Le Comité de la sécurité maritime de l'OMI, qui s’est tenu du 4 au 11 novembre, a approuvé une procédure visant à dresser la liste de tous les ports où les changements d'équipage sont possibles. Une petite avancée qui offrira plus de visibilité et de transparence sur les infrastructures et protocoles réellement mis en œuvre par les États du pavillon.
La 102e session du Comité de la sécurité maritime (MSC 102) de l’OMI a approuvé quelques mesures censées faire avancer l’imbroglio des changements d'équipage dont les entraves sont lourdes de conséquences pour la sécurité maritime. Parmi les résultats de la réunion virtuelle qui s’est tenue a semaine dernière, les délégués du Comité se sont mis d’accord sur l’établissement d’une base de données mondiale des ports dits « ouverts ». Elle obligera ainsi les États membres à déclarer auprès de l’OMI l’ensemble des mesures prises pour organiser les mouvements d’équipage en toute sécurité et pour les marins et pour les populations locales : structures d’hébergement, couloirs de transit sécurités, protocoles en cas d’urgence sanitaire, lignes aériennes ouvertes, etc…
À l'heure actuelle, toutes les données fiables sur ces protocoles sont assez limitées, de sorte que les compagnies maritimes sont obligées d'utiliser le tracker Inchcape pour identifier les ports ouverts lors du rapatriement de leurs membres d'équipage. Ce service dispose de données sur une petite trentaine de pays.
La liste de l’OMI devrait être disponible d’ici la fin de l’année. Les informations seront actualisées et disponibles sur un nouveau module du Système mondial intégré d'information sur les transports maritimes de l'OMI. Il est ailleurs question d’un « logo universel » (sans texte) qui identifiera les marins. Ils auraient ainsi accès aux ressources et aux processus dédiés, à bord des navires, dans les ports et en transit à destination/en provenance des navires.
Casse-tête onéreux
C’est une avancée pour les marins entravés dans l’exercice de leurs missions par les mesures réglementaires prises par les États de par le monde pour éviter la propagation du virus : fermeture des frontières, restriction des déplacements, réduction du trafic aérien…Les gens de mer se retrouvent aujourd’hui soit dans l’impossibilité de débarquer après une mission qui a déjà largement débordé du temps de travail légal, soit moins de 12 mois (certains sont en mer depuis plus de 18 mois), soit d’embarquer, avec les conséquences sociales que cela suppose (les marins philippins sans rémunérations).
La problématique est devenue un véritable casse-tête de gestion qui mobilise la plupart des grandes organisations internationales d’armateurs de tous les segments. Au-delà, le problème relève d’une situation quasiment humanitaire (pression psychologique, mutinerie, tentatives de suicides) aux conséquences multiples en termes économiques pour les compagnies (hébergement, restauration des marins en transit ayant à respecter des quatorzaines…) et techniques (défaillances, maintenance, etc.).
D’autant que certains États du pavillon, dans cette seconde vague, exigent désormais des visas administratifs en sus du visa sanitaire.
Aberrations
Annick Girardin, lors de son passage le 13 novembre au guichet unique du Rif à Marseille, où une cellule de crise dédiée a été installée pour gérer la problématique des marins français, expliquait par exemple que les mégamax de CMA CGM qui sortent des cales des chantiers chinois pouvaient potentiellement être livrés sans équipage. Pékin a édicté des règles qui ne permettent pas aux officiers français et aux marins philippins d’entrer sur le territoire chinois.
Lors de la Journée mondiale de la mer le 24 septembre, la France avait proposé un amendement à la convention du travail maritime (CTM) auprès de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui obligerait les États du pavillon à déclarer auprès du Bureau international du travail tout dépassement du temps d’embarquement maximum légal. Hors cas de force majeure qui seraient, selon Annick Girardin, porte-voix du gouvernement français, limités « à l’absence de vols commerciaux et à la fermeture des frontières ». Cette mesure pourrait être discutée en avril 2021 à Genève dans le cadre de la conférence tripartite de l’OIT.
Adeline Descamps