Pénurie de conteneurs : quels coûts pour les entreprises françaises et européennes ?

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Dans sa dernière étude, Euler Hermes se penche sur les coûts engendrés par la pénurie de conteneurs qui pèsent actuellement sur la facture transport des chargeurs et des transitaires. Outre le renchérissement des coûts de fret, la société d'assurance-crédit française détenue par le groupe Allianz questionne d’autres facteurs comme la réorganisation des chaînes de valeur, les interruptions de la production, l’allongement des délais de livraison...

L’apport de l’étude, réalisé par Euler Hermes ne réside certainement pas dans le fait de renseigner une situation. Rien que ne sache déjà un lecteur averti : les tensions sur le marché du fret maritime qui résultent de la forte demande d’importations en provenance de la chine, la pénurie de conteneurs, la flambée des tarifs de fret « qui se sont envolés de 150 % au quatrième trimestre 2020 », l’aubaine pour les transporteurs de conteneurs après des années de sous-performance… alors que la marge d'exploitation des 15 premières compagnies devrait être de 10,3 % en 2021, après 3,5 % en 2019 et moyenne sur 2010-2015 de 5,5 %. « Si, dans les mois à venir, une surveillance réglementaire pourrait intervenir, le déséquilibre des conteneurs et le pouvoir de fixation des prix des compagnies maritimes [qu’Euler Hermes associe à la « nature oligopolistique du transport maritime, NDLR] sont tels que nous ne prévoyons qu'un faible ajustement de leurs marges d'exploitation en 2022 ». 

L’intérêt de l’analyse repose davantage sur le fait de d’en évaluer quantitativement chacun des impacts sur les entreprises européennes voire françaises. 

Hausse de coût des importations chinoises 

 « Cette situation, couplée au renforcement observé du yuan, devrait peser fortement sur le coût des importations en provenance de Chine à court terme », prévient l’assureur-crédit, qui estime que celui-ci devrait croître de 6 % d’ici fin avril 2021 pour les entreprises européennes, et de 2 % d’ici fin juillet pour les entreprises américaines. Les dernières données de janvier montrent une augmentation en glissement annuel des prix à la production en Chine pour la première fois en un an. « Les prix à la production ont tendance à devancer les prix à l'exportation de cinq mois en Chine », est-il rappelé.

« Les coûts des intrants, tant pour les biens de consommation que pour les produits manufacturés, ont augmenté rapidement au cours des derniers mois, l'Europe étant la plus touchée. Cette hausse ne s'est pas encore traduite par une augmentation des prix de vente étant donnée la faiblesse de la demande intérieure. Et les épisodes passés montrent que le pouvoir de fixation des prix des entreprises, notamment en Europe, reste très limité. L'impact immédiat est donc une perte de leurs marges au cours du premier semestre 2021. »  

Capacité à répercuter sur les prix de vente

Les entreprises de la zone euro sont de loin les plus touchées par la hausse des coûts des intrants qui pourrait coûter entre 4,5 et 7 points de marges au premier semestre 2021 contre 2 à 4 points pour les entreprises américaines. Le filiale du groupe Allianz évalue la capacité des entreprises à modérer l’impact sur les marges notamment en récupérant sur les prix de vente. Si les entreprises parviennent à répercuter 20 % de la hausse des coûts de transport sur leurs prix de vente, l'impact sur les marges de la zone euro serait de 4,5 points, mais de 6 points dans le cas d'une répercussion de 10 % sur le prix final, et à plus de 7 points s'il n'y a pas de répercussion sur le prix de vente.  

« Le pouvoir le plus élevé de fixation des prix se situe dans les pays où le revenu disponible des ménages ne s'est pas contracté en 2020 grâce aux mesures de soutien de l'État : principalement l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, l'Autriche et dans une moindre mesure, la France. » 

Les entreprises allemandes seraient particulièrement affectées avec une perte de bénéfice d'exploitation estimée à près de 36 Md€ au premier semestre tandis que les sociétés françaises pourraient y laisser 23 Md€. Aux États-Unis, l'impact serait comparativement limitée car la production est moins dépendante des intrants étrangers, et la dépendance aux variations du taux de change est plus faible étant donné une part plus importante de biens importés libellés en dollars 

Coût des perturbations 

La pénurie, couplée à d’autres facteurs – réorganisation des chaînes de valeur, interruptions de la production, renforcement des restrictions sanitaires... – a également pour conséquence de rallonger les temps de livraison. « Nous estimons que les perturbations de la chaîne d'approvisionnement dans le secteur manufacturier et les pénuries potentielles d'intrants dans des secteurs comme l'automobile et les semi-conducteurs pourraient se solder par une nouvelle perte de 1,2 point de croissance au PIB de la zone euro en 2021 après avoir cédé 2,5 points en 2020 », ajoute Ana Boata, directrice des recherches macroéconomiques d’Euler Hermes. 
 

Aux États-Unis, les retards dans les livraisons ont coûté 0,3 point de PIB en 2020 et pourrait encore peser en 2021 à hauteur de 0,7 point  « L'impact est comparativement plus faible aux États-Unis en raison d'un choc moins important sur les délais de livraison des fournisseurs et d'une moindre vulnérabilité aux intrants (étrangers) - en partie grâce à une meilleure gestion des stocks. » 

 

Centre de gravité du commerce mondial 

Le passage relatif à la prééminence de la Chine sur le commerce mondial n’étonnera personne. « Nous estimons que le centre de gravité économique mondial* devrait se situer à la confluence de la Chine, de l'Inde et du Pakistan d'ici 2030 [alors qu'il se trouvait encore dans l'océan Atlantique en 2007, NDLR].

Dans les années à venir, « les chaînes d'approvisionnement mondiales seront vulnérables aux changements structurels de l'économie chinoise », estime l’assureur crédit, faisant référence à la stratégie de la seconde puissance économique mondiale de réduction de sa dépendance aux intrants étrangers tout en maintenant les parts de marché à l'exportation et en libéralisant les flux de capitaux. Une approche qui supposerait un yuan fort, augmentant d’autant les prix à l'importation en monnaie locale pour les partenaires commerciaux de la Chine.  

Adeline Descamps

*Euler Hermes a calculé le centre de gravité des exportations mondiales sur la base de 67 économies qui représentaient 91 % du commerce mondial en 2019. 

 

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