Hapag-Lloyd n’échappe à la sanction du « retour à la normalisation », comme les transporteurs nomment pudiquement le retournement de conjoncture. Ses résultats financiers dévissent, sans surprise, sur tous les indicateurs à l’instar de ses concurrents, mais l’armateur allemand de porte-conteneurs, connu pour son orthodoxie financière, est encore une fois à la hauteur de sa réputation.
La chute est plutôt moins sévère que pour d’autres. C’est en tout cas mieux que Maersk. Le premier semestre 2023 se solde ainsi par un bénéfice d’exploitation avant amortissements et dépréciations (Ebitda) en baisse de 65 % et en perte de plus de 7 Md$ par rapport aux six premiers mois de l’année 2022, à 3,77 Md$ (cf. tableau en euros).
Le bénéfice avant déduction des charges, des produits d'intérêt et des impôts (Ebit) de 2,76 Md$ affiche une chute comparable. À 3,1 Md$, le résultat net du groupe est inférieur de plus de 6 Md$ à ce qu’il était au premier semestre 2022, exercice exceptionnel, s’il en était.
« L'affaiblissement de la demande et la baisse des taux de fret ont un impact très perceptible sur nos bénéfices », reconnait Rolf Habben Jansen, PDG de Hapag-Lloyd, insistant sur les derniers développements du groupe dans les terminaux portuaires, un secteur dont il a longtemps été absent.
La société allemande a mis à profit ses liquidités, qui se sont néanmoins réduites (3,6 Md€ au 30 juin 2023 contre 12,6 Md$ fin décembre), pour se positionner sur les quais, notammant via la prise de participation de 49 % du groupe italien Spinelli en janvier 2023 et 40 % de la société indienne J M Baxi en avril 2023.
Les taux de fret en baisse de 38,4 %
Les volumes de transport sont en baisse de 3,4 % en glissement annuel, à 5,8 MEVP, résultant de l’atonie de la demande de transport de conteneurs (les volumes mondiaux de transport de conteneurs entre janvier et mai 2023 étaient inférieurs de 4,7 % à ceux de la période de l'année précédente, selon CTS).
Les routes commerciales de l’Asie et de l'Europe vers l'Amérique du Nord ont été particulièrement concernées chez Hapag-Lloyd.
Le chiffre d’affaires s’en ressent (- 40 %), passant de 18,56 à 10,84 Md$. Mais l’altération des revenus est surtout liée à la détérioration de 38,3 % des taux de fret (1 761 $/EVP contre 2 855 $/EVP il y a un an).
Elle est particulièrement marquée sur les routes Europe-Asie (- 1 686 $/EVP) où le transporteur aligne 9 services et le transpacifique (- 1 853 $/EVP), desservi par 20 lignes.
En revanche, les trade Atlantique (- 354 $/EVP) et Amérique latine (- 750 $) – Hapag-Lloyd étant en force en nombre de lignes (25) sur ce dernier –, se sont mieux comportés.
Le Shanghai Containerized Freight Index (SCFI), qui reflète les taux de fret au comptant sur les principales destinations au départ de Shanghai, s’établissait à 954 $/EVP à la fin du mois de juin 2023 versus 4 216 $/EVP un an auparavant.
Résultats financiers d'Hapag-Lloyd pour le deuxième trimestre et premier semestre 2023. ©JMM, sur la base des données extraites du rapport financier
Le salut grâce aux dépenses d’exploitation
Hapag-Lloyd a également bénéficié, comme l’ensemble du marché, de dépenses d’exploitations inférieures à celles de l'année précédente, qui se sont élevées 6,3 Md$ (en baisse de plus de 8 %), en raison de frais de surestaries et à la détention réduits sous l’effet de l’atténuation des perturbations des chaînes d’approvisionnement (- 350 M$) et d’une facture carburant allégée en raison d’un combustible de soute à 625 $ par tonne (contre 703 $ au premier semestre 2022), soit une économie de 245 M$.
La consommation de combustibles au cours du premier semestre (1,98 Mt) par EVP transporté a diminué de 3 %, passant de 0,35 à 0,34 t entre le premier semestre 2022 et 2023.
Une fin d’année difficile
Pour l'exercice 2023, le conseil d'administration de l’armateur, qui a pour actionnaires majoritaires la Holding de Klaus Michael Kühne (propriétaire entre autres de Kuhne+Nagel) et CSAV (tous deux à 30 %), ne s'attend qu'à une lente reprise de la demande de transport de conteneurs en raison de l'inflation et de la baisse des taux de fret. En cause, l'équilibre entre l'offre et la demande, signifie le dirigeant.
D'après les données de MDS Transmodal, 143 porte-conteneurs totalisant une capacité de transport d'environ 1,1 MEVP ont été mis en service au cours des six premiers mois de l'année (69 navires et 0,4 MEVP à la même période de 2022).
Dans le même temps, des contrats de construction ont été signés pour 93 navires, soit 0,9 MEVP, portant le carnet de commandes total à 7 MEVP à la fin du mois de juin. En conséquence, le ratio du carnet de commandes de commandes par rapport à la flotte en exploitation s’élève à 26,5 %. Inquiétant mais bien moins qu’en 2007 où il avait atteint les 67 %.
« Pour ces raisons, le reste de l'exercice 2023 est considéré comme difficile », indique la direction. Pour autant, les prévisions publiées pour l’ensemble de l’année sont confirmées car « les effets négatifs sur la situation financière d'une fluctuation des volumes de transport ont déjà été pris en compte », est-il indiqué.
Ainsi l’Ebitda devrait se situer dans une fourchette entre 4,3 à 6,5 Md$ (versus 20,5 Md$ l’an dernier) et l'Ebit entre 2,1 et 4,3 M$ (contre 18,5 Md$).
« La guerre en Ukraine, les incertitudes géopolitiques, les pressions inflationnistes persistantes et les niveaux élevés des stocks créent des risques qui pourraient avoir un impact négatif sur les prévisions », nuance toutefois Rolf Habben-Jansen.
Adeline Descamps
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