L’information est tombée le lundi 3 juillet à partir de 10h45. La première Ministre Élisabeth Borne, qui garde ses prérogatives en matière de planification écologique et énergétique, a dévoilé la liste des membres de son second gouvernement après un premier cabinet fantôme de plusieurs jours.
Son week end de travail avec le président de la République a été particulièrement mis en scène et alimenté la machine à spéculations, jamais à court d’arguments, alors qu’encore une fois, aucun des noms qui circulaient ces derniers jours parmi les LR, le MoDem ou Horizons – Christelle Morançais, présidente de la Région Pays de la Loire, Philippe Juvin, député des Hauts-de-Seine, Jean Rottner, président de la Région Grand-Est, Jean-Noël Barrot, Frédéric Valletoux et Thomas Mesnier – n’ont reçu de mandat. À l’exception de Sarah El Haïry (Horizons), chargée de la Jeunesse et du Service national universel. Outre la parité à respecter dans la composition du nouvel exécutif, Élisabeth Borne devait aussi veiller à rééquilibrer les forces politiques et déplacer les polarités vers ses partenaires d’alliance.
L’exécutif Borne II s’est étoffé, passant de 27 membres avec dix-sept ministères, six ministères délégués et quatre secrétaires d’État, à 41 personnes dont 20 femmes selon la règle numérique imposée (seules quatre femmes parmi les « grands » ministères). Le nouveau gouvernement se rapproche de la jauge et de la répartition qui étaient celles du gouvernement de Jean Castex.
Inflation des ministères
La première Ministre a été généreuse pour ce qui concerne les ministres délégués, passant de six à quinze, et qui font de certains portefeuilles des super-ministères. Ainsi du ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Bruno Le Maire, son locataire, hérite de quatre sous-ministères (Comptes publics ; Industrie ; Transition numérique et Télécommunications ; PME, Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme). Les compétences de Gérald Darmanin, inamovible ministre de l’Intérieur, se trouvent également élargies avec les Collectivités territoriales (en copartage) et les outre-Mer, ainsi qu’avec un sous-secrétariat d’État à la Citoyenneté.
Il en est de même, mais dans une moindre mesure de la Transition écologique, renforcée par deux sous-secrétariats d’État (Écologie et Ruralité) et un ministère délégué (Transports). Le nombre et les titulaires des ministères à part entière sont quasiment inchangés à ceci près qu’il fallait trouver une solution à la problématique des ministres en place mais qui n’ont pas convaincu les Français de leur circonscription en tant que candidates aux législatives (Amélie de Montchalin et Brigitte Bourguignon). Il fallait en outre pallier le départ de la ministre à l’outre-Mer, appelée au Perchoir. Et enfin, arbitrer le cas du député LR de l’Ain Damien Abad, finalement écarté du gouvernement en raison des accusations de viol dont il fait l’objet.
Réapparition des Transports
Transition énergétique et Transition écologique gardent chacun leur prérogatives de plein droit, alors que les Transports, qui avait disparu de l’organigramme, retrouve un ministère délégué placé sous la tutelle de la Transition écologique et confié à Clément Beaune. Le conseiller spécial d'Emmanuel Macron sur les questions européennes, puis son conseiller G20, part avec l’avantage de son bilan en tant que secrétaire d’État aux affaires européennes.
Pour ce qui est de la Mer, rien ne change excepté le titulaire. L’abandon d’un ministère de plein droit pour un secrétaire d’État avait été tranché précédemment. La charge a été placée directement sous l’autorité de la Première ministre Élisabeth Borne et n’est pas diluée au sein d’un portefeuille aux multiples attributions, comme il en a si souvent été le cas : transport et tourisme, développement durable, pêche, voire l'urbanisme et le logement… Mais avec lesquels il faudra néanmoins administrer !
Un Breton à la barre
Hervé Berville n’est pas plus connu que Justine Benin, députée malheureuse à sa réélection dans la 2e circonscription de Guadeloupe, mais la notoriété n’est pas, jusqu’à preuve du contraire, un marqueur de qualité d’un CV.
Rwandais de naissance, orphelin tutsi (peuple victime d’un génocide dans les années 90) adopté par une famille des Côtes-d'Armor, Hervé Berville est député de la deuxième circonscription des Côtes-d'Armor depuis et porte-parole du groupe parlementaire alors LREM à l'Assemblée nationale depuis 2017 ainsi que membre de la commission des Affaires étrangères.
Après une scolarité en Bretagne, il a effectué ses études supérieures à l'Institut d'études politiques (IEP) de Lille puis à la London School of Economics, où il obtient une maîtrise universitaire en histoire économique, indique son CV.
Son histoire personnelle a sans doute influencé le début de son parcours professionnel, à l’Agence française de développement, en tant que VIA (volontaire international en administration) où il a mis à disposition ses compétences d’économistes pour des agences en Afrique.
Ancrage politique et territorial
Celui que l’on dit proche de Richard Ferrand, l’ex-président de l’Assemblée nationale, est surtout engagé auprès du président de la République depuis 2015 au sein des Jeunes avec Macron. Désigné candidat LREM en 2017 dans la 2e circonscription des Côtes-d’Armor (Dinan, là où il a fait sa scolarité primaire), il arrive en tête au premier tour des législatives avec 38,85 % des voix et emporte 64,17 % des suffrages exprimés au second tour (27,7 % des électeurs inscrits). Plus en difficulté en 2022, le candidat à sa succession pour la majorité présidentielle Ensemble emporte néanmoins le premier tour avec 36,91 % des voix et est réélu à l’issue du second avec 55,83 % face à Bruno Ricard, le candidat de la Nupes.
À l’Assemblée nationale, exceptée une question orale au gouvernement sur les conséquences du Brexit pour la filière pêche, ses travaux en commissions, en hémicycle, ses interventions, ses amendements (152 proposés, 1586 proposés) ne font pas référence au transport maritime ni à la mer mais sont logiquement en lien avec ses dossiers en tant que rapporteur de la commission des Affaires étrangères, notamment sur les inégalités mondiales (174 interventions) et l’aide au développement. Il a été à ce titre rapporteur l’an dernier d’un projet de loi de réforme de l’aide française au développement, avec des moyens renforcés et recentrés vers dix-huit pays africains et Haïti.
>>> Lire sur ce sujet : Attributions du secrétariat de la Mer fixées, un domaine largement partagé
Partager les responsabilités
Au moins le nouveau locataire, qui devrait prendre ses quartiers avenue de Ségur, est-il avisé sur ce qui l’attend : il devra exercer nombre de ses prérogatives « conjointement » avec d’autres ministères. À moins que le profil de poste ne change.
La passation de pouvoir entre Justine Benin et Hervé Berville est programmée le 4 juillet à 13h15. Avant cela, il aura participé au premier Conseil des ministres ce 3 juillet à 16 heures, présidé par Emmanuel Macron. Un autre devrait se tenir jeudi pour présenter les textes sur le pouvoir d’achat des Français. La veille, le mercredi 5 juillet, Élisabeth Borne aura prononcé son discours de politique générale avec une équation à résoudre : solliciter ou non la confiance des députés et sénateurs par un vote*. Elle n’est pas techniquement obligée de s’y soumettre. Il est risqué de s’y prêter.
Armateurs de France et le Cluster maritime français ont adressé les politesses d’usage pour l’instant.
Adeline Descamps
*NDLR : Cet article a été écrit avant la tenue du premier Conseil des ministres au cours duquel la cheffe du gouvernement indiquera qu’elle ne sollicitera pas la confiance des parlementaires.
Seize ministères
Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et Numérique ;
Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer ;
Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ;
Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice ;
Sébastien Lecornu, ministre des Armées ;
Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion ;
Pap Ndiaye, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse ;
Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ;
Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire ;
Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires ;
Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique ;
Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture ;
François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention ;
Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées ;
Stanislas Guérini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques ;
Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques.
Quinze ministres délégués
Auprès de la Première ministre :
Olivier Véran, chargé du Renouveau démocratique, porte-parole du gouvernement ;
Franck Riester, chargé des Relations avec le Parlement ;
Isabelle Rome, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances ;
Auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique :
Gabriel Attal, chargé des Comptes publics ;
Roland Lescure, chargé de l’Industrie ;
Jean-Noël Barrot, chargé de la Transition numérique et des Télécommunications ; Olivia Grégoire, chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme ;
Auprès du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer et du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires :
Caroline CAYEUX, chargée des Collectivités territoriales ;
Auprès du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer :
Jean-François Carenco, chargé des Outre-mer ;
Auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères :
Olivier Becht, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger ;
Auprès du ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion et du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse :
Carole Grandjean, chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels ;
Auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires :
Clément Beaune, chargé des Transports ;
Olivier Klein, chargé de la Ville et du Logement ;
Auprès du ministre de la Santé et de la Prévention :
Agnès Firmin le Bodo, chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé ;
Auprès du ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées :
Geneviève Darrieussecq, chargée des Personnes handicapées.
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