« Les mesures d'efficacité énergétique seront essentielles pour réduire la consommation de carburant et les émissions jusqu'à ce que les carburants neutres en carbone soient plus facilement disponibles », soutient DNV dans la dernière actualisation de son Maritime Forecast to 2050, vue d'ensemble sur les réglementations, les technologies et la disponibilité des carburants en matière de décarbonation du transport maritime.
La société de classification estime que la consommation de carburant pourrait être réduite de 4 à 16 % d'ici à 2030 avec le recours à des mesures d'efficacité énergétique, opérationnelles et techniques. Atteindre la fourchette haute (16 % )permettrait d'économiser 40 Mt de carburant et 120 Mt d'émissions de CO2, ce qui équivaudrait à exploiter les 55 000 plus petits navires ou les 2 500 plus grands navires avec des carburants neutres en carbone.
Pour DNV, elles s'imposent car il est, à ce stade, impossible que le transport maritime réponde aux premiers objectifs de l'OMI – une réduction de 20 % des émissions totales de CO2 d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 2008 –, sans une augmentation de la production mondiale de carburants neutres en carbone. Selon ses calculs, 44 à 63 millions de tonnes d'équivalent pétrole (Mtep) de carburants neutres en carbone seront disponibles d'ici 2030 pour tous les secteurs économiques. Or, le secteur maritime aura besoin de 10 à 100 % de cette offre restreinte.
Capture carbone embarqué, absence de projets
Le rapport de cette année estime à cet égard que la capture du carbone à bord, qui permet de continuer à utiliser les carburants conventionnels, aurait « la capacité d'atténuer la pression exercée sur l'offre limitée de carburants neutres en carbone et pourrait représenter un argument commercial plus solide que des carburants neutres en carbone coûteux ». fait valoir Knut Ørbeck-Nilssen, sans s'embarrasser de la problématique de son traitement une fois à terre en l'absence de filière structurée.
Quoi qu'il en soit, sur les 96 projets prévus pour un stockage spécifique, moins de dix ont atteint le stade de l'investissement final, la plupart étant encore au stade de la bibilothèque. Aucun n'est de surcroît destiné au secteur maritime alors que la demande de stockage de carbone émanant du transport maritime en 2030 pourrait représenter, selon DNV, entre 4 et 76 MtCO2.
D'autres solutions technologiques telles que l'alimentation à quai, les batteries, la propulsion nucléaire et les piles à combustible seront également essentielles pour réduire la demande de carburants neutres en carbone, fait valoir l’étude.
La folie méthanol dissipée
« L'euphorie autour du méthanol a considérablement diminué. Une production très limitée est attendue à l'horizon 2030, alors que 70 % des sites de production de méthanol prévus n'ont pas encore fait l'objet d'une décision finale d'investissement », indique aussi le CEO Maritime de DNV, estimant que les moteurs de la demande ont bien ralenti depuis le début de l’année. Les coûts élevés de construction de nouveaux navires, la disponibilité limitée des chantiers pour assurer la conversion, le manque d'investissement dans la production de carburants et la forte concurrence entre les secteurs ne plaident pas vraiment en faveur de la rupture radicale avec les énergies fossiles.
Le dirigeant a en tête le revirement de Maersk, son plus grand promoteur, qui a récemment revu ses arbitrages en matière de carburants bas carbone. Le deuxième armateur mondial, qui avait jusqu’alors réservé ses (seules) commandes sur des navires propulsés au méthanol et ce, depuis 2021, envisage désormais d'intégrer dans sa flotte des unités à double motorisation GNL, l'énergie dont il a bien esquinté la réputation.
Quelle que soit la trajectoire de décarbonation choisie par le secteur maritime, elle aura un coût. Le Maritime Forecast to 2050 estime que l'augmentation du coût (de possession et d'exploitation) par unité de transport (mesuré en tonnes-milles de port en lourd ou en milles nautiques équivalents à vingt pieds) dans une année 2050 décarbonée sera de 69 à 75 % pour les vraquiers, de 70 à 86 % pour les pétroliers et de 91 à 112 % pour les porte-conteneurs.
Adeline Descamps