Le temps des bénéfices spectaculaires est révolu. Les compagnies maritimes défilent désormais sur l’autel médiatique avec des annonces moins spectaculaires. Pour ONE, le numéro sept de la ligne régulière avec une capacité de 1,53 MEVP, le profit est moins clinquant qu'il y a un an, avec 1,21 Md$ généré pour les trois premiers mois de 2023 (le quatrième trimestre en comptabilité japonaise), en chute libre de 75 % par rapport à la même période de l'année précédente.
Le chiffre d'affaires n’échappe pas au revers du marché qui lui inflige une baisse de ses revenus de 45 % par rapport à l’année précédente, à 4,64 Md$ (versus 8,4 Md$ il y a un an) tandis que le bénéfice d'exploitation (Ebit) a atteint 1,18 Md$ (contre 5,2 Md$), également en notable repli (- 77 %) par rapport au premier trimestre 2022.
Première du top 10 à présenter des résultats du premier trimestre
La compagnie est la première parmi les dix leaders du secteur à publier des données auditées (celles de Cosco relevaient de résultats préliminaires mais indiquaient également une dégringolade de 75 % du bénéfice d'exploitation au 1er trimestre).
Le revenu moyen par EVP de 2 596 $ par EVP enregistré au cours du trimestre contraste avec les 2 898 $ de l'année précédente, mais reste dans le sillage des 2 648 $ générés au cours du quatrième trimestre 2022.
Il témoigne du léger frémissement des taux de fret observé ces derniers jours, particulièrement sur le marché transpacifique et de la gestion de l’offre (annulation des départs) par la jeune compagnie née en 2018 de la fusion des activités conteneurs des trois transporteurs japonais MOL, NYK et K-Line.
« La demande au cours du dernier trimestre [premier trimestre 2023] a été nettement plus faible que lors des deux premiers trimestres des années précédentes [premier trimestre 2022 et 2021]. Cette situation n'est pas totalement inattendue puisque la reprise qui a suivi l’épisode Covid a donné lieu à de solides reconstitution des stocks pour les biens de consommation. Il y a eu une sur-correction, et les ventes récentes ainsi que les niveaux de stocks ont évolué négativement, en particulier en Amérique du Nord et en Europe », explique Jeremy Nixon, reprenant le justificatif largement employé par ses pairs.
Stratégie d'investissement orienté vers l'acquisition de navires
Le dirigeant note toutefois que les volumes ont été un peu plus résistants sur les routes commerciales intra-asiatiques et Nord-Sud. « Il y a eu des améliorations dans les réservations mais cela est probablement dû aux vacances de la Golden Week au début du mois de mai. Il est probable que nous devrons attendre au moins jusqu'en juin et juillet avant de voir des avancées plus franches. »
À l’occasion de la présentation des résultats, Jeremy Nixon a insisté sur la stratégie d’investissement. ONE, qui a reçu deux navires de 12 000 EVP (navires affrétés à long terme) en août et septembre 2022, a commandé l'an dernier en tout vingt navires de 13 700 EVP qui devraient lui être livrés entre 2025 et 2026.
L'armateur de porte-conteneurs devrait investir plus de 20 Md$ d'ici 2030 pour étoffer sa flotte de 520 000 EVP. En termes de stratégie, ONE entend déployer des navires plus grands sur les trafics Est-Ouest « en avance sur le calendrier » et renforcer en capacité les lignes Nord-Sud et atlantiques.
La société a également annoncé son intention d'acquérir des participations majoritaires dans trois terminaux à conteneurs en Californie (YTI/LA, TrapacLA et Trapac/Oakland). Elle fait également partie du pool d’actionnaires qui a acquis Seaspan, l’un des plus importants propriétaires de flotte en capacité, dont la finalisation est effective depuis mars.
Miser sur le vélique
Quant à ses convictions vertes, ONE semble s’intéresser à la propulsion vélique. Le transporteur a fait part en avril de son intention de tester sur le Kalamazoo de Norse Shipholding, un feeder de 1 036 EVP (142,8 m de long) en service entre la Chine et la Corée, la technologie du néerlandais Econowind, un système éolien qui se replie et se déplace pour permettre les opérations courantes d’un porte-conteneurs (chargement et déchargement).
Avant la fin de l'année, le Kalamazoo sera équipé de deux unités conteneurisées (éoliennes) complètement autonomes (le seul soutien nécessaire est celle d’une connexion électrique) de la même taille qu'un conteneur standard de 40 pieds.
Econowind a mis au point cette solution conteneurisée en s’appuyant sur son VentoFoil, une voile rigide en forme d'aile déjà exploité sur des navires. Le foil mesure environ 10 x 2,7 m et pourra générer une poussée générant une économie jusqu'à 400 kW de puissance moteur.
Econowind a effectué ses premiers essais à échelle réelle en novembre 2018 à bord d'un navire de marchandises diverses, le Lady Christina (5 375 tpl), en mer du Nord et Baltique. Au cours de cet essai, l'opérateur du navire a signalé une économie de carburant d'environ 10 % par jour.
Outre les unités conteneurisées, Econowind a également mis au point des Ventofoils fixes de plus grande taille qui peuvent être utilisés dans les nouvelles constructions ou installés en refit. Suivant les mêmes principes aérodynamiques, les versions fixes ne sont pas limitées par la taille du conteneur, ce qui permet d'augmenter la puissance.
Des carburants alternatifs à l'épreuve
ONE teste en outre des carburants alternatifs. Dans le cadre d’un partenariat avec Freightliner, opérateur britannique de logistique intermodale, ils ont lancé en début d’année un service ferroviaire entre Southampton à Crewe qui carbure au GD+, un combustible à base d’huile végétale hydrotraitée destiné à remplacer le diesel.
Adeline Descamps