Les exercices comptables se clôturant au 31 mars au Japon, la présentation par les compagnies nippones des résultats annuelles paraît toujours anachronique car elle intervient alors que ses concurrents sont à plus de la moitié de leur premier semestre.
Qu’il s’agisse de son chiffre d’affaires (14,53 Md$, - 87 %), de son Ebitda (2,04 Md$, - 87 %), de son Ebit (392 M$, - 97 %) ou de son résultat net (974 M$, - 94 %), le numéro six mondial de la ligne régulière, issu de la fusion en 2018 des activités conteneurisées des trois premiers transporteurs japonais NYK, MOL et K-Line, aura perdu plus de 14 M$ sur chacun de ses critères en un an.
Troisième trimestre négatif
Et comme pour plusieurs de ses concurrents (Maersk, Yang Ming, Wan Hai Lines et ZIM), son troisième trimestre pour lui (octobre-décembre) aura été destructeur, avec une perte nette de 83 M$. Il accuse ainsi son premier déficit trimestriel depuis le premier trimestre 2020 tandis que son résultat d’exploitation (Ebit) vire au vermillon (- 248 M$) ainsi que sa marge (- 7,4 %). Sa baisse de régime a emmené son résultat d’exploitation en territoire négatif au premier semestre (- 24 M$) mais sur l’année, tout reste au vert, y compris la marge Ebit (9 %).
Taux de fret en rebond
La société, basée à Singapour, a été aidée par la baisse de ses coûts d’exploitation, notamment du bunker (- 164 M$), bien que les prix du carburant soient repartis à la hausse au second semestre et notamment durant le quatrième trimestre de 2023 (troisième trimestre pour ONE).
Elle a surtout été portée par le premier trimestre de 2024, son dernier trimestre, au cours duquel les taux de fret ont rebondi en raison de l'incertitude géopolitique au Moyen-Orient.
Le déroutement par le cap de Bonne Espérance a créé un resserrement de l'offre et de la demande de navires, de sorte que les taux de fret à court terme ont fortement augmenté en Europe et en Amérique du Nord au mois de janvier, confirme Jérémy Nixon, le CEO de ONE. Avant de nuancer : « une tendance progressive à la baisse a été observée depuis le Nouvel An chinois, en raison d'un ralentissement des mouvements de marchandises alors que la nouvelle organisation est désormais établie ».
Les dépenses de consommation sont restées fortes en Amérique du Nord alors que l'inflation persistante a été un frein en Europe, poursuit-il.
Volumes transportés en forte hausse
L’armateur de porte-conteneurs (231 navires, 1,82 MEVP de capacité) se distingue par ailleurs de ses pairs par les volumes transportés (12,01 MEVP), soit près d’1 MEVP de plus que l’an denier (938 000 EVP).
La répartition traduit en effet la dynamique enclenchée outre-Atlantique et la morosité en Europe : l’an dernier, ONE a transporté 2,5 MEVP entre Asie et Amérique du Nord (contre 2,072 MEVP en 2022), avec un taux d’utilisation de 92 %. En revanche, les volumes ont stagné entre Asie et Europe (1,58 MEVP en 2023 contre 1,51 MEVP en 2022) et 931 000 EVP dans l’autre sens (Europe-Asie, soit un coefficient de remplissage de 51 %).
Pour autant, son revenu moyen par EVP est passé de 2 900 $/EVP en 2022 à environ 1 300 $ l’an dernier.
« Dans le sens nord-américain vers l'est, les volumes ont diminué en raison du ralentissement des mouvements de marchandises pendant le Nouvel An chinois et du réacheminement de certains services de la côte Est via le Cap de Bonne Espérance, ce qui a allongé le temps de rotation. D'autre part, les taux d'utilisation ont augmenté par rapport au troisième trimestre grâce aux départs à vide », explique la direction en dépit d'un afflux de navires.
Le transporteur a contrebalancé en développant des services temporaires vers l'Inde (Indian Ocean Mediterranean qui relie l'Inde à la région méditerranéenne) ou vers l'Amérique latine, où les conditions de marché seraient plus stables.
La compagnie compte d'ailleurs s’intéresser plus sérieusement au sous-continent indien si l'on s'en tient à sa décision récente d'établir son siège régional de l'Asie de l'Ouest à Dubaï « afin d'ancrer ONE sur le marché du sous-continent indien, du Moyen-Orient et de l'Afrique de l'Est ».
30 Md$ pour grossir
En mars, la compagnie a annoncé qu’elle allait allouer la somme de 30 Md$ d’ici 2030 pour atteindre les 3 MEVP de capacité.
Avec une flotte de 235 navires (mars 2024) et l’équivalent de 1,79 MEVP, l’armateur a plus de 500 000 EVP en commande, soit 45 navires. Ses 2,3 MEVP sont néanmoins encore loin de son ambition à 3 MEVP mais sa stratégie accroît la pression sur Hapag-Lloyd, qui pourrait y perdre son cinquième rang mondial.
Adeline Descamps
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