Dans sa dernière note hebdomadaire, le courtier Intermodal met en exergue un autre des nombreux effets inattendus du Covid. Les armateurs ont modifié les paramètres de sélection d’un chantier naval pour leurs travaux de réparation.
« Aujourd'hui, les armateurs ont digéré les restrictions du Covid et s’y sont adaptés. Ils connaissent les difficultés et sont prêts à les gérer. Pour s’en prémunir, ils font en sorte de garder une grande souplesse de façon à pouvoir choisir un chantier naval en fonction du contexte sanitaire », signifie le courtier Intermodal dans sa dernière note hebdomadaire. Dans ces conditions, les paramètres qui gouvernent leur choix ont changé.
Certains propriétaires de flotte sélectionnent leurs chantiers en fonction des restrictions de voyage. « Ce sont notamment les exploitants de navires qui veulent que leur personnel assiste aux réparations. Dans ce cas, ils évitent les zones où l'entrée dans le pays est conditionnée à des conditions trop strictes et où les quarantaines sont obligatoires par exemple. »
Il en va de même pour les projets spécialisés, qui requièrent un grand nombre d'ingénieurs voire une mobilisation rapide de ressources pour intervenir si des problèmes techniques surviennent. Les compagnies maritimes disposant d'une grande flotte sont, de ce point de vue, mieux loties car elles disposent déjà ou peuvent maintenir du personnel de bureau à l'étranger, là où les réparations sont effectuées, « ce qui permet d'économiser du temps de quarantaine et des frais de voyage », précise le courtier.
Immobilisation la plus courte pour profiter des taux de fret
Pour d’autres propriétaires, qui disposent d'une flotte relativement jeune au rayon d’action limité, ils auront plutôt tendance à sélectionner leurs sites en fonction des prix, de la proximité du navire par rapport au chantier et des compétences techniques. Selon le type du navire et de son environnement de marché actuel, le temps de réparation et le risque de dérapage comptent, signifie Intermodal. Ainsi pour les exploitants de porte-conteneurs, au vu des niveaux des taux de fret actuel, l’immobilisation la plus courte n’est pas une option.
Du point de vue des chantiers navals, a fortiori pour ceux qui sont gros arriérés de projets décalés en raison d’une année 2020 chaotique pour la gestion des plannings, ils sont actuellement confrontés à un calendrier chargé, alors qu'ils doivent planifier les travaux avec, selon les pays, des plages horaires réduites et de la main d’œuvre moins disponible.
Prix agressifs
Leaders monndiaux dans la réparation navale, les chantiers navals chinois sont en revanche confrontés à une faible activité, Pékin étant très strict sur l’ouverture de ses frontières aux personnels étrangers. La plupart des réparations doivent donc être effectuées sans les représentants des propriétaires de navires. Cette donne les prive d’emblée des armateurs qui ont « des réparations complexes nécessitant la présence d'un grand nombre d'ingénieur ».
En outre, ils ne peuvent plus miser sur l’équipement en scrubbers ou en systèmes de traitement des eaux de ballast qui a mobilisé leurs cales sèches ces dernières années, en amont de l’entrée en vigueur des réglementations. En conséquence, les chantiers navals chinois ont tendance à être plus agressifs, indique le courtier. « Pour les armateurs, c'est l’opportunité d'obtenir un bon service à un faible coût. »
Mais ce qu’ils gagnent d’un côté peut très vite être annihilé par les coûts induits : formalités à remplir, temps de quarantaine à observer sur place, mobilité prolongée des techniciens et ingénieurs sans compter les annulations de dernière minute pour des changements sanitaires sans préavis. « Cela représente un coût important qui, au lieu d'être investi dans chaque navire, est gaspillé de façon improductive », soupire Intermodal.
La Chine, dominante
Selon Clarksons, les chantiers de réparation chinois ont représenté 49 % du marché en 2020 (+ 45 % par rapport à 2019) devant les sites turcs (9 %). Certains types de travaux ont été plus limités en 2020 en raison de la pandémie, notamment le retrofit de paquebots (en baisse de 60 % sur un an) et des prestations liées à l'offshore.
Le courtier, concurrent d’Intermodal, considère que la transition énergétique va générer un gros volume de travaux en termes de retrofit des moteurs ou de conversion vers des nouvelles technologies de carburants. Les nouvelles règles EEXI (energy efficiency design index) devraient aussi mobiliser les cales dans les prochains mois. À compter de 2023, les navires existants devront se conformer à des critères spécifiques d'efficacité énergétique basés sur le type et la taille d’un navire selon ce nouvel index, qui s'inspire de l’EEDI, obligatoire pour les nouveaux navires depuis 2013.
Adeline Descamps