Conteneur : MSC s'est discrètement assuré 20 % de parts de marché

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Crédit photo ©MSC
Dans un secteur hyper concurrentiel, dominé par de grandes alliances entre géants qui partagent des navires pour assurer une couverture globale, de la régularité et de la fréquence, le leader mondial est le seul en mesure d’assurer le tour du monde sans l’apport d’un tiers. Les capacités sont plus que jamais un enjeu dans le contexte actuel.

Depuis le 9 août, MSC a rétabli le service Liberty entre l'Asie et la côte est américaine. En réalité, la boucle n’a rien d’un retour mais a tout d’un nouveau service autonome : le Liberty était exploité jusqu'en novembre 2022 par ZIM (sous la marque commerciale eXpress) et Maersk (TP23) sur lequel le transporteur genevois affrétait des slots dans le cadre d'un accord de partage de navires entre ZIM et l'alliance 2M entre Maersk et MSC.

Le leader mondial de la ligne régulière assurera désormais seul la ligne et effectuera des escales, côté Asie, à Singapour, Shanghai, Busan, et à Miami, Savannah, Charleston, Philadelphie et New York coté nord-américain. L’aller se fait via le canal de Panama, qui restaure petit à petit sa jauge de transit, tandis que le retour vers Singapour s’effectue par le cap de Bonne Espérance.

Depuis que la rupture est consommée avec Maersk au sein de 2M – elle le sera effectivement en 2025 –, MSC multiplie les annonces portant sur le lancement de services opérés en solo. Dans un secteur hyper concurrentiel, dominé par de grandes alliances entre géants qui partagent des navires pour pouvoir assurer un réseau global, de la régularité et de la fréquence, le leader mondial est le seul en mesure d’assurer le tour du monde sans l’apport d’un tiers.

Course haletante à la capacité

Depuis 2020, la société du groupe Aponte s’est détachée du peloton, sans crier gare, et s’est lancée dans une course haletante à la capacité. MSC a ainsi acquis près de 300 porte-conteneurs d'occasion depuis 2020, dont 65 en 2023 (22 % du total des navires d’occasion acquis) et trois dizaines depuis le début de l'année.

Le transporteur a atteint dernièrement une part de marché de 20 %. Sa flotte a franchi en toute discrétion les 6 MEVP, ligne de crête dépassée avec l’achat très symbolique d’un navire d’occasion de Maersk. Ce dernier, ex-leader de la ligne conteneurisée, bientôt ancien partenaire d’alliance de MSC, a abandonné la quête effrénée de parts de marché pour réserver son cash à sa stratégie de logistique intégrée (air-mer-terre) et... à l’enrichissement de ses actionnaires.

400 000 EVP absorbés depuis le début de l'année

MSC a franchi le rubicond grâce aux 400 000 EVP absorbés depuis le début de l'année, ce qui équivaut à plus de la moitié de la flotte de Yang Ming, la plus petite compagnie de transport maritime de ligne du Top 10, faisait alors observer Alphaliner.

Selon l’analyste, mémoire de la ligne régulière, il aura fallu 37 ans au transporteur italo-suisse pour atteindre une capacité de flotte de 1 MEVP en janvier 2007. Ce n'est que quatre ans et demi plus tard, en juillet 2011, que le cap des 2 MEVP a été franchi. Six autres années seront nécessaires pour atteindre les 3 MEVP (mai 2017). Les années Covid ont été déterminantes dans les sauts de capacité : les 4 MEVP sont atteints en juillet 2021, puis les 5 MEVP en mai 2023.

Entre temps, la compagnie est devenue le numéro un mondial distançant de loin Maersk avec ses 4,28 MEVP mais sans que ce dernier ne manifeste la moindre intention de livrer bataille. La capacité de MSC devrait même être supérieure à celle de Maersk et Hapag-Lloyd, qui seront réunis au sein d’une même alliance (Gemini) en relais à la dissolution du partenariat des deux leaders mondiaux.

Nouvelle commande de 480 000 EVP

Sa soif semble inextinguible. On lui prête une nouvelle commande de 24 panamax au GNL auprès des chantiers chinois Jiangsu New Hantong Heavy Industrie (JNHHI) et Zhoushan Changhong International Shipyard (ZCIS) : douze navires de 21 000 EVP pour le premier et douze de 19 000 EVP pour le second. Ce dernier est déjà bénéficiaire d'une série de dix unités de 11 400 EVP et de dix de 10 300 EVP, au GNL, pour le compte de l'armateur (livraisons entre 2025 et 2027). Ces dernières commandes ajoutent 480 000 EVP au carnet de commandes de MSC, qui représente désormais 28 % de sa flotte en exploitation.

Autre élément notable, sur un total de 844 porte-conteneurs, l’armateur en détient 546 navires. Il y a encore deux ans et demi, les deux tiers de sa capacité étaient assurés par des navires affrétés. Cette quête frénétique aux navires, qu’ils soient d'occasion ou neufs, peut aussi être interprété comme une volonté de s’affranchir de l’affrètement.

Croissance historique

Ces mouvements s’inscrivent dans un contexte de rush sur les navires et de croissance historique du secteur. Les livraisons de 2023, 2024 et 2025 seront deux à trois fois plus élevés que la moyenne historique. L’ère post-Covid a donné lieu à une orgie de commandes, passées par la plupart des transporteurs du Top 10, à quelques exceptions près, tels Maersk qui s’est limité jusqu'à très récemment à se doter d’une petite flotte au méthanol (25 unités), ou Yang Ming qui s’est trouvé ainsi déclassé de son rôle-titre en tant que 9e acteur au profit de ZIM.

Durant la seule année 2023, quelque 2,85 MEVP ont été ajoutés à la capacité de la ligne conteneurisée correspondant à une augmentation de plus de 10 %. MSC y aura contribué à hauteur de plus d’1 MEVP, soit 47,4 %. En comparaison, le Danois a vu sa flotte perdre 2,7 % de son tonnage et le numéro trois mondial, le Français CMA CGM, qui observe pourtant aussi une stratégie de croissance agressive, n’a vu sa flotte augmenter « que » de 5,4 % l’an dernier, guère plus de 180 000 EVP. Mais au vu de son carnet de commandes, il devrait détrôner Maersk avant 2025.

Quelques tectoniques des plaques

En 2023, ce sont ONE et ZIM qui, parmi les 12 premiers « carriers », ont connu la plus forte expansion (+ 17,8 % et + 16 %). Le Japonais, grâce à la livraison de six megamax (plus de 24 000 EVP) et de quatre navires de plus de 15 000 EVP, a ainsi pris temporairement la place du Taïwanais Evergreen, qui a enregistré une contraction de 1 % de son bataillon en 2023, mais dont le carnet de commandes de 690 000 EVP et 61 navires ne le contiendra pas longtemps derrière ONE. Le ratio carnet de commandes/flotte du premier des trois Taiwanais s'élève à près de 41 %, le plus élevé du secteur.

Autre mouvement entre ZIM et Yang Ming. Ce dernier a rompu avec sa sécheresse de commandes en mai 2023, en commandant cinq navires de 15 500 EVP à Hyundai Heavy Industries pour une livraison en 2026. Ce sont les seuls navires inscrits dans son carnet de commandes.

En mai, à l'issue de la publication des résultats pour le premier trimestre 2024, le directeur général de la compagnie, Patrick Tu, avait indiqué que la compagnie envisageait de construire des navires de 24 000 EVP, « car elle ne peut pas continuer à dépendre de la capacité des autres membres de THE Alliance », qui possèdent tous des navires de 24 000 EVP (Hapag-Lloyd doit quitter le groupement pour former Gemini Cooperation avec Maersk en février 2025).

Le ministre taïwanais des Transports et des Communications, Li Meng-yen, aannoncé au cours d’une conférence de presse le 30 juillet qu’à l’occasion du changement de direction, le gouvernement soutiendrait une augmentation de flotte L'État taïwanais, par l'intermédiaire du ministère des transports et des communications et du Fonds national de développement, est le principal actionnaire de Yang Ming.

Pour autant, il reste le seul transporteur du Top 10 à avoir réduit sa flotte au cours du premier semestre. Aidé par le surplace du Taiwanais, dont la taille de la flotte n'a pratiquement pas changé depuis 2022, le transporteur israélien s’est ainsi hissé à la neuvième place du classement d'Alphaliner grâce à un programme massif de nouvelles constructions et une série de livraisons.

ZIM en mode offensif

La compagnie, entrée en bourse en pleine pandémie, a accueilli pas moins de sept navires de 7 800 à 7 900 EVP, de huit unités de 5 300 à 5 500 EVP ainsi que ses trois derniers de 15 250 EVP alimentés au GNL. La plupart de ces nouvelles capacités ont été déployées sur le marché porteur Asie-Amérique du Nord.

D'un point bas de 271 000 EVP en avril 2020, ZIM a doublé sa capacité en seulement trois ans. Le transporteur négocie cependant une période de transition délicate, faisant le pari que ses nouveaux navires – dont 28 sont alimentés au GNL –, séduiront de nouveaux clients soucieux de l'environnement et, surtout, feront baisser les coûts unitaires. La structure de sa flotte, composée presque exclusivement de navires affrétés, lui coûte cher, les derniers contrats ayant été signés à des tarifs dispendieux datant de l'époque de la pandémie, à l’instar du ZIM Shanghai, fixé jusqu'en juillet 2025 à 72 700 $ par jour.

La compagnie a 30 navires livrables cette année et 37 en 2025. D'ici là, la société prévoit une perte ou un léger bénéfice en 2024. Elle table sur un résultat d’exploitation (Ebit) se situant dans une fourchette large de - 300 M$ à + 300 M$ pour l'année.

CMA CGM, en attente de 1,1 MEVP

Depuis juillet 2023, la flotte de CMA CGM a reçu 23 porte-conteneurs neufs et neuf acquis sur le marché de l’occasion, soit 32 navires supplémentaires tandis que trois unités ont été vendues.

Le carnet de commandes du numéro trois de la ligne régulière comprend 88 navires pour une capacité totale de 1 140 000 EVP (dans le détail, six de 2 000 EVP ;  7 de 5 000 EVP ; 22 de 7 000-9 000 EVP ; 40 de 13 000-16 000 EVP et 14 de 23 000-24 000 EVP). Sa dernière commande connue porte sur 12 porte-conteneurs au GNL de 15 500 EVP chez HD Hyundai.

Le transporteur français doit recevoir 23 navires avant la fin de l'année, 18 en 2025, 22 en 2026, 11 en 2027 et 15 en 2028. La propulsion au gaz naturel liquéfié concerne 58 navires, tandis que 24 seront propulsés au méthanol, autant que Maersk.

CMA CGM affrète par ailleurs 376 porte-conteneurs, soit 48 % de sa flotte, la part d'affrètement la plus élevée du Top 10 après MSC.

Puissance navale, plus que jamais un enjeu

Bien qu'une nouvelle capacité de 1,14 MEVP avait déjà été livrée en mai pour cette année, les membres des trois principales alliances (2M ; Ocean Alliance ; The Alliance) manquaient toujours (en mai) de 36 navires pour remplir leurs 25 boucles Asie-Europe.

Selon Alphaliner, 376 navires sont nécessaires pour assurer les 25 boucles, contre 321 pour 27 boucles il y a un an, le détournement par le cap de Bonne-Espérance en raison de la crise en mer Rouge mobilisant plus de capacités.

Le 10 mai, l'analyste a recensé 340 porte-conteneurs naviguant sur les services Asie-Europe d'Ocean Alliance, de 2M ou de THE Alliance, suggérant que les compagnies ont dû annuler en moyenne 9,6 % de toutes les traversées hebdomadaires.

« Cela a entraîné un changement de capacité au sein de la flotte d'Ocean Alliance [CMA CGM, Cosco/OOCL, Evergreen, NDLR] puisque Cosco et Evergreen ont déplacé des mégamax des boucles nord-européennes vers leur service commun Asie -Méditerranée [AEM1 / MD2, NDLR], qui transportent désormais de gros volumes de l'Asie vers le Pirée », selon Alphaliner.

Là encore, l'expansion massive de la flotte de MSC a non seulement contribué à maintenir la flotte de 2M au quasi-complet, avec 118 navires en place contre 126 nécessaires, mais aussi à doter entièrement ses boucles autonomes Swan entre Asie et Europe du Nord et Dragon depuis l'Asie vers la Méditerranée.

Adeline Descamps

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