Pour le premier trimestre de cette année – le deuxième trimestre pour la plupart des armateurs équivaut pour ONE à son premier trimestre, la société basée à Singapour étant néanmoins alignée sur la comptabilité japonaise – l'armateur a déclaré un résultat net de 779 M$, soit une hausse de 52 % par rapport au même trimestre de l'année précédente. Son bénéfice d’exploitation avant amortissement et dépréciations s’est élevé à 1,21 Md$ (+ 58 % comparé à la même période il y a un an) sur un chiffre d’affaires de 4,2 Md$, en hausse de 12 %. Son Ebit (résultat opérationnel avant déduction des charges, des produits d'intérêt et des impôts) ressort à 667 M$ (+ 73 %).
« Les taux de fret au comptant ont augmenté par rapport au quatrième trimestre de l'exercice 2023, sur plusieurs routes commerciales, notamment Asie-Amérique du Nord et Asie-Europe, en raison d'une offre restreinte et d'une demande accrue », fait valoir la direction de la compagnie japonaise, qui a transporté entre avril et juin 3,14 MEVP (+ 11 %) dont 673 000 EVP sur la route Asie-Amérique du Nord (vers l’Est) et 434 000 EVP entre Asie et Europe (en direction de l’Ouest).
Des volumes transportés en hausse
Ses volumes transportés depuis l'Asie vers l'Amérique du Nord ont augmenté de 8,1 % en glissement annuel « grâce à la poursuite de la consommation intérieure aux Etats-Unis et à ce qui semble être des effets d’anticipation à l'introduction de droits de douane supplémentaires sur la Chine ». En Europe, la compagnie a relevé une augmentation de 4,4 % par rapport à son premier trimestre 2023, qu’elle analyse comme une atténuation des pressions inflationnistes et d’une reprise de la consommation.
Comme ses pairs, Jeremy Nixon, le CEO de One, constate que l’offre excédentaire consécutive à l’afflux des livraisons, qui aurait pu tirer les taux de fret vers le bas, a été complètement absorbée par l’allongement des distances du fait du détournement contraint par le cap de Bonne Espérance. L’entreprise a de fait enregistré une hausse de la consommation de ses navires de 13 % en tonnes-milles par rapport à l’an dernier. Mais « cette situation a eu un impact sur la disponibilité des équipements de conteneurs dans certaines régions », peut-on lire dans son rapport, en référence aux congestions de certains ports clés, notamment en Asie du Sud-Est.
Anticipation d'un second semestre difficile
« Les perspectives concernant l'équilibre entre l'offre et la demande restent incertaines au-delà du deuxième trimestre », anticipe la compagnie qui mise néanmoins sur un bénéfice de 2,74 Md$ pour l'ensemble de l'anée alors qu’elle prévoyait précédemment 1 Md$. Mais l’essentiel sera réalisé, assure la direction, au cours de son premier semestre au cours duquel elle prévoit en effet un bénéfice de 2,2 Md$.
Le marché attend surtout la jeune entreprise (au tournant) depuis que Maersk et Hapag-Lloyd ont annoncé le lancement de leur nouvelle alliance en février 2025. THE Alliance, réduit à ONE, Yang Ming et HMM, perd avec Hapag-Lloyd sa tête de pont. Du moins en apparence car l’armateur allemand n’opère au sein de l’alliance que 57 % de sa capacité.
Lancé en 2017, le groupement, qui aligne actuellement 260 navires totalisant 3,3 MEVP, disposera de 2,7 MEVP après le départ d’un de ses membres. Il s’agira alors de la plus petite des associations. La coopération germano-danoise, baptisée Gemini, opérera sur une flotte d’environ 290 navires d’une capacité combinée de 3,4 MEVP, fournie à 60 % par Maersk et le solde par Hapag-Lloyd.
Fragilisation de THE Alliance
La première conséquence est donc la fragilisation de THE Alliance. Des trois membres restants, ONE, né en 2018 de la fusion des activités conteneurs des trois principaux transporteurs nippons (MOL, NYK et K-Line), détient la plus grande capacité. Disposant actuellement d’1,9 MEVP, le transporteur a 45 navires en commande représentant une force d’appoint de 600 000 EVP. En mars, la direction a dévoilé un ambitieux plan destiné à atteindre les 3 MEVP à horizon 2030. HMM, il fait partie avec ONE des transporteurs qui ont le plus commandé en 2023. Mais Yang Ming, le transporteur taïwanais vient à peine de rompre avec l’austérité budgétaire qu’il pratique depuis 2022 avec la commande de quelques navires.
L’alliance s’organise en conséquence, ONE, HMM et Yang Ming ont récemment dévoilé les offres transpacifiques actualisées à partir de février 2025. À l'exception de deux boucles (PN3 entre Asie et côte ouest-américaine et EC4 entre Asie et côte est-américaine), presque tous les services actuels seront maintenus. À partir de février 2025, ONE offrira ainsi 16 services Asie-Amérique du Nord, et Yang Ming, 13. En comparaison, la coopération Gemini propose neuf rotations sur cette route.
En prenant les devants près d’un an avant la date fatidique, les transporteurs entendent rassurer leurs clients sur le fait que leur association peut tenir le choc sans Hapag-Lloyd. C'est important de l'acter dès à présent car une grande partie du fret transpacifique est régie par des contrats d'un an. Les actuelles négociations s'étendront donc au-delà de février 2025, date officielle de la bascule.
Adeline Descamps
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