Quelques jours à peine après l'alerte à la navigation lancée par l'International Maritime Security Construct, à la suite d'une série de provocations de la part des rebelles houthis – « nous coulerons vos navires », a averti le 14 novembre un de ses porte-parole –, un transporteur de véhicules a fait l’objet d’un arraisonnement dans cette région contrôlée par le mouvement composé de musulmans chiites du Nord du Yémen.
Les 25 membres d’équipage, de différentes nationalités, dont des Ukrainiens, des Bulgares, des Philippins et Mexicains, sont actuellement retenus en otages.
L'annonce a été faite par un porte-parole de l'armée yéménite, évoquant la « saisie d'un navire israélien ». « Tous les navires appartenant à l'ennemi israélien ou traitant avec lui deviendront des cibles légitimes », a ajouté un porte-parole des Houthis.
« Il ne s'agit pas d'un navire israélien »
Les forces militaires israéliennes ont confirmé l'attaque du navire sur les réseaux sociaux (X) mais ont insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’un navire israélien. « Le détournement d'un navire par les Houthis, près du Yémen, dans le sud de la mer Rouge, est un incident très grave qui a des conséquences mondiales (…) Il ne s'agit pas d'un navire israélien. »
Le navire, qui faisait route vers l'Inde via la Turquie sans cargaison, a été identifié comme le PCTC Galaxy Leader (d’une capacité 5 100 CEU). Le navire appartient à la société britannique Ray Car Carriers, basée sur l'île de Man britannique, mais est exploité par le groupe japonais NYK.
Ray Car Carriers a pour actionnaire principal l'Israélien Abraham Rami Ungar. Cette compagnie opère une flotte de 65 porte-voitures et de deux VLCC.
NYK a indiqué, de son côté, avoir été informée de la saisie le dimanche 19 novembre dans la soirée. Depuis, le transporteur a placé la mer Rouge en « alerte élevée » et envisage d'autres voies d'accès à la voie navigable,
Au port de Salif ?
S"appuyant sur des précédents – les saisies antérieures opérées par la milice des Houthis –, la société de sécurité Ambrey indique que le navire pourrait se trouver à Salif, port yéménite de vrac sec, situé dans le gouvernorat de Hodeïda.
Le PTCT aurait, conformément aux consignes, désactivé son système de reconnaissance à 555 km avant d'entrer dans les eaux territoriales du Yémen et de s'approcher du détroit de Bab-el-Mandeb. Le passage, qui sépare le Yémen de Djibouti, est un point névralgique du commerce maritime entre le golfe d'Aden et la mer Rouge.
L’IMSC, coalition des forces morales formée par 11 pays, créée en 2019 pour assurer la libre navigation dans les eaux du Golfe, a rappelé le 16 novembre quelques règles de précaution à l'intention des exploitants de navires, leur conseillant de transiter par le Yémen la nuit, de désactiver l'AIS pour ne pas être repéré et d'éviter de rester statique pour ne pas devenir une cible.
Dans le cadre de la guerre contre le Hamas palestinien, les Houthis se présentent comme faisant partie d’un « axe de la résistance » des groupes affiliés à l'Iran. Ils ont déjà pris part à la guerre déclenchée le 7 octobre en lançant des drones et missiles sur Israël.
Des attaques récurrentes
De janvier 2021 à juillet 2023, selon les données délivrées par les agences de sécurité, l'Iran aurait perpétré 26 attaques ou saisies de navires marchands et militaires (notamment américains).
Les années, qui ont suivi le retrait en 2018 des États-Unis, sous l'administration de Donald Trump de l'accord historique sur la non-prolifération nucléaire, ont été particulièrement animées dans ce sens.
Parmi les faits clairement attribués, les Houthis ont attaqué deux pétroliers saoudiens en 2018 tandis que l'Arabie saoudite a intercepté plusieurs vedettes rapides kamikazes en 2020. Il est également attribuée à la milice armée les centaines de mines essaimées dans la partie sud de la mer Rouge.
Un détroit sous surveillance
Le détroit de Bab-el-Mandeb est considéré comme le quatrième passage maritime le plus important au niveau mondial en termes d'approvisionnement énergétique, stratégique pour le commerce d'hydrocarbures en provenance du golfe arabo-persique et à destination du Canal de Suez (pipeline Sumed) pour ensuite irriguer les marchés européens, américains et asiatiques.
La situation sécuritaire est confuse au Yémen depuis 2014, date à laquelle les rebelles houthis ont pris le contrôle de la zone, y compris de la capitale de Sanaa, provoquant une guerre contre les forces gouvernementales. La situation avait alors poussé l'Arabie saoudite, à la tête d'une coalition d'États sunnites, à lancer une intervention militaire, exacerbant les tensions entre la grande monarchie du Golfe et l'Iran.
Le golfe d'Aden, le détroit et la mer Rouge font l'objet d'une surveillance internationale. La mer Rouge bénéficie de moyens navals importants, avec notamment la présence du USS Bataan Amphibious et ses 2 000 « marines » américains, tandis que le porte-avions américain USS Ford, première unité de la classe Gerald R. Ford, croise au nord du canal de Suez, et le USS Eisenhower à l'Est de Bab el-Mandeb.
La proximité du canal de Suez est une source d'inquiétude supplémentaire pour le transport maritime. Avec pour conséquence immédiate, la hausse des primes d'assurance pour les navires transitant dans une région dont le risque d'embrasement est élevé.
Pour l'heure, les pays riverains de la mer Rouge, tels que l'Égypte, la Jordanie et l'Arabie saoudite, qui possèdent tous des infrastructures clés dans la région (ports, installations énergétiques, etc.), font preuve de retenue et appellent à la voie diplomatique. L'attaque des Houthis visant les installations pétrolières d'Abqaïq et de Khurais de Saudi Aramco en 2019 sont encore en mémoire.
Adeline Descamps
[Actualisation au 22 novembre ] Deux navires se détournent de la zone de la mer Rouge
Les deux navires, qui ont dévié de leur route en mer Rouge et dans le golfe d'Aden, sont liés au même groupe maritime (Ray Car Carriers) que le transporteur de voitures saisi par les Houthis, a indiqué la société britannique de sécurité maritime Ambrey sur la base de l'AIS du navire. Il s'agit des Glovis Star et Hermes Leader, qui ont détourné leurs itinéraires dès le dimanche 19 novembre.
Au cours de son voyage, le Hermes Leader a indiqué « une nouvelle destination, Hambantota, au Sri Lanka. Le navire a subi une interruption d'activité d'au moins quatre jours et a parcouru 1 876 milles nautiques supplémentaires », précise la société de sécurité. Le Glovis Star a également dérivé pendant plusieurs heures en mer Rouge avant de poursuivre son voyage.
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