérieur et particulièrement exposées au vent.

Augmentation de 600 EVP

Avec les améliorations en cours, la conversion devrait augmenter la capacité de transport totale des navires d'environ 600 EVP pour la porter à environ 15 800 EVP.

Un point qui n’est pas neutre compte tenu de la densité énergétique du méthanol, inférieure à celle des combustibles traditionnels : les réservoirs occupent environ 2,4 fois plus d'espace que sur un navire fonctionnant au MGO par exemple, d’où l'installation de réservoirs de soute supplémentaires.

Un navire qui a une histoire

« La jumboïsation pourrait atténuer la perte de capacité des cales converties en réservoirs, de sorte que la capacité totale des navires reste d'environ 15 300 EVP », explique Alphaliner, livre de bord des porte-conteneurs, qui sait à peu près tout de leur parcours, casse et entretien compris.

Ainsi, le Maersk Halifax a une histoire particulière, rappelle l'analyste. Lancé sous le nom de Maersk Honan en 2017, il a été gravement endommagé par un incendie en mars 2018.

Il a connu une seconde naissance lorsqu’il a repris du service en août 2019 sous sa nouvelle identité de Maersk Halifax.

Les dégâts causés par l'incendie ont été si importants que Hyundai a essentiellement construit la moitié d'un nouveau navire. Ce qui explique en partie pourquoi il a été choisi comme jeune premier de cette opération : sa réparation massive en 2019 a essentiellement remis à l'heure la prochaine cale sèche du navire, de sorte que les travaux coïncideront avec sa mise à quai quinquennale, malgré le fait que le navire ait été construit en 2017.

Les navires, actuellement équipés de moteurs principaux MAN B&W 8G95ME-C9.5, seront rétrofités avec des moteurs MAN B&W 8G95ME-LGIM10.5 à double carburant, capables de fonctionner au fuel et au méthanol.

Le méthanol pour des moteurs à quatre temps

Pour ces moteurs à double carburant, il n’est pas nécessaire de toucher à la structure du moteur. Les aménagements concernent principalement l'injection et le système d'alimentation en carburant. Man devrait également commencer à proposer des adaptations au méthanol pour les moteurs à quatre temps à partir de 2024, une fois les défis techniques liés à ces deux points surmontés.

Gain de 50 000 à 70 000 t d'émissions par an

Quelques jours après l’annonce de Maersk en juin, Seaspan et Hapag-Lloyd se sont engagés à leur tour pour la conversion de 15 premières unités et une option pour 45 autres. Le motoriste allemand Man ES a également été chargé des travaux.

Le nouvel accord signé avec le plus grand bailleur mondial de porte-conteneurs et le transporteur allemand, qui avait été pourtant rebuté son expérience de conversion d'un navire existant au GNL (35 M€ et sept mois de travaux), comprend 45 autres options.

Selon Man, chaque conversion a la capacité de réduire les émissions de CO2 de 50 000 à 70 000 t par an une fois le moteur fonctionnant au méthanol vert.

Adeline Descamps

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