Dire que MSC a un goût prononcé pour les navires est un pléonasme. Qu’ils soient neufs, affrétés ou anciens, le numéro un mondial de la ligne régulière rafle tout, engagé dans une course haletante à la capacité depuis mi-2020, date à laquelle le secteur du conteneur a basculé dans la prospérité.
Depuis, la conjoncture s’est retournée sous l’effet du ralentissement économique mondial et de l’inflation mais l’armateur italo-suisse ne raccroche pas pour autant, poursuivant la conversation avec les constructeurs et le marché de l’occasion, qu’il a dévalisé avec 318 acquisitions en trois ans.
Une nouvelle commande d'une valeur d'1 Md$
Le 9 août, le chantier naval chinois Zhoushan Changhong International Shipyard (dont est actionnaire le groupe CIMC) a signalé la réception d’une nouvelle commande d’une valeur de plus d'un milliard de dollars pour dix porte-conteneurs de 10 300 EVP destinés à être exploités par MSC et à livrer à partir du second semestre 2026.
Le même constructeur avait déjà reçu en début d’année une commande similaire du transporteur pour des unités de 11 500 EVP (120 M$ par navire) qui devraient entrer en flotte entre le second semestre 2025 et 2026.
Une propulsion au GNL mais...
Alors que Maersk et CMA CGM semblent se fixer sur le méthanol en tant que carburant alternatif, MSC a choisi, pour cette nouvelle série, une propulsion au GNL, carburant auquel le groupe de la famille Aponte s’est rallié tardivement.
Le leader mondial de la ligne régulière y est cependant allé à tâtons, avec un risque mesuré, en concluant des contrats d'affrètement à long terme pour onze porte-conteneurs de 15 300 EVP configurés pour le GNL avec le singapourien Eastern Pacific Shipping, grand bailleur mondial de navires.
Le groupe a pris livraison de son premier navire GNL bicarburant, le MSC Washington, en mars de cette année.
Plus long rayon d'action
MSC a confirmé la commande de cette nouvelle série, soulignant que la conception permettra aux navires d'avoir un plus grand rayon d'action (les navires seront en effet dotés d’une cuve de type C, la plus grande capacité en vigueur), ce qui leur permettra d'effectuer un aller-retour sur les routes Chine-Europe ou Chine–États-Unis et d'accéder à des zones, telles que la mer Noire à travers le détroit de Turquie (sic), que sa nouvelle classe d'ULCV n'a pas la capacité d'atteindre.
Il a aussi été précisé que les navires seront configurés pour recevoir de l'ammoniac ou du méthanol comme carburant principal.
MSC est le seul armateur de porte-conteneurs qui s’intéresse de près à l’ammoniac. En mai 2023, il a rejoint un projet porté par le Shanghai Merchant Ship Design & Research Institute (SDARI) de la China State Shipbuilding Company, MAN ES et Lloyd's Register, qui se concentre sur la conception de porte-conteneurs alimentés à l'ammoniac.
560 000 EVP supplémentaires
La soif de navires manifestée par MSC s'apparente à un phénomène. Grâce à l'armateur d'origine italienne mais basé à Genève, la Suisse a fait son entrée dans le classement mondial des premiers pays d’armateurs par la valeur de la flotte, établi par VesselsValue.
Sur le seul premier semestre, sa flotte s’est encore enrichie de 560 200 EVP, soit une croissance de 12,2 %, portant sa capacité à 5,16 MEVP et sa part mondiale à 19 %. MSC aura notamment reçu neuf porte-conteneurs de très grande taille en six mois (24 346 EVP) et onze neo-panamax de 15 000 EVP.
Fin juillet, le MSC Noa Ariela (16 550 EVP) a été livré par le chantier naval Guangzhou Shipyard International (GSI), le premier des sept de type Maric que GSI construira pour le leader mondial.
Il recevra 16 autres unités de même conception de Dalian Shipbuilding Industry Company (DSIC), un autre chantier naval du groupe CSSC. Ils seront les plus grands de leur catégorie (366 m de long et 51 m de large, offrant 20 rangées de conteneurs, avec un tirant d’eau de 17 m). Ils entreront en service dans le cadre d'affrètements à long terme (auprès de la société japonaise Doun Kisen et la Chinoise CSSC Leasing) ou en propriété directe.
1,5 MEVP en construction
À la mi-août, MSC était en mesure d’aligner 774 navires, dont 475 en propriété (5,21 MEVP). Avec près de 1,5 MEVP en construction, soit 28,8 % du carnet de commandes total, la position de numéro un de MSC est désormais cimentée pour de nombreuses années à venir.
Selon Alphaliner, MSC contrôlera une capacité de plus de 6 MEVP d'ici 2025.
Avec CMA CGM (1,2 MEVP en commande), Cosco (plus de 900 000 EVP) et Evergreen (840 000 EVP), MSC contribue largement à aggraver le risque de surcapacité pesant sur le secteur, le ratio entre le carnet de commandes total et la flotte en service atteignant les 28,4 %.
Une part des nouveaux navires de MSC ont d’ailleurs été déployés pour absorber la surcapacité.
Activité sur d'autres fronts
Le groupe est hyperactif durant cet été 2023. Il continue de puiser dans ses cassettes pour investir. Il y a quelques jours, il a acquis la majorité des parts d'AlisCargo Airlines, un transporteur de fret aérien basé à Milan, en vue d’une prise de contrôle totale prévue pour début 2024.
Dans cette opération préliminaire, MSC rachète les parts du groupe Leali, dirigé par Domenico Alcide Leali qui, après Air Dolomiti, avait lancé AlisCargo Airlines en 2019.
À l'issue de l'opération, MSC Air Cargo disposera d'une nouvelle licence d’exploitation et d’une flotte de cinq gros-porteurs, des B777F.
Adeline Descamps
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